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Autres pays, autres mœurs…

La gestion de la diversité ethnique se développe en Europe à un rythme différent selon les pays. Certains, tels le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, sont plus avancés sur ce plan et s'inspirent du modèle nord-américain. D'autres, par contre, doivent surmonter de nombreuses résistances institutionnelles et économiques pour faire reconnaître l'existence même d'une diversité sur le marché du travail. En fait, la situation européenne se démarque de celle du Canada, notamment en raison de la montée de mouvements d'extrême droite et des graves incidents de racisme et de xénophobie qui y sont associés. Le rôle du Conseil de l'Europe et des instruments juridiques communautaires sera sans doute d'exercer une pression importante sur les États afin qu'ils interviennent de façon vigoureuse contre la discrimination.

1 février 2008
Marie-Thérèse Chicha

Royaume-Uni

Après être passé par une période où l'assimilation des immigrés constituait la seule voie acceptable, le Royaume-Uni s'est graduellement rapproché d'un modèle de reconnaissance de la diversité et de lutte vigoureuse contre les discriminations. Le pays s'est d'ailleurs doté assez tôt, en 1976, d'une Loi sur les relations raciales et d'une Commission pour l'égalité raciale chargée d'en surveiller l'application. Récemment, à la suite d'émeutes raciales, cette législation a été renforcée. Les programmes d'égalité en emploi visant à augmenter la représentation des minorités ethniques ont pour leur part entraîné la création de programmes de formation à la diversité. Pragmatique, le modèle britannique a été en grande partie suscité, comme aux États-Unis, par une forte insatisfaction des minorités ethniques.

Pays-Bas

D'emblée, les Pays-Bas sont reconnus pour leur ouverture à la diversité religieuse et culturelle ainsi que pour leur esprit de tolérance. L'adoption de mesures anti-discriminatoires y a été donc relativement plus facile que dans d'autres pays européens. Ici aussi, une approche pragmatique basée en grande partie sur une concertation entre pouvoirs publics, associations patronales et syndicales a été adoptée. Le cadre législatif qui prévaut est la Loi sur l'égalité de traitement qui a une très large portée. Interdisant toute discrimination fondée sur la race, la religion, l'opinion politique, le sexe, la nationalité, l'orientation sexuelle ou l'état civil, elle s'applique dans le domaine du travail (salarié ou non) ainsi que dans un grand nombre d'autres activités. La formation en matière de diversité représente dans ce pays une industrie florissante où l'accent est mis de plus en plus sur une approche de gestion de la diversité au sens le plus large du terme.

France

Pour sa part, le modèle français s'écarte considérablement des deux précédents. Les progrès dans ce domaine se butent à un obstacle de taille: l'idéal républicain d'égalité qui s'oppose à toute distinction sociale ou politique basée sur l'origine ethnique. On se doute bien que les actions contre le racisme sont encore limitées. Ainsi, il n'existe pas de législation semblable à celles du Royaume-Uni et des Pays-Bas et le seul organisme chargé de lutter contre les discriminations raciales est le Groupe d'études et de lutte contre les discriminations (GELD). Son principal moyen d'intervention est un service de référence auxquels peuvent s'adresser les personnes qui se croient victimes de discrimination. De leur côté, les entreprises sont jusqu'ici très peu impliquées dans la lutte contre la discrimination aussi bien raciale que sexuelle. Par conséquent, les cours de formation en diversité sont encore pratiquement inexistants.

Allemagne

L'immigration en Allemagne a été déclenchée dès les années 60 par une forte croissance économique et une pénurie de main-d'œuvre. Les travailleurs d'origine turque en particulier ont formé une source importante de recrutement dans des emplois peu qualifiés. Avec la montée des mouvements d'extrême droite, leur situation est devenue de plus en plus vulnérable et des actes violents ont été commis à leur égard. Malgré ces troubles, l'Allemagne ne s'est pas dotée de loi contre la discrimination raciale et s'appuie simplement sur les dispositions constitutionnelles d'égalité. Toutefois, dans la tradition de partenariat qui imprègne les relations du travail, des initiatives d'envergure ont été prises conjointement par les associations syndicales et patronales, afin de sensibiliser les travailleurs à la discrimination raciale.

Bref, on retrouve un large éventail de situations en Europe, selon les traditions historiques et culturelles et le système de relations industrielles de chaque pays. On peut cependant penser que l'influence des institutions communautaires, la pénurie de main-d'œuvre ainsi que l'ouverture croissante des marchés entraîneront probablement à moyen terme une harmonisation des politiques publiques et des pratiques du monde du travail en matière de lutte contre les discriminations et de diversité.

Marie-Thérèse Chicha est professeure titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal.

Source : Effectif, volume 5, numéro 1, janvier/février/mars 2002


Marie-Thérèse Chicha