Annoncer la nouvelle
Dans les entreprises de moins de cinquante employés, il est préférable d’annoncer simultanément la nouvelle à tous les employés.
« Dans les grandes entreprises, il faut déterminer à qui et comment annoncer la nouvelle, affirme Bob VandePol, président de Crisis Care Network, société de gestion de crise située à Grandville, au Michigan. Vous devez penser en termes d’onde de choc. Les membres d’une équipe étroitement soudée ne devraient pas être traités de la même façon que les gens qui connaissaient à peine ou pas du tout le défunt. Définissez les cercles de l’onde de choc et regroupez les personnes qui sont touchées de façon similaire. Vous devriez communiquer différemment avec chaque groupe et leur procurer des ressources adaptées. »
Les clients et les fournisseurs constituent l’un de ces cercles. Dawn Haag-Hatterer, présidente-directrice générale de Consulting Authority, une société de gestion des risques située à Frederick, au Maryland, recommande d’appeler individuellement les personnes extérieures à l’entreprise qui étaient souvent en contact avec l’employé et avaient noué avec lui une relation étroite.
AU CASINO DE MONTRÉAL… |
Gaétane, qui travaille au service des ressources humaines depuis dix ans, décède subitement pendant son voyage de noces. Elle venait de se marier avec le chef de service aux projets du Casino. Aussitôt prévenu, le coordonnateur, santé et sécurité contacte le PAE pour avoir les services d’une ressource spécialisée en gestion de crise le lendemain. Pour les collègues de Gaétane, c’est un choc terrible. Dès l’annonce de la triste nouvelle, l’intervenant du PAE identifie ceux qui ont besoin de soutien et organise des rencontres individuelles pour les personnes les plus vulnérables et une rencontre de groupe un peu plus tard. « Ça m’a rassurée et fait beaucoup de bien, dit une employée, Janick Corbeil. Mais, ce qui m’a le plus aidé, est de pouvoir en parler avec mes collègues, car nous partagions la même chose. » « Dans les jours qui ont suivi, l’intervenant était disponible en consultation ou par téléphone. Nous avons aussi fait preuve de flexibilité pour le temps de travail et les congés afin d’accommoder les proches de Gaétane. Son conseil : être présent, à l’écoute, se serrer les coudes, ne pas avoir peur de se tromper ou d’en faire trop pour supporter l’équipe. Il faut éviter de se dire après coup que nous aurions dû poser tel ou tel geste. » Richard Émond, CRHA, directeur des ressources humaines, Casino de Montréal |
Faire appel à des experts
Des lignes directrices peuvent aider les personnes qui auront la pénible tâche d’annoncer le décès soudain d’un employé. Cependant, les bouleversements émotifs qui s’ensuivent requièrent l’intervention d’experts.
Les gestionnaires devraient suivre une formation afin de déceler les signes qui indiquent une incapacité à surmonter le deuil. « Un changement de comportement ou une baisse de rendement, même des semaines ou des mois plus tard, pourraient être liés au décès », souligne madame Haag-Hatterer. Il faut recommander aux employés de consulter un psychologue, un professionnel de la santé ou un groupe de soutien et de lire l’information sur le deuil fourni par le PAE.
Selon la nature du décès, la culture de la société et le nombre de personnes touchées, monsieur VandePol recommande l’intervention de conseillers en deuil. « Même si peu de gens consultent les conseillers, leur présence indique que la société se soucie de ses employés et qu’elle procure un cadre sûr pour ceux qui pourraient éprouver des difficultés à accepter la perte. »
Mary Cheddie, vice-présidente principale RH chez Interval International, une entreprise de trois mille employés située à Miami, recommande elle aussi l’intervention de conseillers en deuil. C’est ce qu’elle fait si un employé d’Interval décède. « Je suis prête à payer pour ce service chaque fois que j’en ai besoin. La baisse du rendement d’un employé qui ne parvient pas à composer avec le décès dépasse largement les honoraires d’un conseiller. » Elle suggère d’embaucher un conseiller en deuil durant une ou deux journées, selon le nombre de personnes qui connaissaient le défunt. Chaque séance en petit groupe dure de 45 minutes à une heure.
Deuil et traumatismeLes professionnels de la gestion des ressources humaines devraient reconnaître les différences subtiles entre un événement triste et un événement traumatisant, qui nécessite une attention particulière. « Lorsqu’un collègue décède dans son sommeil, les gens éprouvent du chagrin, explique Bob VandePol. Lorsqu’un collègue décède dans des circonstances traumatisantes, ou lorsqu’un employé est témoin du décès, les gens subissent un traumatisme. Outre la tristesse, les traumatismes provoquent des émotions telles que l’anxiété et la peur. » Selon lui, les personnes qui vivent un traumatisme présentent davantage de problèmes comme l’absentéisme, l’abus d’alcool, la colère excessive, le désengagement et la violence.
« Vous devez fournir autant de soutien que possible aux témoins, même s’ils n’en veulent pas et affirment que tout va bien. Ne les écoutez surtout pas », ajoute Dawn Haag-Hatterer. Être témoin d’un décès est difficile sur le plan émotionnel. « Les témoins peuvent vivre un stress post-traumatique des jours, des semaines, voire des mois plus tard », dit-elle.
Communiquer avec la famille« Après un délai raisonnable, nous communiquons avec la famille pour lui présenter nos condoléances et connaître les dispositions concernant les funérailles. Nous communiquons ensuite avec les bénéficiaires au sujet des prestations, telles que l’assurance-vie, l’assurance en cas de décès ou de mutilation par accident et les prestations de retraite », précise madame Cheddie.
Les professionnels en ressources humaines doivent faire preuve de sang-froid, de compassion et de crédibilité lorsqu’ils appellent la famille. « Exprimez votre sympathie et votre soutien, et dites à la famille que vous effectuerez un suivi concernant les détails administratifs, dit madame Haag-Hatterer. En général, les membres de la famille préfèrent remettre ces discussions à plus tard, mais peuvent parfois poser des questions précises. La meilleure attitude à adopter est de reconnaître le besoin de comprendre les détails, mais de préciser qu’il n’est pas nécessaire d’agir immédiatement. Les gens traversent une période tellement chargée d’émotions qu’ils ne se souviendront pas de ce que vous leur dites et ne sont pas en mesure de prendre des décisions avisées. Il est donc préférable de leur dire que vous leur expliquerez tous les détails d’ici quelques semaines. En attendant, vous pouvez communiquer avec la compagnie d’assurances et d’autres fournisseurs pour les informer du décès. »
Période de deuilLes rituels funéraires peuvent aider les employés à faire leur deuil et à retourner au travail. Assister aux obsèques peut constituer une étape symbolique et essentielle du deuil. Donner aux employés un congé payé pour assister aux funérailles indique que la société appréciait le défunt.
Mary Cheddie affirme qu’un représentant de la société devrait assister aux funérailles, même si elles ont lieu à l’extérieur de la ville. Elle recommande qu’un membre du service des ressources humaines ainsi qu’un membre de la direction soient également présents.
« En cas d’obsèques à l’extérieur de la ville, la société doit approuver un congé payé pour la journée des funérailles, mais demander aux employés d’utiliser leurs jours de congé (ou congé sans solde si les jours de congé sont épuisés) pour les journées de déplacement, explique Dawn Haag-Hatterer. Ces mesures devraient figurer dans les politiques de l’entreprise », ajoute-t-elle.
Madame Cheddie ne peut pas fermer toute la société en cas de funérailles, mais elle peut fermer le service dans lequel travaillait le défunt. Elle explique qu’un employé récemment décédé et fort apprécié de ses collègues a été enterré en Pennsylvanie où il avait grandi, mais qu’elle a parlé à sa mère afin d’organiser un service commémoratif à Miami, où se trouve l’entreprise. « Les employés ressentaient une profonde douleur et souhaitaient se rassembler pour honorer la mémoire de leur collègue, dit-elle. Sa mère a accepté et est venue à Miami. Les employés ont réellement apprécié ce geste. »
Faire la paixRetourner au travail et retrouver une routine peut aider. Selon Bob VandePol, plus les employés s’absentent longtemps, moins ils sont susceptibles de retourner au travail. « Ils ont besoin d’une permission pour retourner au travail et [d’entendre] que cela ne constitue pas un manque de respect. »
Retourner au travail signifie également qu’il faut enlever les effets personnels du défunt et pourvoir son poste, des tâches très délicates. « Au cours de la rencontre initiale, expliquez aux employés de quelle façon et à quel moment les effets personnels du défunt seront remis à la famille, conseille monsieur VandePol. Communiquez avec vos employés afin qu’ils sachent à quoi s’attendre, car si vous videz le bureau à l’improviste, ce geste sera perçu comme un manque de respect. »
Madame Haag-Hatterer recommande pour sa part que les professionnels en ressources humaines recueillent les effets personnels avant ou après les heures de bureau dès les premiers jours qui suivent le décès de l’employé. « Informez la famille au cours de votre premier appel téléphonique que vous lui enverrez les effets personnels, ou offrez-lui la possibilité de venir les chercher lorsque les bureaux sont fermés », conseille-t-elle.
« Une fois que les gens ont repris leurs activités normales, les ressources humaines peuvent rencontrer le superviseur afin d’évaluer la nécessité et l’urgence de pourvoir le poste, poursuit Dawn Haag-Hatterer. Vous pouvez engager confidentiellement un chasseur de têtes pour commencer à trouver un remplaçant sans afficher le poste. Après quelques semaines, vous pouvez commencer à afficher le poste plus ouvertement. »
Quelles que soient les circonstances, un décès soudain présente des défis inattendus. Mary Cheddie encourage les professionnels en gestion des ressources humaines à agir de la façon la plus appropriée en fonction de la société et de sa culture. « Il ne s’agit pas de stratégies RH et ce n’est pas facile, admet-elle. Mais nous devons être présents pour la mémoire de l’employé, ainsi que sa famille et ses collègues, afin de nous assurer que tout le monde est traité avec respect et dignité. Tant que vous ne perdez pas cela de vue, vous n’avez pas besoin de listes de vérification et de politiques. »
Adrienne Fox, conseillère à la rédaction et ancienne rédactrice en chef, HR Magazine. Traduit par CQRHT.
Reproduit avec la permission de la Society for Human Resource Management (SHRM). Tous droits réservés.
Source : Effectif, volume 15, numéro 4, septembre/octobre 2012.