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GMCR Canada - Jouer pour gagner

Installée en plein coeur du quartier du café à Montréal, GMCR Canada a des airs de famille bien qu’elle soit une filiale d’une entreprise américaine. Et pour cause. Jusqu’en 2010, l’essentiel des activités de l’entreprise au Québec était regroupé sous la marque Van Houtte, très connue des amateurs de café d’ici.

19 mars 2014
Guylaine Boucher

En trois ans, soit depuis que l’entreprise a été achetée par un torréfacteur américain, l’entreprise a toutefois connu une véritable révolution, en matière tant de mise en marché de ses produits que de production et de gestion. Une grande part de cette révolution vient de la percée incroyable des systèmes d’infusion une tasse à la fois de Keurig. Une révolution d’abord et avant tout humaine, au dire du président de l’entreprise, Sylvain Toutant. Quand le succès passe par l’équipe…  

Coude à coude le temps d’une photo, Sylvain Toutant et Marc Macdonald, CRHA, vice-président, ressources humaines, multiplient les blagues et les interactions. N’ayant rien de convenu, la scène ne laisse aucun doute sur la complicité qui lie les deux hommes. L’esprit d’équipe est palpable. Une impression rapidement confirmée par le président de GMCR Canada. « J’ai un style de gestion très ouvert et j’aime m’entourer. Pour moi, ditil, la gouvernance d’une organisation passe par un comité de direction apolitique, où les gens se disent les vraies affaires et où ils peuvent mettre tout leur bagage dans la balance, donner leur opinion et contribuer à la prise de décision. C’est le facteur humain. Une entreprise ne respire pas seule. Ce sont les gens qui sont dedans qui lui donnent vie. Il ne faut jamais l’oublier. »

Avec une telle vision des choses, il n’est pas étonnant que le vice-président, ressources humaines et son équipe occupent une place de choix dans la gouvernance de l’entreprise. « Marc, affirme Sylvain Toutant, c’est mon bras droit. Les gens ont aussi souvent recours à lui qu’à moi quand ils rencontrent des enjeux de structures et de processus. Souvent même, ils vont vers lui en premier. Pour moi, c’est une mesure de succès qui m’indique qu’on a bien positionné les ressources humaines dans l’organisation. »

Changement de culture
L’influence aujourd’hui reconnue des ressources humaines n’était pourtant pas acquise il y a trois ans. « Avant l’acquisition, relate Marc Macdonald, l’équipe des ressources humaines était plus transactionnelle. Il fallait l’amener à penser " business " en premier, à comprendre que son rôle était d’aider aux résultats de l’entreprise en ayant les bonnes personnes à la bonne place. Il fallait faire en sorte que les membres de l’équipe comprennent bien qu’on ne vend pas des ressources humaines, mais des cafetières et du café. C’était un changement de perception, mais aussi de culture. »

Une vision des choses partagée par le président Toutant. « Dans beaucoup d’entreprises, on aime affirmer que la gestion des ressources humaines est l’affaire de tout le monde. Dans ma conception des choses, cela revient à dire que personne n’est réellement responsable des choix qui sont faits. C’est contre-productif. Nous avons donc fait en sorte que nos gens RH se sentent responsables, notamment en matière d’embauche. Aujourd’hui, personne aux ressources humaines ne peut me dire, cette équipe-là n’est pas forte. Je leur retourne immédiatement la question : qui a embauché ces gens? Bien sûr, la responsabilité est conjointe, mais les spécialistes en ressources humaines sont les mieux placés pour conseiller les gestionnaires et les orienter vers les bons choix. Ils sont responsables de cela et doivent se positionner en leaders. »

Pour faciliter le virage, beaucoup d’efforts ont été investis en communication. Encore aujourd’hui, un soin particulier est accordé à la circulation de l’information à tous les niveaux de l’organisation. La transparence et l’écoute sont valorisées. L’emphase est aussi mise sur l’exécution et l’innovation. Quelle que soit leur fonction dans l’entreprise, les gens sont invités à sortir des sentiers battus et à innover dans leur champ d’expertise. « L’approche, rappelle Marc Macdonald, suppose que les gestionnaires encouragent la prise de risque, que tous se sentent responsables et qu’ils soient capables de réagir rapidement pour corriger le tir si nécessaire. Elle suppose aussi que l’on accepte de s’entourer des meilleurs, très souvent même de gens meilleurs que soi, pour aller au-delà des limites établies. »

Des choix payants
Pour Sylvain Toutant, sans ce changement de culture, aucune des réalisations accomplies au cours des trois dernières années n’aurait été possible. « Nous sommes passés d’une entreprise qui avait une marque unique et une usine de torréfaction qui produisait essentiellement du café selon les méthodes traditionnelles à une entreprise hybride qui vend à la fois du café et des petits électroménagers. Le profil des gens qui travaillent pour nous a changé, parce que nous ne faisons plus la même chose qu’avant. Nous avons notre propre force de ventes. L’usine de Montréal s’est littéralement transformée. Nous sommes passés de la mécanique à la robotisation et à l’automatisation. Pourtant, le noyau dur de gens qui étaient là à l’époque est demeuré. Ces personnes sont maintenant entourées de plein de collègues aux compétences complètement différentes. Elles ont évolué avec l’entreprise et leur expérience, combinée aux nouvelles expertises que nous sommes allés chercher, fait notre succès. »

La filiale canadienne de Green Mountain Coffee Roasters a en effet le vent dans les voiles. Considérée comme la plus productive de son groupe en Amérique du Nord, l’usine de Montréal a été agrandie en 2013 et procure aujourd’hui de l’emploi à 400 personnes, soit quatre fois plus qu’il y a cinq ans. Les résultats financiers de l’entreprise sont aussi en hausse, tout comme sa progression sur le marché. La recette a été à ce point payante que le siège social américain a récemment confié à Marc Macdonald la responsabilité de revoir la gestion des ressources humaines et certains processus d’affaires ailleurs dans le groupe. Une décision que Sylvain Toutant voit d’un bon oeil. « Pour moi, dit-il, le fait que l’on propose de nouveaux défis à Marc est extrêmement positif. Je tente de mettre en pratique ce que je prêche. Je veux faire en sorte qu’il ait tout l’espace dont il a besoin pour réussir son nouveau défi. Je sais que, s’il réussit, c’est toute l’organisation qui en sortira gagnante, parce qu’il sera heureux et que des gens heureux dans ce qu’ils font peuvent faire beaucoup pour une entreprise. »

L’humain avant tout
D’ailleurs, si l’acquisition a forcé la révision de plusieurs politiques RH, notamment les échelles salariales, la stratégie de rémunération et les avantages sociaux, et qu’une …on accepte de s’entourer des meilleurs, très souvent même de gens meilleurs que soi, pour aller au-delà des limites établies. Reproduit avec l’autorisation de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Tous droits réservés portailrh.org/effectif nouvelle entente de travail de sept ans a été négociée et acceptée par les employés syndiqués, le développement des individus demeure la plus grande fierté de Sylvain Toutant et de Marc Macdonald . « Pour moi, explique ce dernier, les processus et les politiques représentent la base de la plusvalue que peut avoir une équipe des ressources humaines. Ce sont des outils, non pas des fins en soi. Il faut aller au-delà de ça, chercher à bâtir des choses ensemble et à faire la différence dans la vie des gens. C’est ce qu’il y a de plus intéressant dans notre travail. »

Du point de vue de Sylvain Toutant, les choses vont tellement vite que la seule façon de réussir cela est toutefois de laisser les ressources humaines jouer pleinement leur rôle. « Si tu leur permets de déployer leur vision stratégique, pendant que les gens des finances et des ventes te disent ce qui s’est passé le mois dernier, les gens de RH te diront ce qu’il faut faire pour que la progression continue et pour amener les équipes dans la direction où l’entreprise veut aller. C’est une relation gagnantgagnant. Quand, à 70 ans, tu regardes ta vie et ta carrière et que tu te demandes ce que tu as fait de ta vie, ce n’est certainement pas d’avoir vendu du café qui te fait te sentir bien. Ta plus grande contribution, c’est d’avoir aidé les gens à aller chercher le maximum de ce qu’ils pouvaient donner, de les avoir aidés à grandir et à se développer. On dit souvent que la chose la plus difficile pour un gestionnaire, c’est de congédier quelqu’un. En fait, c’est faux. Congédier quelqu’un, c’est dur, mais ça prend quelques minutes et ensuite on est libéré. Contribuer au développement de quelqu’un, lui donner du feedback pour qu’il s’améliore est beaucoup plus exigeant, mais c’est aussi beaucoup plus stimulant. Je ne le répéterai jamais assez, ce qui différencie une entreprise d’une autre, ce sont les gens qu’elle embauche. On gagne par ça et on perd par ça. Et ici, on joue pour gagner. »

GMCR Canada en chiffres
  • 1800 employés répartis sur l’ensemble du territoire canadien. • Un chiffre d’affaires de la famille Green Mountain Coffee Roasters Inc. de plus de 4,4 milliards en 2013, dont 60 % de l’apport canadien est réalisé directement auprès des consommateurs.
  • Plus de 60 cafés-bistros au Québec.
  • 50 sites dans 8 des 10 provinces canadiennes. Offre les systèmes à infusion une tasse à la fois de Keurig® et de nombreuses boissons pour les approvisionner.
  • Commercialise les marques phares que sont Van Houtte®, Timothy’s World Coffee®, Barista Prima Coffeehouse® ainsi que Green Mountain Coffee®, Tully’s® et Café Escapes®, en plus d’offrir dans son système Keurig® des marques partenaires telles que Starbucks, Folgers, Kirkland, Irrésistibles et plusieurs autres.
  • Plus d’une centaine de nouveaux produits par année.

Guylaine Boucher, journaliste indépendante

Source : Effectif, volume 17, numéro 1, janvier/février/mars 2014.


Guylaine Boucher