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Gaz Métro : où on a redécouvert l’importance de reconnaître par le jeu!

Toutes les entreprises doivent relever le véritable défi que représente la reconnaissance de la performance de leur personnel. Même les meilleures doivent sans arrêt se renouveler devant les attentes croissantes de leurs employés. Mais le secret semble être le suivant : pour bien reconnaître, il faut que les gens se sentent concernés et qu’ils se remettent en mémoire l’étendue des formes de reconnaissance. C’est le pari qu’a remporté Gaz Métro…

4 décembre 2008
Carole Magnan, CRHA

Gaz Métro, la vie en bleu!


Gaz Métro est une entreprise de distribution de gaz naturel dont les activités sont réparties sur tout le territoire du Québec. Près de mille quatre cents employés l’aident à accomplir sa mission, dont 64 % au siège social et 36 % dans les bureaux d’affaires; 65 % de son personnel est syndiqué. L’employé est au cœur de la réalisation de ses objectifs d’affaires.

Se mesurer pour comprendre
Tout ce qui se mesure s’améliore! Avant d’apprendre une démarche de reconnaissance, il est important de mesurer l’intensité de l’enjeu. Précisons d’abord que la reconnaissance est un point faible dans de nombreuses organisations, comme le prouve la figure 1 ci-dessous, tirée d’une étude de balisage menée (entre 2007 et 2008) auprès de trente-quatre mille répondants dans quarante-trois entreprises québécoises. Précisons toutefois que certaines entreprises parviennent à atteindre un très bon niveau de reconnaissance.

Le deuxième enseignement intéressant tirée de cette étude est la perception différente du degré de reconnaissance selon les niveaux hiérarchiques, et les facteurs qui expliquent cette perception, comme l’illustre la figure 2.

On observe combien la reconnaissance par le supérieur immédiat (en dernière ligne) est liée à une série de comportements qui sont les facteurs cités au-dessus tels que la disponibilité, l’équité, l’écoute, etc.

Chez Gaz Métro aussi, on se mesure. L’entreprise s’était déjà engagée à travailler sur le climat de travail, notamment avec ses syndicats, avant même d’aborder de façon plus étendue et systématique la « mobilisation ». C’est l’outil IME (Indice de mobilisation de l’entreprise) qui, depuis 2005 maintenant, lui permet de se mesurer et d’identifier ses priorités d’action.

Dès les premiers résultats, un enjeu particulier lié à la reconnaissance a été identifié. Ce ne fut toutefois pas parmi les priorités d’action. C’est un sujet tellement vaste qu’il est apparu important de prendre le temps d’identifier les bons leviers afin d’agir de façon efficace auprès de l’organisation.

Consulter pour mieux agir!
Afin de déterminer les bons leviers et de mieux agir ainsi sur la reconnaissance, on a tenu des rencontres de consultation avec l’ensemble des gestionnaires et des cadres spécialisés, ce qui a donné un éclairage intéressant sur le sujet. Profitant d’un forum avec les gestionnaires et d’une autre rencontre avec les professionnels, l’entreprise a posé les deux questions suivantes :
  1. Qu’est-ce qui pourrait être fait pour mieux reconnaître la contribution de chacun?
  2. Quels sont les gestes de reconnaissance déjà posés chez Gaz Métro qui ont été significatifs pour vous?

Ces consultations ont permis d’obtenir beaucoup d’informations sur la perception du rôle de chacun dans la reconnaissance et sur la nature des moyens de reconnaissance privilégiés.

L’entreprise a tiré quelques leçons qui ont guidé ses actions par la suite. Les gens sont généreux en matière d’idées qui concernent d’abord ce que les autres devraient faire à leur égard. Lorsqu’on leur demande s’ils donnent de la reconnaissance, la tendance est de répondre oui; si on leur demande s’ils en reçoivent, la tendance est de répondre non! Première leçon donc : les gens ont une attitude d’attente; il sont donc plus spectateurs qu’acteurs de la reconnaissance et attendent plus des autres qu’ils ne donnent eux-mêmes.

Deuxième leçon : contrairement à ce qu’on pourrait croire, la nature des moyens de reconnaissance ne relève pas seulement de la responsabilité de l’organisation envers ses employés. Les gestes d’attention au quotidien ont une place prépondérante dans les attentes des personnes. Pour reconnaître, il faut donc avoir recours à une variété de moyens et tout le monde participe à la reconnaissance, l’organisation, les gestionnaires et les collègues. Cette deuxième leçon allait devenir le cadre de référence : diversité des moyens et responsabilité partagée!

Sachant que le gestionnaire est un des joueurs clés puisqu’il donne le ton, l’entreprise a dirigé son intervention vers cette clientèle d’abord. Son intention n’était pas de former ou de convaincre, mais de démystifier, de rendre explicites des éléments qui sont implicites.

Surprendre pour réactiver l’intérêt des gestionnaires
Quoi de mieux que de profiter d’un forum réunissant tous les gestionnaires pour les mettre en mouvement sur le sujet? Et surtout, quoi de plus opportun que de les faire jouer en équipe à un jeu de société sur la reconnaissance? On a donc inventé à partir de modèles tels que le Monopoly une activité de redécouverte de la reconnaissance. Celle-ci a permis à des équipes de gestionnaires d’explorer, de choisir, d’échanger des moyens de reconnaître et d’explorer ainsi toutes les facettes de la reconnaissance. Comme pour chaque jeu de société, il y a un objectif, soit accumuler des points et gagner, sans oublier que l’important, c’est de participer!

Le jeu est une aide et un support novateur; mais pour réussir à créer cet intérêt, la direction doit appuyer le projet et y participer. Dans une grande salle, les 180 gestionnaires ont donc été répartis en vingt équipes de neuf personnes, en provenance de tous les secteurs de l’entreprise. Un cadre de direction à chaque table tenait un rôle d’animateur : en plus d’expliquer les règles du jeu, il créait l’échange et régulait la participation des joueurs. Le jeu permet d’accumuler des points grâce à des cartes moyens (comment reconnaître?), d’innover grâce à des cartes applications, mais il permet aussi d’avoir du plaisir à jouer grâce aux surprises positives (les cartes bons coups) ou négatives (les cartes zut alors!).

Qu’est-ce que les gestionnaires ont appris sur le sujet? Il semble que l’exercice ne leur a pas fait acquérir de nouvelles habiletés, mais leur a plutôt donné un cadre de référence simple qui leur a permis de découvrir la multiplicité des options qui s’offrent et d’avoir un plus large choix pour passer de spectateur passif à acteur actif de la reconnaissance (comme gestionnaire et comme collègue).

En conclusion, se rappeler les bases de la reconnaissance…
La reconnaissance est un besoin essentiel pour l’être humain (tout le monde connaît la pyramide de Maslow). On en a tous besoin, mais on oublie facilement d’en donner.

Dans une entreprise, la reconnaissance :

  1. est le fondement du lien social, car les rites de reconnaissance facilitent l’intégration d’une personne dans un groupe;
  2. est un stimulateur de la collaboration et de la créativité, elle invite à s’ouvrir, à donner plus; en effet, la créativité ne fonctionne pas dans une logique individualiste, mais demande de faire don, de travailler collectivement et d’apporter le maximum (on le comprend bien dans un exercice de remue-méninges); sans reconnaissance, les gens deviennent avares de leurs contributions;
  3. enfin socialement, fait passer la personne du « je » au « nous »; en reconnaissant une contribution, on formalise l’appartenance (d’où l’importance d’être cité, de ne pas être oublié dans une liste de contributeurs, etc.); manquer de reconnaissance, c’est se voir nier (momentanément) son appartenance à un groupe.

C’est pourquoi la reconnaissance est une composante de la mobilisation.

Il faut retenir que, la plupart du temps, la reconnaissance est un acte gratuit (un don) qui doit être répété régulièrement. Ceci explique pourquoi la rémunération, les augmentations sont bien des actes de reconnaissance, mais ne peuvent pas, en entreprise, être les uniques formes de reconnaissance.

Actuellement, on vit un paradoxe : certaines tendances ne favorisent pas la reconnaissance et les entreprises ont de plus en plus besoin de lien social et de sentiment d’appartenance.

L’individualisation et la gestion individuelle de la performance conduisent à des comportements de compétition et d’exclusion plus que de collaboration et d’intégration, alors qu’en même temps les entreprises doivent constamment innover et faire appel à l’intelligence de leurs équipes et des personnes et accroître le niveau de collaboration.

La reconnaissance devient donc plus que jamais un enjeu de mobilisation des personnes dans les organisations. Alors, comme l’a expérimenté Gaz Métro, quoi de plus proche du don qu’un jeu pour se remettre en mémoire le cadre de référence, les gestes et les mots clés pour bien reconnaître!

LA RECONNAISSANCE ET SES MULTIPLES DIMENSIONS
Contrairement à une croyance répandue, la reconnaissance dans une entreprise est l’affaire de tous. Qui reconnaît?
1 La haute direction définit des politiques de reconnaissance pécuniaires et non pécuniaires, elle établit aussi une culture, avec des valeurs et des rituels qui favorisent la reconnaissance.
2 Le supérieur immédiat est aussi un acteur essentiel de reconnaissance. Il est toutefois nécessaire qu’il encadre clairement l’action de la personne, entre autres par des objectifs clairs pour que sa reconnaissance prenne tout son sens et son intensité.
3 Enfin tout un chacun, en tant que collègue, est aussi un acteur de reconnaissance, par des paroles d’encouragement, de remerciement ou des actes de coopération spontanée.
4 Enfin certaines personnes, hors de l’entreprise, comme les clients, les fournisseurs ou les actionnaires, sont aussi des donneurs de reconnaissance, positive ou négative selon le cas.
Quoi reconnaître ?
On peut reconnaître les efforts, le résultat ou la personne, ou les trois à la fois. Par exemple, en reconnaissant l’atteinte d’un objectif (la production d’un rapport de qualité), les efforts (en moins de temps que prévu) et la personne (pour la fluidité du style).

Carole Magnan, CRHA, directrice, soutien à la performance et mobilisation, Gaz Métro, et Philippe Collas, directeur principal, SECOR conseil

Source : Effectif, Volume 11, numéro 5, novembre/décembre 2008


Carole Magnan, CRHA