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Impliquer l’entreprise dans son milieu : un investissement porteur

Plus de deux millions de Québécois consacrent bénévolement 385 millions d’heures par année à des organismes à but non lucratif. Les étudiants, quant à eux, sont de plus en plus nombreux à s’inscrire dans des filières universitaires en lien avec les enjeux sociaux ou le développement durable.

13 mai 2013
Laurence Orillard

De nombreuses études suggèrent que les politiques d’une marque en matière de responsabilité et d’implication sociales peuvent influencer les décisions d’achat des consommateurs. Il y a là un puissant courant auquel les entreprises ont tout intérêt à s’associer.  

Par ailleurs, il n’est plus rare maintenant de voir des entreprises coopérer, tisser des partenariats, conclure des alliances stratégiques avec leurs clients, leurs fournisseurs ou même avec des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence dans d’autres domaines. Des réseaux se créent, des apprentissages mutuels et des trocs de bonnes pratiques sont mis en place, tout en préservant la compétitivité de chacun. Les entreprises sont devenues plus conscientes de leurs interdépendances et plus à même de les gérer. Or, il est un autre secteur porteur de richesses, et ce sont les quelque 46 000 organismes à but non lucratif et bénévoles que compte le Québec. Si le bénéfice que l’entreprise peut en retirer à court terme semble peu tangible, il s’agit pourtant d’un investissement porteur pour son avenir.

Qu’est-ce que l’entreprise a à y gagner?
Il y a de nombreux avantages à impliquer son entreprise dans son milieu.

L’image dans la communauté
La façon dont l’entreprise se positionne dans son environnement est un facteur déterminant pour son image de marque. Certaines entreprises l’ont bien compris, qui sont directement associées à des événements comme des festivals, des événements sportifs ou des campagnes de sensibilisation. L’avantage est une publicité indirecte qui rejaillit sur l’entreprise et qui influencera ultimement de manière positive l’indice de consommation de ses produits.

L’image d’employeur
Le rôle de l’entreprise dans son environnement et le domaine dans lequel il s’exerce proclament sa personnalité et sa culture. Molson, par exemple, est indissociable du monde du hockey. Le type d’implication de l’entreprise est un facteur déterminant dans la capacité de l’entreprise à attirer certains talents et à développer ensuite leur sentiment de fierté et d’appartenance, gage de mobilisation. Elle pourra par ailleurs renforcer ce sentiment en accordant de la reconnaissance aux employés qui s’impliquent directement, comme plusieurs entreprises le font déjà pour leurs employés engagés dans des campagnes comme celle de Centraide.

L’accroissement du réseau
Selon le type d’implication choisi, l’entreprise pourra bénéficier en échange d’un élargissement de son réseau et donc, potentiellement, d’une ouverture à de nouveaux marchés ou, tout au moins, à de nouvelles pratiques et façons de faire qui peuvent lui être utiles. Ainsi, dans le cadre du projet Arts-Affaires, vingt et un jeunes professionnels, qui avaient rejoint les conseils d’administration de sept nouvelles compagnies de théâtre, ont pu constater que les enjeux de ces dernières étaient semblables, à plusieurs égards, à ceux de leurs firmes de fiscalité, de droit ou de services bancaires.

Le développement des connaissances et des compétences
Les employés dont l’implication est encouragée peuvent en retour acquérir de nouvelles compétences qui pourront à terme leur permettre de grandir dans l’entreprise. En participant à un projet ou en siégeant à un conseil d’administration d’un organisme, un employé peut développer sur le terrain ses compétences en gestion. L’entreprise lui permet ainsi d’ajouter à son curriculum vitæ un savoir-faire qu’elle n’aurait peut-être pas été en mesure de lui offrir par l’intermédiaire d’une formation.

Des avantages fiscaux
C’est l’argument qui peut convaincre la direction financière de l’entreprise… Dans un contexte où les instances gouvernementales se désengagent de plus en plus de leur soutien financier aux organismes sans but lucratif, leurs politiques de taxation favorisant l’investissement privé visent à compenser dans une certaine mesure ce désengagement. Il n’est pas inutile par ailleurs de souligner que le Québec, en matière de financement privé, a encore un écart à combler avec l’ensemble des autres provinces canadiennes.

Dans quel domaine s’impliquer?
L’implication de l’entreprise doit-elle être ciblée ou diversifiée? Limitée à une cause ou ouverte à plusieurs? L’entreprise pourra porter son choix sur :
  • le secteur de l’environnement, de la protection de la nature et des ressources naturelles;
  • les organismes à vocation sociale ou humanitaire;
  • le domaine de la santé physique ou mentale;
  • les arts et la culture;
  • le sport;
  • l’éducation.

Les causes sont multiples et les besoins criants. Pour ce qui est du choix, tout dépend de l’objectif. Le choix le plus évident est le domaine qui est en lien avec l’activité première de l’entreprise. Ainsi, les entreprises du secteur pharmaceutique sont-elles toutes impliquées dans le milieu de la santé.

Mais pourquoi ne pas faire preuve également d’originalité? Voici d’ailleurs ce que répondait un vice-président aux communications de Pratt & Whitney à qui on demandait pourquoi avoir choisi les arts plutôt que le sport, dans les années 1980 : « Pour être différents des autres ». Autrement dit, le but ici était clairement de se démarquer en termes d’image. Voici d’autres exemples :

  • Bombardier décline son engagement en « 3 E » : Environnement, Éducation, Entrepreneuriat;
  • Ubisoft a choisi de se concentrer sur le quartier Mile-End et les arts émergents;
  • Cascades s’engage dans sa région et fait la promotion des jeux d’été 2013 à Sherbrooke.

L’implication dans son milieu n’est pas l’apanage de la grande entreprise, contrairement à ce que ces exemples pourraient laisser croire. Ainsi, la brasserie Saint-Ambroise, par l’entremise de son fondateur, Peter McAuslan, est reconnue pour son implication dans la communauté artistique. À chacun selon ses capacités et ses moyens : les petits organismes à but non lucratif et les organismes régionaux manquent souvent de ressources, mais sont aussi souvent ignorés. Or, si les organismes de grande taille et plus prestigieux offrent peut-être une plus grande visibilité à leurs commanditaires, mécènes et donateurs, le soutien à un organisme plus petit, de la relève, est porteur d’un message audacieux, qui peut s’avérer fructueux à terme : il suffit de penser à Desjardins, qui a soutenu le Cirque du Soleil dès le début et qui a gagné en retour un client fidèle.

Par conséquent, quel qu’il soit, le choix du secteur d’implication mérite d’être mûri en commun dans l’entreprise.

De quelle façon s’impliquer?
L’éventail des façons de s’impliquer est large :
  • les programmes de bénévolat, qui comprennent le temps, la reconnaissance et le soutien financier accordés aux employés;
  • la participation aux conseils d’administration et aux activités de l’organisme;
  • les commandites et les dons;
  • la participation aux événements de financement;
  • les abonnements, l’achat de billets;
  • l’action sur le terrain;
  • le mentorat, le coaching, le conseil financier ou juridique;
  • la promotion, directe ou indirecte, de l’organisme;
  • la création de prix ou de bourses.

Le choix, là aussi, dépendra de l’objectif, mais aussi des ressources disponibles : veut-on s’investir financièrement ou est-on plutôt prêt à donner du temps?

Quelles sont les ressources disponibles pour guider ou soutenir cette implication?
Il existe de multiples ressources selon les domaines d’implication visés et beaucoup d’information est disponible en ligne. Les exemples suivants n’en sont qu’un petit échantillon :
  • bénévoles d’affaires : Danone, entre autres, s’est récemment tournée vers ce service pour étoffer son programme de bénévolat. Bénévoles d’affaires est un des programmes associés à la Chambre de commerce de Montréal, tout comme le Babillard métropolitain. La Chambre de commerce de Montréal vient tout juste de lancer un guide, La culture, faites-en votre affaire, dans lequel plusieurs personnalités du milieu des affaires témoignent de leurs façons de s’impliquer. Les chambres de commerce régionales ont elles aussi développé leurs propres services d’aide;

  • culture pour tous a lancé l’initiative Culture en entreprise, qui répertorie dans son site un catalogue impressionnant d’activités culturelles et artistiques dont peut bénéficier l’entreprise, et qui peuvent notamment garantir le succès d’une fête ou d’un séminaire. La chaire de gestion des arts Carmelle et Rémi Marcoux de HEC Montréal chapeaute un programme de mentorat. Culturallia, lancé en juin 2012 en Mauricie, a pour objectif de favoriser le rapprochement entre les milieux de la culture et des affaires;

  • les campagnes de collecte de fonds des universités sont des occasions de s’impliquer dans le développement de la relève;

  • des centaines de fondations au Québec sont actives dans toutes sortes de domaines allant des sports à la santé, aux sciences et à la culture.
Quel rôle spécifique peut jouer le service des ressources humaines?
La personne chargée de la gestion des ressources humaines peut, compte tenu de ses responsabilités dans le développement de la mobilisation et des talents au sein de l’organisation, jouer le rôle de promoteur de l’implication de l’entreprise dans son milieu. En voici deux exemples concrets :
  • le service des ressources humaines pilote généralement les sondages de mobilisation des employés : une question pourrait porter sur les choix des employés quant aux domaines d’implication de l’entreprise; les réponses donneront des informations précieuses sur leurs motivations, en même temps qu’elles leur permettront de participer pleinement, en guidant la prise de décision;

  • de même, les programmes de reconnaissance sont, la plupart du temps, gérés par le service des ressources humaines; il est possible d’y intégrer des volets en lien avec les valeurs de l’entreprise, qui permettront de récompenser la contribution sociale, culturelle ou autre des employés et de la faire connaître à ses clients.
Conclusion
Impliquer l’entreprise dans son milieu est une initiative qui permet de conjuguer les efforts dans une optique de bénéfice mutuel. Cela nécessite de la curiosité, de l’originalité et de l’audace. C’est aussi une occasion pour l’entreprise de s’inscrire dans le grand courant de mobilisation autour du développement durable, tout en maintenant le cap sur ses objectifs d’affaires, et en s’enrichissant d’une meilleure connaissance de son environnement.

Laurence Orillard, CRHA, consultante en développement des talents

Source : Effectif, volume 16, numéro 2, avril/mai 2013.


Sources :


Laurence Orillard Consultante-formatrice Laurence Orillard, Développement des talents et des organisations