Récemment, au cours d’une session de formation sur le thème de la crédibilité, une participante s’étonnait à voix haute qu’il soit possible de gérer sa crédibilité. Candidement, comme bien des gens, elle croyait que la crédibilité se construisait simplement en travaillant fort et en démontrant sa compétence.
Elle commettait alors la même erreur que beaucoup d’autres : croire que ses propres critères de crédibilité (travailler fort et être compétent) sont suffisants pour être crédible. Or, selon René Desharnais, CRHA, « la crédibilité est comme la beauté, c’est-à-dire subjective, et s’évalue à partir de l’oeil de la personne qui la contemple ». Sur le web et particulièrement sur les médias sociaux, on a également tendance à chercher à plaire à son auditoire, mais en diffusant des contenus que l’on juge pertinents. Dans les faits, on devrait définir son contenu en fonction de son auditoire. D’un autre côté, si l’on choisit de distribuer seulement du contenu qu’on estime intéressant, l’auditoire sera constitué des personnes qui partagent ce point de vue et non pas forcément des personnes auprès de qui on souhaite être crédible. Dans ce contexte, on doit nécessairement se poser quelques questions essentielles avant d’élaborer une stratégie pour gérer sa crédibilité.
1. Auprès de qui ai-je intérêt à être crédible?
Puisque la crédibilité s’établit à partir des critères de ses interlocuteurs, il faut choisir les gens de son entourage auprès de qui gérer sa crédibilité. Il faut aussi savoir que la crédibilité universelle, ça n’existe pas. Personne ne peut être crédible aux yeux de tous, puisque les critères varient d’un individu à l’autre. Malgré l’immense cote de crédibilité qu’a pu obtenir Barack Obama lors de sa première campagne électorale, il se trouvait tout de même une certaine proportion de gens qui, au contraire, ne lui en accordaient aucune, selon leurs propres critères. Il faut donc choisir auprès de qui on a intérêt à être crédible dans son organisation. Bien souvent, les gens nomment spontanément leur supérieur immédiat, mais ce pourrait aussi être une personne avec qui on aurait intérêt à avoir d’excellentes relations : adjointe administrative, responsable informatique, directrice des finances, gardien de sécurité, partenaire d’affaires, gestionnaires clés, directeur général…
En ce qui concerne la réputation numérique, c’est la même chose. Par exemple, si on a un profil LinkedIn, quelle est la première raison qui motive l’utilisation de cette plateforme? Est-ce pour dialoguer avec d’autres professionnels de son domaine, pour trouver un emploi, pour développer des affaires ou pour représenter son entreprise? Si le profil social d’une personne est associé au nom de son employeur, elle doit toujours garder en tête que ses publications pourraient être associés à ce dernier. Il faut donc être deux fois plus vigilant par rapport à sa réputation numérique. De la même façon, lorsqu’on est sur Facebook, il y a fort à parier que les gens avec qui on souhaite communiquer sont d’abord et avant tout des amis ou des membres de sa famille. Le fait d’énoncer clairement le groupe auquel on s’adresse permettra d’identifier qui sont les interlocuteurs ciblés et, du même fait, d’identifier les critères pertinents.
2. Connaître les critères de crédibilité de ces personnes clés
Une fois les personnes clés identifiées, il faut ensuite s’intéresser à leurs critères et prendre la mesure de sa cote de crédibilité auprès d’eux. Comment y parvenir? Il y a différentes possibilités. La stratégie la plus efficace consiste à le demander directement à la personne choisie : que puis-je faire pour renforcer ma crédibilité selon toi? Ou encore, quels sont tes principaux critères pour évaluer la crédibilité d’un collaborateur? Cette approche permet d’obtenir, de première source, les critères les plus importants pour cette personne. Si cette option n’est pas possible, on peut demander les critères de crédibilité de cette personne clé aux gens de son entourage, en qui on a confiance et qui la connaissent bien. Une dernière option consiste à observer cette personne en action et à tirer ses propres conclusions.
Sur les médias sociaux, c’est également un exercice qui peut être réalisé. En explorant la manière dont ses interlocuteurs cibles se présentent et le type de contenu qu’ils partagent, une personne aura des pistes quant aux critères qu’ils valorisent. Elle peut également évaluer la « performance » de ses propres publications. Si les membres de son réseau les consultent et les partagent, c’est probablement qu’ils accordent une valeur à ce type de contenu. Si, par contre, le contenu ne semble pas susciter l’intérêt de l’auditoire cible, il est sans doute nécessaire de l’ajuster.
On doit se souvenir que, si le contenu ne semble pas adapté, il peut y avoir de nombreuses raisons. Il y a peut-être un enjeu de fond concernant la ou les thématiques choisies. Le problème peut également être lié à la forme. Si on a choisi de diffuser des articles et que cela ne fonctionne pas, on peut essayer d’autres formats comme des vidéos, des animations, des graphiques, etc. La raison peut être liée à la longueur du document. Trop long ou trop court? Cela peut aussi être la plateforme retenue ou le rayonnement du contenu qui pose problème. Comme on peut le constater, consolider sa crédibilité en développant sa réputation numérique ne se réalise pas en un jour. Il faut une stratégie.
3. Élaborer une stratégie
Selon les critères précis qui auront été identifiés, il faut élaborer une stratégie pour gérer adéquatement sa crédibilité. Dans certains cas, on n’aura qu’à faire la démonstration de sa correspondance aux critères de son interlocuteur. Dans d’autres cas, il faudra démontrer son intérêt et les efforts déployés pour correspondre à certains critères. Parfois cependant, un individu ne pourra pas (par exemple s’il est jeune et que le critère de son interlocuteur est l’âge) ou ne voudra pas correspondre à un critère (par exemple si son interlocuteur s’attend à ce qu’il agisse de manière contraire à une de ses valeurs fondamentales). Il faudra alors faire preuve de tact et de stratégie pour convaincre son interlocuteur des avantages qu’il aurait à ne pas tenir compte de certains de ses critères (ou à les modifier).
Pour bien démarrer sa stratégie de réputation numérique, une personne devrait commencer par identifier ce qui circule à son égard sur le web.
Stratégie de réputation numérique
Ce qu’elle va trouver est probablement ce à quoi sont exposés les gens de son réseau. Quelle image est transmise? Est-ce que cela contribue ou nuit à sa crédibilité?
Ensuite, elle doit identifier les outils les plus pertinents pour bâtir ou consolider sa réputation numérique et ainsi contribuer à sa crédibilité. Le bon outil n’est pas nécessairement celui que la personne préfère, mais plutôt celui que les interlocuteurs qu’elle a ciblés utilisent. Elle doit aussi réfléchir au temps qu’elle souhaite investir dans cette démarche, car le web peut devenir rapidement chronophage. Si l’individu est présent sur des réseaux sociaux dans un but social et que cela n’a pas de lien avec sa crédibilité, il doit s’assurer que ce qu’il y fait ne nuit pas aux efforts déployés pour bâtir sa crédibilité. En clair, il faut prendre le temps de faire le tour des paramétrages de confidentialité des différents réseaux sur lesquels on est présent et ajuster le niveau de confidentialité en fonction de la visibilité qu’on veut donner à ses publications.
L’étape suivante consiste à identifier les contenus qu’on souhaite mettre de l’avant. Rappelons que, plus il y a de messages, moins les gens retiendront l’idée principale. Il est préférable d’identifier une seule ligne éditoriale et de diffuser une variété de contenus qui la supportent plutôt que d’avoir plusieurs axes communicationnels et moins de contenu par axe. On doit garder en tête que ses interlocuteurs ne seront pas exposés de manière systématique à tous les contenus partagés. Il est donc essentiel de miser à moyen/long termes et de se donner une fréquence régulière de partage de contenu.
Dans tous les cas, gérer sa crédibilité de façon continue permettra à toute personne de gagner la confiance des gens qui l’entourent et d’assumer pleinement son leadership professionnel. Sur le web, chaque contenu partagé, chaque geste, chaque commentaire pourront contribuer ou nuire à la crédibilité. L’internet a complexifié la gestion de la crédibilité, puisque tout ce que l’on fait sur le web est enregistré et conservé pour de longues périodes. De plus, sur internet, l’information circule très rapidement et rayonne potentiellement partout dans le monde. Des réputations se bâtissent chaque jour pas à pas, mais quelques minutes suffisent parfois pour les détruire complètement. Il ne faut donc pas rester passif; au contraire, il faut prendre en main sa réputation numérique et ainsi disposer de nouveaux leviers pour bâtir ou consolider sa crédibilité.
L'Ordre travaille avec les auteurs à la production d'une formation en ligne portant sur la crédibilité dont le lancement est prévue à l'automne.
Mario Côté, CRHA, vice-président, Réseau DOF
Didier Dubois, CRHA, stratège, marketing RH et solutions RH numériques, HRM Groupe
Émilie Pelletier, CRHA, M. Sc., stratège, marketing RH et solutions RH numériques, Groupe Marketing RH
Source : Effectif, volume 18, numéro 3, juin/juillet/août 2015.
Références
- Côté, Mario (2014). Crédibilité et influence au cœur du rôle-conseil, Le Coin de l’expert, Portail de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
- Desharnais, René (2010). Tout est une question de crédibilité, un mode d’emploi pour tous, Les Éditeurs Réunis.
- Dubois, Didier, Émilie Pelletier et Katherine Poirier (2011). Comment bâtir votre politique d’utilisation des médias sociaux, Éditions Yvon Blais.
- Larochelle, Samuel. Engagé pour et par les réseaux sociaux, La Presse, 4 février 2015.