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L’arroseur arrosé…

Chez Tasse boit tout, tout le monde le sait, Simon est un employé qui n’est pas à son affaire, mais qui ose surveiller les autres employés. Il se fait un plaisir de rapporter les retards de ses collègues et calcule même le temps que certains passent à la cafétéria. Le comportement de cet individu commence vraiment à nuire au climat de travail. Témoin de ce comportement, Paul sait que Simon est mal placé pour faire la leçon à qui que ce soit. En effet, la situation de son bureau lui permet de témoigner que Simon est souvent en retard et qu’il part même quelques minutes avant l’heure pour ne pas manquer son autobus. Paul n’a jamais rien dit à son patron, car il ne veut pas être perçu comme un mouchard. Il vient donc vous consulter, à titre de conseiller en ressources humaines tenu au secret professionnel. Il veut faire changer les choses, rétablir le climat de travail, mais sans être impliqué. Que lui suggérez-vous de faire?

26 février 2008
Guillaume Leroutier, CRHA et Marie-Louise Robichaud, CRHA

Pour remettre Simon sur les rails
Par Guillaume Leroutier, CRHA, coach et formateur en développement du leadership, Ulysse Formation inc.

Par son attitude, Simon altère la qualité du climat de travail. Cette attitude ne peut pas durer et Paul agit de façon responsable en allant voir un conseiller en ressources humaines.

Après l’avoir écouté attentivement, je me donnerai les objectifs suivants :

  1. mobiliser Simon vers des objectifs plus constructifs;
  2. déterminer comment l’amener à changer son comportement envers les autres;
  3. régler le problème sans impliquer Paul.

Je pense que Simon doit éprouver des frustrations dans son travail, qui ont fini par se manifester par des comportements inappropriés. Je lui proposerai donc une rencontre, sous prétexte de plaintes de ses collègues, pour qu’il puisse se confier sur son travail. Ses aspirations sont-elles satisfaites? Sinon, qu’est-ce qui a causé une diminution de sa motivation? Manque de reconnaissance, paroles désobligeantes d’un collègue, hiérarchie insuffisamment présente, intérêt moindre à l’égard des nouveaux projets?

Après avoir permis à Simon de se confier avec sincérité, je l’aiderai à remettre en perspective ses intérêts au travail et à retrouver une attitude constructive d’abord envers lui-même. Quelles sont ses motivations profondes? Les objectifs de son travail et de l’entreprise ont-ils toujours du sens pour lui? Quels sont ses propres objectifs? Ont-ils évolué? Quelle serait la meilleure façon de l’aider à élaborer un plan pour les atteindre? Serait-il ouvert à en parler à son supérieur? Autrement dit, je commencerai par lui accorder une écoute réelle sur ce qui est véritablement important pour lui, dans son travail.

Une fois cette étape franchie, j’aborderai avec lui les causes de son comportement envers les autres. Je lui demanderai par exemple quelle est son intention quand il dénonce les retards de ses collègues et calcule le temps qu’ils passent à la cafétéria? Peut-être ses réponses sous-entendront-elles un manque d’intérêt dans son travail ou un désir d’attirer l’attention… Cette clarification permettra de lui demander s’il verrait d’autres comportements possibles à adopter qui seraient moins nuisibles au climat de travail et qui préserveraient par ailleurs son désir de reconnaissance ou son besoin de redonner du sens à son implication professionnelle. Cela lui permettra de se recentrer sur des attitudes constructives qui serviraient utilement des objectifs redéfinis et d’envisager en conséquence d’autres façons de communiquer.

Cette démarche permettra à Simon de travailler sur sa relation avec lui-même et de faciliter ses rapports avec les autres. Elle laissera également Paul en dehors de l’intervention et n’aura pas d’impact négatif sur lui. Elle est essentiellement orientée vers la responsabilisation de Simon et s’appuie sur la confidentialité des entretiens. Évidemment, cela n’exclut pas d’intervenir auprès du supérieur de Simon.

Une démarche légitime, mais difficile
Par Marie-Louise Robichaud, M.A. Ps., CRHA, consultante, Services-conseils MLR

Il semble s’agir d’une démarche légitime de la part de Paul, mais mes antennes se dressent. Que se passe-t-il?

Plusieurs questions se posent et il serait judicieux de clarifier la situation avant de passer à l’action. La démarche de Paul démontre un malaise, mais quel est-il exactement? Pour le savoir, la première étape serait de l’inviter à parler de la situation et de l’impact qu’il perçoit sur lui-même afin de bien départager les enjeux qui le concernent et ceux qui se rapportent au climat de travail. Il a probablement besoin de mettre ses perceptions et ses observations en perspective. Qu’est-ce qu’il observe? À son avis, le « cas » de Simon est bien connu. Selon lui, le patron est-il au courant de la situation? Que sait-il des actions entreprises? Pourquoi hésite-t-il à parler au patron? Quelle est sa relation avec Simon? Avec qui a-t-il parlé de cette situation? A-t-il déjà tenté quelque chose?

Dans un deuxième temps, il est nécessaire de bien cerner l’élément déclencheur de la démarche de Paul. Enfin, une dernière clarification est de mise : quelles sont ses attentes à mon endroit et quel est le but poursuivi par cette démarche? Il y a lieu d’expliquer à Paul où se situent les limites de mon intervention.

Après avoir reformulé toute l’information reçue pour nous assurer d’une compréhension mutuelle, nous pouvons maintenant nous mettre en mouvement. Que faire? L’optique d’intervention préconisée en est une de responsabilisation de l’employé dans son milieu de travail. Quelques avenues se dessinent pour Paul : parler au collègue directement, en référer au patron, ne rien faire… ou toute autre action pouvant émerger de cette discussion.

Il est important d’amener Paul à réfléchir aux risques associés à chacune des options, y compris le statu quo, et de vérifier s’il est prêt à les assumer le cas échéant. Toute action doit être entreprise en toute connaissance de cause.

Si Paul désire réellement améliorer les choses et s’il décide de rencontrer soit Simon, soit le patron, cette démarche peut s’avérer difficile. Il faut donc s’assurer que Paul est bien préparé. Pour ce faire, un plan d’accompagnement et de suivi de ma part est de mise. En dernier lieu, je lui proposerai de bien réfléchir avant de prendre une décision, afin d’affirmer son engagement envers la solution choisie.

Source : Effectif, volume 11, numéro 1, janvier/février/mars 2008.


Guillaume Leroutier, CRHA et Marie-Louise Robichaud, CRHA