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Implanter une culture de reconnaissance : c’est essentiel!

Pour être véritablement efficace, la reconnaissance au travail doit devenir un élément de la culture organisationnelle. Voici comment La Capitale Assurance et Services Financiers a déployé sa stratégie pour y parvenir.

26 novembre 2014
Jean-Pierre Brun, CRHA | Marie-Claude Parent, CRHA

Il est confirmé par la grande majorité des chercheurs que la reconnaissance au travail est un moteur de santé pour les employés et un levier de performance pour l’organisation. Ainsi, un rapport publié par Kaufman, Chapman et Allen en 2013, The Effect of Performance Recognition on Employee Engagement, montre que les employés qui se sentent fortement reconnus sont deux fois plus engagés, ont 1,7 fois plus de bonnes relations avec leur gestionnaire et sont 1,6 fois plus proactifs.

Mais de quel type de reconnaissance parle-t-on? Qui doit exprimer cette reconnaissance? La réponse facile est de dire que la reconnaissance est l’affaire de tout le monde! Si cette réponse semble évidente, elle n’est par contre pas stratégique et a généralement un faible effet de mobilisation. En fait, il est important de voir la reconnaissance au travail comme une activité stratégique de l’entreprise qui doit faire l’objet d’une planification rigoureuse et un investissement humain de tous les niveaux.

La Capitale

Depuis sa création, La Capitale veut offrir des conditions de travail compétitives visant à favoriser l’attraction, le développement, la mobilisation et la rétention de ses employés. La reconnaissance au travail est considérée comme un levier indispensable pour atteindre ces objectifs et être reconnue comme un employeur de choix.

2010 : sensibilisation

Des sondages organisationnels antérieurs à l’année 2010 démontraient que La Capitale gagnerait à peaufiner ses pratiques de reconnaissance. Il s’est donc amorcé en 2010 un vaste mouvement de sensibilisation concrétisé par les actions suivantes :

  • diffusion d’un atelier de sensibilisation à tous les gestionnaires par des ressources internes, basé sur les travaux de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail;
  • mise en place du programme BRAVO! dont l’objectif est de reconnaître les années de service au sein de l’entreprise (5 ans, 10 ans, 15 ans, etc.) et remise d’une boîte à outils (collant, post-it, carte, diplôme, chèque faveur);
  • déploiement d’une formation en ligne développée par des ressources internes à l’intention de l’ensemble des employés.

2011 à 2013 : engagement

En 2011, il était temps de savoir si ces actions de sensibilisation avaient porté leurs fruits. Un sondage interne fut administré pour évaluer la reconnaissance. Résultat : 49 % des employés ont déclaré qu’ils recevaient une reconnaissance appropriée (excluant la rémunération et les avantages sociaux) pour leur contribution ou leurs réalisations. Comme les employeurs de choix avaient un résultat de 63 %, La Capitale a réalisé qu’il fallait poursuivre ses efforts. C’est ainsi qu’en 2012, un engagement formel et un plan d’action ont été élaborés :

  • bonification de la compétence « leadership » chez les gestionnaires, en mettant l’accent sur le fait qu’ils doivent être des leaders de proximité qui utilisent la reconnaissance à bon escient;
  • validation des pratiques de reconnaissance lors du processus de dotation d’un poste de gestionnaire (adaptation du canevas d’entrevue);
  • intégration de l’aspect reconnaissance de la part des gestionnaires dans les initiatives citées dans la planification stratégique 2011-2015;
  • création de divers programmes formels de reconnaissance par les pairs;
  • diffusion d’un atelier de formation d’une journée, pour tous les gestionnaires, sur le thème La reconnaissance : une pratique à visage humain, dont voici certains aspects.

Jeter les bases

Intégrer la reconnaissance au travail dans les pratiques de gestion est quelque chose qui s’apprend et se développe. En s’appuyant sur ce principe, La Capitale a décidé de former l’ensemble de ses gestionnaires à la reconnaissance au travail, mais devait initialement définir concrètement ce qu’était pour elle la reconnaissance. La définition retenue s’appuie sur trois principes.

La reconnaissance est :

  • une rétroaction constructive et authentique;
  • une source de valorisation de l’expertise, de la contribution personnelle et de l’expérience professionnelle;
  • un jugement posé sur le travail réalisé et l’engagement personnel.

Ces principes s’articulent à travers quatre formes de reconnaissance (voir figure 1).

  1. Reconnaître la personne : la reconnaissance porte sur l’individu et s’exprime en termes de relation : saluer ses collègues le matin, consulter les employés avant de prendre une décision ou les tenir au courant des décisions prises.
  2. Reconnaître les pratiques de travail : la reconnaissance s’intéresse à la qualité du travail; elle porte principalement sur la manière d’exécuter le travail, qu’il s’agisse des comportements, des compétences ou des qualités professionnelles du travailleur.
  3. Reconnaître l’effort : la reconnaissance se traduit par exemple par des remerciements pour les efforts accomplis ou l’investissement personnel au quotidien. Souligner les efforts permettra de mieux atteindre les résultats attendus.
  4. Reconnaître les résultats : la reconnaissance s’intéresse aux résultats observables et mesurables du travail. L’intéressement aux bénéfices et la prime sont les applications directes de cette forme de reconnaissance.

Formation : Go!

La formation d’une journée avait pour objectif de partager une compréhension et des outils communs de ce que doit contenir une culture et des pratiques de gestion favorisant la reconnaissance. Cette journée était aussi l’occasion de faire le point sur les nombreuses pratiques existantes, de fixer à chaque participant des objectifs de progrès et d’identifier les personnes volontaires pour devenir des ambassadeurs. La formation portait sur trois grands volets :

  • définir, comprendre et conceptualiser la reconnaissance en milieu de travail;
  • appliquer concrètement la reconnaissance en milieu de travail;
  • se fixer des objectifs de progrès en matière de reconnaissance au travail.

D’avril 2012 à mai 2013, 250 gestionnaires, par groupe de douze à quinze personnes, ont assisté à cette journée de formation que 99 % ont jugée utile ou très utile.

2014 : implication

En 2013, on a voulu savoir si ces actions d’engagement avaient donné des résultats. Le sondage qui avait déjà été réalisé en 2011 a de nouveau été administré; le résultat sur la reconnaissance a été de 58 %, ce qui représente une augmentation de 9 % par rapport à 2011. C’est une augmentation considérable. Toutefois, il fallait continuer les actions, car c’était le levier qui avait le plus d’impact sur la mobilisation et qui allait permettre à La Capitale de demeurer un employeur de choix.

Consciente qu’une culture de reconnaissance ne peut s’implanter uniquement par un programme de reconnaissance porté par l’entreprise, la direction du développement organisationnel a pris deux décisions : faire évoluer son programme actuel en insistant davantage sur la reconnaissance informelle exercée par les gestionnaires et les employés et créer un réseau d’ambassadeurs qui pourront non seulement porter le message, mais aussi animer des ateliers sur la reconnaissance auprès des équipes de travail. Un tel réseau permet d’établir les bases d’une culture de reconnaissance, de développer une expertise à l’interne et de capitaliser sur les pratiques des gestionnaires.

Au total, vingt gestionnaires de divers niveaux hiérarchiques se sont portés volontaires pour intégrer le réseau d’ambassadeurs. L’engagement personnel de chaque ambassadeur est d’animer au moins deux ateliers par année. Ces ambassadeurs ont reçu une formation d’une demi-journée pour mieux maîtriser le contenu et la pédagogie des exercices qu’ils ont à animer auprès des équipes. Ils ont aussi à leur disposition une plateforme web comprenant des tutoriels sur l’animation des ateliers et divers documents de soutien.

2015 : renforcement

De manière volontaire, les gestionnaires et leur équipe peuvent demander un atelier sur la reconnaissance au travail. Ce sont les ambassadeurs qui sont chargés de l’animation de ces ateliers d’une heure à une heure et demie, qui peuvent se tenir lors de réunions régulières de l’équipe ou à toute autre occasion.

En 2015, il est également prévu de procéder à une révision complète de la formation en ligne offerte en 2010 et de l’intégrer systématiquement au programme d’accueil et d’intégration de tout nouvel employé.

Dans un avenir rapproché, le sondage organisationnel sera à nouveau administré, et ce, pour valider à nouveau les impacts de ces nouvelles initiatives. L’entreprise veut ainsi éviter que, malgré les efforts déployés pour améliorer son programme de reconnaissance, il y ait une stagnation du sentiment de reconnaissance. C’est donc à suivre…

Conclusion

À travers cette démarche stratégique pour implanter une culture de reconnaissance au travail, La Capitale mise sur le soutien de la direction, sur les compétences des gestionnaires et sur la participation des employés. Chacun découvre le vaste champ d’action de la reconnaissance au travail ainsi que le rôle précis qu’il peut y jouer.

Ainsi, la formation et le réseau des ambassadeurs deviennent un gage de succès pour partager une vision commune, développer une expertise à l’interne et s’assurer d’un transfert efficace et durable des connaissances et des pratiques en matière de reconnaissance au travail.

Jean-Pierre Brun, CRHA, Ph. D., professeur titulaire, département de management, Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail, Université Laval, et expert conseil, cabinet Empreinte Humaine
Marie-Claude Parent, CRHA, directrice du développement organisationnel, La Capitale

Source : Effectif, volume 17, numéro 5, novembre/décembre 2014.


Author
Jean-Pierre Brun, CRHA Président Empreinte Humaine Canada
Jean-Pierre Brun, CRHA, Ph.D. Expert conseil associé chez Empreinte Humaine et professeur retraité de management à l’Université Laval Expert-conseil de réputation internationale, Jean-Pierre Brun, CRHA, Ph.D. s’intéresse à plusieurs enjeux complémentaires comme la santé mentale au travail, la reconnaissance au travail, le harcèlement psychologique, les systèmes de gestion de la prévention au travail et la prise en charge de la sécurité dans les PME. Ambassadeur de la santé et de la sécurité au travail au Québec et en France, M. Brun a œuvré comme professeur titulaire au Département de management de l’Université Laval pendant plus de 30 ans et a fondé le MBA en gestion de la SST et la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail (maintenant le Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail). En 2012, il fondait Empreinte Humaine, un cabinet indépendant spécialisé dans la promotion de la Qualité de Vie au Travail (QVT) et la prévention des Risques Psychosociaux (RPS). M. Brun accompagne les entreprises dans trois domaines d’intervention : le bien-être, le bien-vivre et le bien-faire. Il offre ses conseils et son expertise à de nombreuses entreprises, managers et syndicats au Canada et à l’international. M. Brun est auteur de nombreux articles et ouvrages, dont « Le pouvoir de la reconnaissance au travail : 30 fiches pour allier santé, engagement et performance » (2018, avec Christophe Laval), « Les sept pièces manquantes du management » (2008) et « Management d’équipe : 7 leviers pour améliorer bien-être et efficacité au travail » (2008). Parmi les prix et reconnaissances qu’il a reçus, mentionnons le Prix hommage canadien de la santé en milieu de travail remis par le Conseil canadien de la santé en milieu de travail (2005) et le prix Reconnaissance RH – Livre de l’année remis par l’Ordre des CRHA (2019) pour l’ouvrage « Le pouvoir de la reconnaissance au travail ». M. Brun est détenteur d’un doctorat en ergonomie et d’une maîtrise en sociologie du travail.

Marie-Claude Parent, CRHA Directrice du développement organisationnel La Capitale assureur de l'administration publique inc.