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Le C au cœur du développement du leadership : La puissance des approches Collaboratives

La lettre C a toujours trouvé un large écho en développement : C pour Confiance, Compétences, Créativité, Connaissance de soi et, maintenant, pour Collaboration. Pourquoi accorder autant d’importance à celle-ci aujourd’hui?

Parce que les gains que l’on peut retirer en misant sur les compétences et les savoirs partagés sont immenses. Dans des environnements en perpétuel mouvement, la collaboration et, par le fait même, la complémentarité sont devenues essentielles pour survivre.

6 janvier 2013
Louise Beaudoin, CRHA et Julie Grégoire

De nos jours, les leaders font face à des situations d’une telle complexité qu’il faut réfléchir à de nouvelles façons de les aborder. Une organisation qui veut se démarquer, innover et créer un environnement de travail stimulant pour ses membres ne peut se passer d’une stratégie articulée de développement du leadership. Le visage du leadership change, les façons de le développer aussi. L’une d’entre elles consiste à apprendre les uns des autres et s’avère une pratique gagnante et efficace en matière de développement.  

Les entreprises les plus performantes soutiennent que le partage des connaissances, ou apprentissage collaboratif, contribue à l’innovation et apporte une valeur ajoutée à l’organisation. Par ailleurs, l’intérêt que démontre une entreprise pour le développement et les efforts qu’elle déploie à cet égard lui confèrent des avantages concurrentiels par rapport à ses compétiteurs. Bien que les modalités d’application de l’apprentissage social évoluent (en face à face, en groupe ou par la connectivité virtuelle), les facteurs clés qui expliquent le succès de telles approches demeurent les mêmes.

Le développement du leadership collectif
Bien que le développement du leadership soit souvent envisagé sous un angle individuel (développement des compétences, plan de développement individualisé, etc.) et qu’il prenne cette forme dans la plupart des entreprises, les approches misant sur le développement du leadership collectif prennent un nouvel envol depuis quelques années.

Pour gérer la complexité des problèmes et des situations qui surviennent dans les organisations, plusieurs cerveaux valent mieux qu’un. Le leadership partagé prend de plus en plus d’importance aux dépens de celui qui est détenu par seulement quelques individus. Plusieurs groupes (par exemple le CCL, la Bertelsmann Foundation) explorent actuellement les moyens les plus efficaces de développer le leadership. L’un de ceux-ci ne serait-il pas la création de réseaux d’échanges? Le regroupement des membres d’équipes naturelles permet de susciter une réflexion commune et d’explorer les façons qu’ont les uns et les autres d’aborder les nouvelles situations.

Une illustration : la formule CoachingOurselves
Créée par Phil LeNir et Henry Mintzberg en 2007, l’approche CoachingOurselves est l’exemple d’un cas réel qui démontre cette tendance. Cette approche s’inscrit dans un processus de développement qui canalise l’apprentissage social et informel au sein de l’organisation et offre aux gestionnaires des prétextes pour apprendre de leurs collègues ainsi que des expériences de ceux-ci.

La formule est simple et ça fonctionne! Un groupe de cinq à six gestionnaires, membres d’une même équipe ou d’une même entreprise, se réunit périodiquement pendant une heure et demie, avec ou sans facilitateur. Ils discutent à chaque fois d’un thème précis qu’ils ont choisi (image de marque, stratégie, gestion du changement, etc.). Un texte contenant quelques principes théoriques simples, rédigé par un grand penseur en management – tels Henry Mintzberg, Jonathan Gosling, Marshall Goldsmith, David Creelman –, constitue le point de départ des discussions, qui sont alimentées par les observations et les expériences des participants. Bien qu’elle stimule la réflexion, cette approche s’appuie d’abord et avant tout sur le principe de l’apprentissage par l’action. Ainsi, les participants tirent des conclusions pratiques de leurs échanges et s’engagent à les transposer en actions avant la prochaine rencontre.

Tout en favorisant le développement des gestionnaires, l’approche permet la réflexion, l’apprentissage collaboratif et la consolidation d’équipe. À l’ère où une grande partie des avancées en développement passent par la technologie, CoachingOurselves s’avère une approche de développement unique qui se démarque par son côté traditionnel, pleinement assumé d’ailleurs.

Les facteurs clés de la réussite
Les ingrédients du succès de l’apprentissage collaboratif? Il s’appuie sur les facteurs clés qui favorisent l’apprentissage, sur la réflexion sur l’action et sur le principe qu’en conjuguant leurs connaissances et leurs expériences, les participants trouveront des réponses à leurs questions et feront de nouveaux apprentissages.

Le choix des sujets tient compte de la culture de l’entreprise et de ses enjeux d’affaires importants; l’approche prévoit aussi le transfert des apprentissages, qui permet de projeter une application concrète des acquis afin qu’ils aient un impact réel sur le quotidien. De plus, comme ce sont les participants qui choisissent les thèmes, ils optent donc pour des sujets qui comptent pour eux. Cette implication donne à la démarche un aspect volontaire et engageant, qui peut expliquer en partie le succès des approches basées sur les communautés d’apprentissage. L’expérience démontre également qu’une des conditions de succès est l’intervention d’un facilitateur. Celui-ci peut soutenir le démarrage des premiers ateliers, fournir l’encadrement et favoriser la continuité des ateliers.

D’autre part, l’utilisation de matériel théorique devient un prétexte neutre, mais stimulant; cela permet d’amorcer les discussions sans nécessiter un partage systématique des expériences de chacun. La théorie devient un point de départ, une invitation à des discussions qui permettent de partager des idées sur différentes activités reliées au rôle de gestionnaire. Et il est connu que la prise de conscience, les réflexions ainsi que les actions et les réactions que peuvent susciter des situations vécues constituent les facteurs clés d’une démarche de développement et de changement.

En apprentissage collaboratif, le processus lui-même devient également une source d’enrichissement. Non seulement les participants en apprennent-ils plus sur le thème abordé et sur les compétences à parfaire, mais ils ont également l’occasion d’interagir davantage. Résultats : ils améliorent leur collaboration, développent une vision commune de l’exercice du leadership et apprennent à mieux travailler ensemble afin de contribuer efficacement aux résultats globaux de l’organisation.

Enfin, les approches collaboratives se caractérisent par leur facilité d’implantation et leur polyvalence. Elles nécessitent peu de ressources matérielles et de préparation, sont faciles à adapter à la réalité d’une entreprise et permettent d’atteindre plusieurs personnes à moindre coût. Toutefois, si les approches collaboratives dans les stratégies de développement présentent plusieurs avantages, elles suscitent certains questionnements : les gens apprendront-ils vraiment quelque chose? Est-ce une perte de temps? Pour assurer un alignement organisationnel, serait-il préférable de donner une direction au développement ou de se référer à un expert? Ces questions sont légitimes et il est important de comprendre les préoccupations qu’elles traduisent et les expériences vécues par ceux qui les posent.

En fait, comme pour tout type de rencontre, l’efficacité de l’apprentissage collaboratif repose sur la structure et l’animation. Il est essentiel d’établir des objectifs communs et de structurer l’échange. La façon dont le sujet est traité, les questions soulevées et le temps nécessaire à l’intégration et à la synthèse sont importants pour permettre de dégager l’objet de l’apprentissage et d’en voir l’application.

Des applications concrètes
Puisqu’aucune approche de développement n’est en soi une panacée, la combinaison des approches représente toujours une stratégie optimale. Les approches mixtes combinant des capsules d’apprentissage, des éléments de réseaux sociaux, des questionnaires entre les sessions, des forums de discussion, des modules plus formels incluant des formations en ligne (et même l’apprentissage mobile) permettent d’atteindre plus de gens et ont plus de chances de convenir à leur style d’apprentissage, ce qui favorise des changements plus durables.

À titre d’exemple, une grande entreprise québécoise a récemment intégré une approche collaborative dans une solution de développement pour de nouveaux cadres. Pendant un an, une centaine de leaders ont participé à un programme de formation qui comprenait six modules traitant de principes de gestion. Des sessions de CoachingOurselves dont les thèmes étaient associés aux objectifs visés par chaque module étaient intercalées entre les rencontres. Lorsqu’une entreprise choisit de combiner des stratégies de développement à des approches collaboratives, elle bénéficie autant de l’alignement ainsi obtenu que des améliorations proposées et mises en place par les participants. De plus, la complicité qui s’établit entre ces leaders contribue à briser le cloisonnement et favorise une plus grande cohésion interne.

Les approches collaboratives sont aussi utilisées à titre de stratégies et de moyens complémentaires aux ateliers plus traditionnels pour susciter virtuellement la réflexion, soulever un questionnement sur l’application et l’utilité des apprentissages ou effectuer un rappel du contenu : cela aide à cristalliser les nouveaux comportements et facilite l’intégration des nouvelles connaissances.

Une autre application des approches collaboratives est le transfert des connaissances. Actuellement dans les entreprises, des efforts sont consacrés à documenter et à instaurer des processus pour conserver le savoir organisationnel. Les approches collaboratives permettent des échanges entre ceux qui se préparent à partir et ceux qui arrivent; il suffit au conseiller en ressources humaines de structurer les échanges en ce sens. Il est possible non seulement de recueillir les informations, mais aussi de faire évoluer la pratique en jumelant les expertises de chacun. Le transfert devient un partage de savoir et une occasion d’innover.

Conclusion
La meilleure stratégie de développement du leadership est toujours celle qui est la plus étroitement adaptée au contexte et aucune ne peut suffire à toutes les situations. Plusieurs éléments sont à considérer : il faut évaluer les conditions, la population visée, les compétences à développer, les objectifs poursuivis, le budget, la dispersion géographique afin de cibler la méthode ou la combinaison de méthodes la plus appropriée. Les approches mixtes et collaboratives ont généralement beaucoup de succès en entreprise.

En ce sens, miser sur un portefeuille de développement incluant différentes méthodes d’apprentissage serait une stratégie gagnante. Certains auteurs, tels que Forman et Keen, avancent que l’apprentissage social devrait compter pour 20 % de la stratégie globale (communauté de pratique, coaching, échange d’information entre pairs, forum de discussion virtuel), laisser une part de 70 % à l’apprentissage issu de nouvelles expériences et de 10 % aux contenus formels.

En raison de son caractère flexible, l’approche CoachingOurselves est appréciée des gestionnaires. De surcroît, elle répond aux besoins bien réels des entreprises qui souhaitent offrir à leurs gestionnaires, à moindre coût, une formule qui s’intègre facilement dans la réalité de l’organisation.

Les communautés d’apprentissage, en ligne ou en personne, s’articulent autour de stratégies qui visent le développement du leadership sur un mode collectif et non seulement individuel. Et dans les faits, elles permettent aux participants non seulement d’entamer une réflexion structurée et encadrée sur les connaissances intuitives de chacun, mais également de partager leurs pratiques avec d’autres gestionnaires, d’en discuter et, ainsi, de les faire évoluer.

Louise Beaudoin, CRHA, associée, développement du leadership et du talent, et Julie Grégoire, directrice, recherche et développement, SPB Psychologie organisationnelle

Source : Effectif, volume 15, numéro 5, novembre/décembre 2012.


Bibliographie

Petrie, N. (2011). Future Trends in Leadership Development: a White Paper, Center for Creative Leadership.

Forman, D. C., et B. A. Keen (2012). « Revamping 70-20-10 », Chief Learning Officer Magazine, October 2012, digital edition.


Louise Beaudoin, CRHA et Julie Grégoire