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L’expérience candidat à la Société de transport de Montréal - Une enquête d’envergure

La STM a traité plus de 200 000 candidatures depuis 2005. Guidée par son Plan stratégique 2020 qui priorise, entre autres, l’attraction des meilleurs talents, elle a entrepris en 2012 de mesurer l’impact de ses activités de dotation. Résumé d’une des plus grandes enquêtes jamais menées par la Direction des ressources humaines.

4 juillet 2013
Cédric Lépine, Philippe Després-Vincent, Christophe Paris et Alain Brière, CRHA

Arborant une nouvelle image depuis quelques années, la Société de transport de Montréal (STM) a pris un virage. Appuyée par une vision claire des objectifs à atteindre d’ici 2020 et par une stratégie de mobilisation et d’attraction du capital humain, elle roule sur les rails du succès...

La STM en chiffres
  • 14e entreprise en importance au Québec.
  • Près de 10 000 employés.
  • Un budget de plus de 1,2 G$ et une valeur de remplacement de ses actifs estimée à plus de 14,5 G$.
  • Au cœur du développement économique de la région de Montréal depuis plus de 150 ans.
  • Assure quelque 1,2 million de déplacements par jour en bus et en métro.
  • Plus de 1000 embauches par année.

Une telle stratégie d’attraction soulève plusieurs grands défis pour la Division dotation et planification de la main-d’œuvre (PMO), surtout en période où l’offre et la demande en main-d’œuvre fluctuent en fonction du contexte socio-économique. Ces enjeux, combinés au changement de paradigme en dotation – il incombe maintenant à l’entreprise de séduire ses candidats – ont mené la STM à mettre sur pied une démarche des plus novatrices : mesurer l’expérience vécue par ses candidats lors du processus de dotation.

L’expérience candidat : l’émergence d’un concept
La réflexion entourant l’expérience candidat s’inspire d’un courant présent en développement organisationnel (user-centric OD) et en marketing notamment (expérience client) où l’opinion des utilisateurs devient la pierre angulaire afin de mieux comprendre ou d’améliorer un processus, un service ou un produit.

À ce jour, le concept d’expérience candidat a reçu peu d’attention autant dans la littérature scientifique que dans la pratique. Traditionnellement, les réflexions touchant la mesure des activités de la dotation ont principalement été abordées sous la perspective de l’organisation (par exemple le délai pour pourvoir un poste). L’expérience candidat commence toutefois à susciter de plus en plus d’intérêt dans les revues professionnelles américaines. Par contre, aucune définition ne semble cerner correctement ce concept. À la STM, ce concept se définit par un ensemble de perceptions :

« Émergeant du premier contact entre un candidat et une organisation, l’expérience candidat se traduit par l’ensemble des perceptions du candidat en regard à la façon dont il a été traité et évalué à travers le processus de dotation. »

Pourquoi mesurer l’expérience candidat
Ces dernières années, les entreprises ont déployé des efforts considérables pour réussir à attirer les meilleurs talents, mais leur portée s’est généralement limitée à amener les candidats à postuler. Pour sa part, l’expérience candidat se positionne comme un levier important qui permet de poursuivre l’attraction tout au long du processus de dotation, offrant ainsi une opportunité unique d’augmenter l’attrait de l’organisation et de poser les bases à l’intégration des nouveaux employés.

En plus d’être l’un des premiers indices de ce qu’est l’organisation vue de l’intérieur, l’expérience candidat influence notamment l’image et la réputation de l’entreprise, la recommandation à un proche et le désir d’une personne de postuler de nouveau. Mesurer l’expérience candidat est très important, puisque les candidats les plus difficiles à attirer sont souvent les plus susceptibles de se désister, étant donné qu’ils ont plus d’opportunités sur le marché du travail.

Concrètement, l’information recueillie en mesurant ce concept améliore la compréhension de ce qui influence la satisfaction des candidats et de leurs attentes. De plus, cela permet à l’organisation d’améliorer ses processus, d’adapter ses stratégies et de prioriser ses actions. Pour la STM, cette possibilité représentait une occasion unique d’en savoir davantage sur les familles d’emplois critiques qu’elle venait tout juste d’identifier.

Comment mesurer l’expérience candidat
Les dimensions de l’expérience candidat et ses conséquences sont identifiées dans le graphique 1 ci-dessous.

Ce modèle a été le point de départ d’une réflexion qui allait aboutir en un questionnaire d’une soixantaine de questions adaptables à la situation des répondants, selon leur famille d’emploi et l’état de traitement de leur candidature (en cours de traitement, non retenus à une étape du processus ou embauchés).

En tout, plus de 37 000 invitations ont été envoyées par courriel aux candidats ayant postulé entre 2008 et 2012. Le taux de réponse, de près de 15 %, jumelé à une bonne représentativité des familles d’emploi, a permis d’obtenir un nombre suffisant de répondants pour segmenter l’analyse en profondeur.

L’analyse et les résultats
Étant donné la nature exploratoire de la mesure de l’expérience candidat, la validité du modèle devait être vérifiée. L’analyse factorielle, l’étude des corrélations et les tests de cohérence interne ont tous donné des résultats positifs, ce qui a permis de confirmer la solidité du modèle. Les résultats de cette analyse démontrent que la STM offre globalement une expérience candidat de qualité. Ils soulignent également une évolution significative de la satisfaction des candidats depuis 2008 (+5 %), un accomplissement exceptionnel compte tenu de l’augmentation fulgurante du volume d’activités depuis 2008 (+70 %).

Des analyses plus poussées ont permis d’élaborer deux séries d’indicateurs. La première propose d’analyser l’expérience candidat à travers les différentes étapes du processus de dotation, du dépôt de la candidature à l’offre d’embauche et au test médical. Il a ainsi été possible de suivre l’évolution de la qualité de l’expérience offerte aux candidats à travers le processus. D’autres analyses ont également permis de positionner l’entrevue de sélection comme étant l’étape qui avait le plus d’impact sur la satisfaction des candidats, représentant à elle seule un bon indicateur de l’expérience globale des candidats.

La deuxième série d’indicateurs (voir graphique ci-dessous) reprend, de façon plus détaillée, les dimensions du modèle présenté au graphique 1. Contrairement à l’analyse par processus, l’étude des dimensions de l’expérience candidat expose les forces et les points à améliorer afin d’augmenter la satisfaction des candidats.

Au niveau des forces, il est intéressant de constater que les trois dimensions qui obtiennent les meilleurs résultats sont liées à la qualité du travail des employés de la dotation. Cette information a permis de leur offrir une rétroaction positive, phénomène plutôt rare étant donné la disposition naturelle des candidats à exprimer davantage leur insatisfaction.

En observant les résultats, il est également facile de cibler les points à améliorer, soit le temps de réaction (pour rappeler un candidat par exemple) et les délais entre les étapes du processus d’embauche. Comme nous le verrons plus loin, l’importance de ce dernier point sera par contre modérée.

Avec plus de cinq mille répondants, plusieurs segmentations ont été réalisées – par famille d’emploi, par sexe, par âge, etc. – afin de cibler les tendances pertinentes. Il a ainsi été possible de constater des écarts de satisfaction entre les familles d’emploi malgré la similitude des services offerts. Ces écarts pourraient s’expliquer par le fait que certaines familles d’emploi (TI, ingénieur, gestionnaire) ont des attentes différentes. La segmentation des stratégies de dotation revêt donc une importance particulière, surtout en considérant que ces familles d’emploi sont les plus difficiles à attirer.

Les deux axes d’analyses – par processus et par dimension – combinés aux multiples possibilités de segmentation et à l’analyse qualitative ont permis d’obtenir une information d’une grande précision. Il a notamment été possible de comprendre que l’insatisfaction générée par le délai entre le dépôt de candidature et l’examen chez certaines familles d’emploi n’était pas seulement causée par la durée réelle du délai – cette durée étant plus courte chez ces mêmes familles d’emploi –, mais plutôt par des attentes plus élevées qui augmenteraient le sentiment d’incertitude.

Identifier les meilleurs leviers pour améliorer l’expérience candidat
Une des étapes les plus importantes de cette démarche était d’identifier les leviers les plus efficaces afin d’améliorer l’expérience du candidat. Les résultats obtenus aux indicateurs ne représentent qu’une partie de la réponse. Ces derniers permettent de cibler les sources potentielles d’insatisfaction, mais ils n’indiquent pas à quel point ces sources d’insatisfaction influencent l’expérience du candidat. Pour compléter l’analyse, l’impact des indicateurs sur la satisfaction des candidats a donc été calculé. C’est ainsi qu’il a été déterminé que l’amélioration des délais du processus de dotation ne devait pas être nécessairement priorisée, puisque d’autres indicateurs comme le temps de réaction avaient plus d’impact sur la satisfaction des candidats.

En combinant cette information aux résultats obtenus à chacun des indicateurs dans une matrice 2x2 (voir graphique 3), la Division dotation et PMO s’est dotée d’un outil efficace pour déterminer les actions qui auront le plus d’impact et ainsi optimiser l’utilisation de ses ressources. De plus, l’identification des quatre quadrants formés par la matrice – prioriser, améliorer, conserver, surveiller – permet de faire ressortir les actions à mettre en œuvre pour l’ensemble des indicateurs afin d’assurer la qualité de l’expérience offerte à ses candidats.

Conclusion
Soucieuse de relever les défis qui l’attendent, la STM reconnaît plus que jamais l’importance de considérer l’opinion de ses candidats afin de les attirer et de les conserver dans le processus de dotation. Miser sur une telle démarche a permis non seulement de dresser un portrait complet et détaillé de l’expérience offerte aux candidats, mais aussi de prioriser les pistes d’action qui ont le plus d’impact sur la satisfaction.

De façon plus large, cette étude a confirmé qu’une stratégie unique et uniforme de dotation est inefficace dans le contexte actuel compte tenu des différentes attentes des candidats. Ce constat a permis à la Division dotation et PMO de confirmer la pertinence d’élaborer des stratégies sur mesure comme l’utilisation de LinkedIn pour pouvoir interagir avec les professionnels spécialisés en technologies de l’information et les ingénieurs, par exemple.

Bref, mesurer l’expérience candidat devrait être considéré comme une pratique incontournable préalable à l’élaboration de stratégies de dotation efficaces et ciblées.

Cédric Lépine, M. Sc., chargé de projet, Philippe Després-Vincent, M. Sc., chargé de projet, Christophe Paris, M. Ps., psychologue i/o, chef de section, stratégies de sélection et information de gestion, et Alain Brière, CRHA, directeur exécutif, ressources humaines et services partagés, Société de transport de Montréal

Source : Effectif, volume 16, numéro 3, juin/juillet/août 2013.


Cédric Lépine, Philippe Després-Vincent, Christophe Paris et Alain Brière, CRHA