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Lier les stratégies d’apprentissage aux objectifs d’affaires

Lorsque vient le temps de gérer les demandes de formation, le professionnel du développement des compétences doit concilier plusieurs objectifs : justifier l’impact de ses programmes, faire plus avec moins, satisfaire les employés qui réclament des solutions d’apprentissage suivant les tendances technologiques... Il doit aussi accroître sa crédibilité auprès des gestionnaires en tant que réel partenaire d’affaires par la démonstration de sa capacité à contribuer à l’atteinte des objectifs organisationnels.

6 décembre 2015
Nathalie Doré, CRHA

Dans ce contexte, trouver l’équilibre entre les demandes de ses clients et les objectifs de l’organisation peut être difficile. Pour démontrer la pertinence et la valeur ajoutée de la formation, il est important d’utiliser une méthodologie qui, à l'aide d'indicateurs de mesure, servira à guider le processus d'analyse des demandes, le choix de la stratégie d’apprentissage ainsi que la façon dont les retombées identifiées seront évaluées. L’une de ces approches consiste à utiliser en amont les quatre niveaux d’évaluation de programmes de formation de Kirkpatrick (voir le tableau de la page 22, qui présente les niveaux 2,3 et 4), qu’on utilise habituellement une fois la solution d’apprentissage implantée, afin de déceler le besoin derrière la demande.  

Le modèle d’évaluation Kirkpatrick

Le modèle d’évaluation de Donald Kirkpatrick (1954) permet de recueillir des données quantitatives et qualitatives en passant par quatre niveaux :

  1. Réaction
  2. Apprentissage/Connaissances
  3. Application/Comportements
  4. Résultats/Impacts

Bien saisir les objectifs pour bien choisir la stratégie d’apprentissage

Souvent, la demande de formation est soumise au professionnel du développement des compétences avec une solution déjà formulée. Prenons comme exemple un gestionnaire qui exige pour son équipe une formation de deux jours sur la gestion de projet. De prime abord, cette formation semble pertinente. Cependant, avant d’aller de l’avant, le professionnel doit creuser davantage pour comprendre le besoin qui motive la demande du gestionnaire et s’assurer que la solution choisie est la meilleure non seulement pour l’équipe, mais aussi pour l’ensemble de l’organisation.

Ainsi, lors de la réception de la demande, la première question à poser sera : « Que souhaitez-vous améliorer avec cette formation? ». Si on lui répond : « Je veux réduire les coûts de gestion de projet et respecter les échéanciers », le besoin identifié sera de viser une amélioration avec des résultats mesurables, ce qui correspond au niveau 4 (Résultats) du modèle Kirkpatrick. L’étape suivante sera donc de déterminer les comportements ou connaissances liés à l’écart de performance constaté en posant les questions des niveaux 2 et 3 du tableau. Par contre, si on lui répond plutôt : « Je veux que mes employés utilisent un langage commun », le professionnel devra creuser davantage pour comprendre l’impact de l’absence de langage commun. S’il s’agit réellement du besoin de suivre un processus commun, le professionnel du développement des compétences pourra recommander de faire une session de travail pour élaborer un processus commun interne ou adapter une méthodologie connue telle que celle du Project Management Institute.

Une fois l’objectif de la formation bien ciblé, le professionnel pourra choisir une ou des stratégies d’apprentissage qui correspondent au besoin identifié. Les stratégies offertes varient de la plus simple à la plus complexe (et plus coûteuse) selon le besoin et l’impact recherché sur les objectifs organisationnels. C’est également à cette étape que le professionnel pourra s’entendre avec le gestionnaire sur les indicateurs de mesure (Key performance indicators) à intégrer dans la solution.

Mesurer l’impact de la formation sur les affaires

Une autre façon d’évaluer la demande est de mesurer l’impact commercial si la formation n’est pas offerte. En d’autres mots, si rien n’est fait, quelles seront les conséquences? Parfois, la réponse peut surprendre le demandeur qui constatera qu’il s’agit en fait d’un manque de communication des objectifs ou que la solution se trouve dans la rétroaction ou le jumelage. Pour bien évaluer l’ampleur d’une démarche, le professionnel du développement des compétences pourra demander : Combien y a-t-il de personnes à former? Combien de projets chaque personne gère-t-elle annuellement? Quelle est l’ampleur des projets? Ces personnes ont-elles déjà été formées sur la gestion de projet? Quelles sont les conséquences d’un projet mal géré? Y a-t-il des pénalités considérables pour chaque jour de délai? Quelles sont les conséquences sur l’organisation?

Dans le cas où les coûts de retard s’accumulent et pénalisent la rentabilité de l’organisation, il serait pertinent d’allouer un montant considérable au développement d’une solide solution d’apprentissage de gestion de projet, où les employés seront évalués à chaque étape, avec des mises en situation, des études de cas et des suivis.

À l’aide de ces questions et des réponses obtenues, le professionnel sera en pleine mesure d’évaluer la demande et les attentes et de faire ensuite ses recommandations, car le lien avec l’impact d’affaires sera clairement identifié.

Bien choisir le véhicule

Lorsque vient le temps de choisir une stratégie d’apprentissage, il est facile pour un professionnel du développement des compétences de s’enthousiasmer à l’idée d’utiliser de nouvelles technologies. Mais, avant de songer au choix technologique, il doit avant tout s’assurer de choisir une solution d’apprentissage qui correspondra à la fois aux attentes et aux objectifs d’affaires de l’entreprise. Les nouvelles technologies doivent vraiment apporter une valeur ajoutée au processus d'apprentissage.

Mettre en application les nouveaux apprentissages

Une fois les besoins compris, il est important de poser les questions suivantes pour choisir une stratégie de transfert des apprentissages : Quel est le niveau de maîtrise actuel de la matière? Qu’est-ce que les employés devront changer après la formation? Quelles sont les conditions à mettre en œuvre par l’organisation, avant, pendant et après l’activité d’apprentissage pour favoriser le transfert? Quel moyen pourrait-on utiliser pour mesurer le transfert des apprentissages?

Dans certaines entreprises, les nouvelles technologies sont mises à profit dans ce transfert, ce qui permet d’éviter une division trop marquée entre l’espace de formation et le lieu de travail. Par exemple, certaines usines de fabrication utilisent désormais une tablette électronique pour présenter les étapes à suivre pour assembler les pièces plutôt que d’amener leurs employés dans une salle de classe. L’ouvrier assembleur peut donc entamer sa tâche plus rapidement et se référer à la tablette en cas d’oubli. Cette méthode n’est cependant pas optimale dans tous les domaines et ne sera pas nécessairement un bon investissement pour toutes les entreprises.

Un autre exemple est celui des logiciels de rappels automatisés pour relever les défis de rétention. Dans une entreprise américaine, on a ajouté ces rappels lors de pauses dites cognitives. Ainsi, l’employé doit périodiquement répondre à une question en lien avec la formation reçue avant de pouvoir jouer à un jeu sur son téléphone intelligent. Le logiciel évalue alors la réponse et, en cas d’échec, renvoie une question reformulée sur le même sujet lors de la pause suivante, afin d’assurer un maximum de rétention.

Dans le cas de la formation en gestion de projet, l’organisation pourra préférer faire un suivi périodique auprès des employés afin de leur donner une rétroaction et de vérifier l’intégration des nouvelles compétences à une date précise selon les stratégies convenues.

Lorsque les résultats sont en dessous des attentes, le professionnel du développement des compétences devra réévaluer la demande initiale afin de valider s’il avait identifié les bons objectifs et la bonne stratégie avant de proposer les mises au point nécessaires. Parfois, il s’agit tout simplement d’offrir davantage de pratique ou de suivi pour permettre une meilleure intégration de la nouvelle matière.

Comment faire plus avec moins

Avant de se tourner vers des formations externes, certaines entreprises privilégient les cercles d’apprentissage ou le codéveloppement, favorisant ainsi l’expertise interne. Bien qu’il y ait des coûts initiaux d’accompagnement dans l’implantation d’une telle démarche, les retombées positives sont multiples : favoriser l’acquisition d’habiletés d’écoute active, encourager l’entraide, briser l’isolement, apprendre les uns des autres, etc.

Une autre manière d’améliorer l’efficacité est d’instaurer un comité pluridisciplinaire qui évalue trimestriellement l’ensemble des demandes de formation de l’organisation afin d’évaluer s’il y a des regroupements possibles. Par exemple, en faisant des arrimages, ce comité pourra déterminer si les employés des TI et du marketing peuvent bénéficier d’une seule formation de gestion de projet afin d’acquérir des connaissances de base. En se réunissant régulièrement, ce comité pourra comprendre les besoins de toutes les équipes et peut-être mieux utiliser le budget de formation. De plus, un programme comportant un tronc commun et des modules adaptés aux besoins particuliers encouragera les employés à utiliser un langage commun dans l’organisation et évitera d’envoyer quatre groupes différents chez quatre fournisseurs qui proposent des approches différentes.

Conclusion

Lorsque vient le temps de choisir la meilleure stratégie d’apprentissage, le professionnel du développement des compétences qui ouvre un dialogue avec le demandeur est en mesure de poser les bonnes questions qui lui permettront de bien saisir les enjeux et les objectifs de l’organisation. En adoptant la méthodologie présentée plus haut, le responsable de la formation pourra bien démontrer au demandeur sa valeur en tant que conseiller et son engagement à contribuer à l’amélioration de la performance de l'organisation.

Nathalie Doré, CRHA, M. Éd. conseillère-experte, Stratégies d’apprentissage et Leadership de soi, I.C. FORMATION

Source : Effectif, volume 18, numéro 5, novembre/décembre 2015.


Nathalie Doré, CRHA