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Gérer une équipe virtuelle

Gérer une équipe de travail n’est pas de tout repos. Que dire alors de la gestion d’une équipe dispersée partout dans le monde ou constituée uniquement de travailleurs à domicile? Leur voix est plus connue que leur visage. Ils travaillent ensemble sans s’être rencontrés une seule fois.

21 septembre 2009
Myriam Jezequel

Gérer à distance une équipe virtuelle présente d’autres défis spécifiques. Comment la rendre performante? Comment faire partager la culture organisationnelle à des travailleurs que la distance sépare de l’environnement physique de l’entreprise? Comment s’affranchir de la distance dans un milieu de travail où les décisions sont instantanées? Les façons de travailler ensemble doivent donc être revues. C’est tout le management d’équipe qui doit être repensé.

Entreprise globalisée et travailleurs nomades
Mondialisation oblige, les relations à distance remplacent de plus en plus le travail face à face. Les délocalisations motivées par la conquête de nouveaux marchés ou la réduction des coûts de production font de l’entreprise globalisée une nouvelle réalité d’affaires. Ainsi, un emploi délocalisé sur trois se trouverait en Chine. Ces entreprises globalisées ne sont pas toutes de puissantes multinationales. De plus petites entreprises hautement innovantes exigent les meilleurs spécialistes au monde, quelle que soit leur nationalité. Mobiliser les joueurs de talent pour répondre à des appels d’offres internationaux, mettre en commun des travaux de recherche, s’allier des ressources rares pour un projet ambitieux, fournir une assistance technique après-vente jour et nuit… autant de raisons de travailler en équipe virtuelle.

Télétravail et travailleurs autonomes
À plus petite échelle, l’organisation flexible du travail et la création d’équipes de pigistes favorisent le travail à distance. Des experts prédisent que les équipes virtuelles sont l’avenir du marché du travail. Désormais, les discussions de couloir et les réunions au pied levé seront-elles remplacées par un tout nouvel esprit d’équipe et d’autres circuits de coopération?

Organiser un bureau virtuel
À la différence des équipes traditionnelles, les équipes virtuelles, dispersées ou distribuées sont des équipes dont les membres utilisent la technologie de manière plus ou moins importante pour travailler au-delà des frontières géographiques, temporelles ou relationnelles dans l’objectif de réaliser des tâches interdépendantes.

Le responsable d’équipe devra veiller aux besoins technologiques du travailleur. Celui-ci maîtrise-t-il les différents systèmes de communication : messagerie instantanée, téléphonie, audioconférence et vidéoconférence? À cet égard, il pourrait être nécessaire de lui procurer des outils de travail plus performants et de lui fournir un soutien technique efficace. En effet, les moyens technologiques sont efficaces seulement pour celui qui sait s’en servir.

Par ailleurs, au même titre que les rencontres physiques, les réunions virtuelles doivent être planifiées. Il est préférable que le responsable d’équipe avertisse le travailleur de son intention de lui téléphoner pour aborder différents points plutôt que de multiplier les interruptions du travail. Et mieux vaut se familiariser avec quelques principes d’animation pendant une réunion téléphonique.

Constituer une équipe virtuelle
Myriam Barni recommande, dans Manager une équipe à distance, de communiquer à chacun des informations sur l’identité professionnelle des autres membres de l’équipe (fonction dans l’entreprise, qualification ou domaine d’expertise) ainsi que leurs coordonnées en commençant par utiliser l’annuaire de l’entreprise. « C’est l’un des actes fondateurs qui permettent d’engager la collaboration dans un bureau virtuel » écrit-elle.

Soulignons que plusieurs adresses électroniques incluent la fonction de la personne accolée à son nom (administratif@…, finance@…). Le rôle de chacun est aussitôt identifié et rapidement mémorisé. Outre ces informations de base, Myriam Barni encourage à communiquer « des renseignements plus personnels pour faciliter les échanges et la socialisation : résumés de carrière, photos et précisions sur le caractère ou les goûts personnels ».

Ultimement, chaque membre de l’équipe virtuelle doit avoir une vision claire des compétences, du profil et du rôle des autres. Leur contribution individuelle au travail d’équipe deviendra d’autant plus évidente. Les échanges entre les membres doivent faciliter une conscience de groupe et la coordination des tâches entre eux.

Gérer l’équipe à distance
Le travail en réseau oblige le responsable d’équipe à se soucier autant de la productivité du travailleur nomade que de l’efficacité de l’équipe. Voici quelques conseils…
  • Mettre au placard les idées reçues sur le travail à distance par une culture de travail valorisant la flexibilité organisationnelle. Trouver toutes les occasions de montrer que les différences de culture et d’expertise profitent à toute l’équipe.
     
  • Établir dès le départ la planification et l’exécution du travail. Le responsable d’équipe doit fixer les règles et communiquer certains principes de base… Par exemple, le travailleur devra-t-il répondre à toute demande dans l’heure ou dans la journée? Chaque membre de l’équipe devrait connaître le calendrier collectif de production, les activités des autres et la réalisation des tâches concrètes qui lui sont assignées.
     
  • Motiver l’équipe en favorisant son autonomie et la confiance entre les membres. Il vaut mieux respecter le style de chacun que de surveiller sa façon de travailler. La taille du bureau et la tenue vestimentaire ont peu d’effet sur une équipe virtuelle. Le responsable d’équipe devrait oublier la voie hiérarchique et adopter un style coopératif. Il aura une meilleure « visibilité » s’il partage l’information entre les membres de l’équipe et assure le rendement et la cohésion de l’équipe sur le mode de la collaboration. Son leadership sera évalué à sa capacité à créer un esprit d’équipe autour d’objectifs partagés et de critères collectifs de succès.
     
  • Responsabiliser l’équipe en évaluant le travail à ses résultats. Pour performer, le travailleur voudra connaître l’échéancier des livrables, obtenir un suivi et une rétroaction sur son travail. Il peut être préférable de lui demander de remettre le travail par étapes afin de vérifier son avancement et d’apporter les correctifs nécessaires avant l’échéance. Si le responsable d’équipe ne peut évaluer le travail remis, il gagnera à prendre le temps d’indiquer au travailleur quand il sera en mesure de communiquer avec lui.
Loin des yeux, près de l’équipe
Les équipes virtuelles permettent d’éliminer le temps passé dans les embouteillages et les coûts liés aux déplacements. Néanmoins, le responsable doit s’assurer de créer un lien virtuel entre les membres de son équipe. Il est plus facile de prendre le pouls des employés en se promenant dans les couloirs qu’en lisant les courriels. C’est pourquoi les messages électroniques ne remplacent pas l’appel téléphonique. À défaut de discuter autour de la machine à café, quelques conversations informelles au téléphone seront bien accueillies. Le mieux est d’équilibrer communication électronique et appels téléphoniques, propos informels et entretiens professionnels. Un dernier conseil : il est bon de tirer profit de l’intérêt des nouvelles générations pour les réseaux et leur habileté à se constituer en communauté virtuelle!

Myriam Jézéquel, journaliste indépendante

Source : Effectif, volume 12, numéro 4, septembre/octobre 2009.


Bibliographie

Martins, Luis L., Guy L. Gilson et M. Travais Maynard. « Virtual Teams: What Do We Know and Where Do We Go From Here? », Journal of Management, vol. 30, no 6, 2004, p. 805-835.

Les facteurs organisationnels de succès des communautés de pratique virtuelles : projet Modes de travail et de collaboration à l’ère d’Internet, Rapport de recherche présenté au CEFRIO, Anne Bourhis, Diane-Gabrielle Tremblay, Québec, CEFRIO, 2004.


Myriam Jezequel Écrivaine, chroniqueuse et chercheuse