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Assurance collective : prêt à encaisser le coût?

Augmentation des cas d’invalidité en entreprise, vieillissement de la population active, médicaments de plus en plus coûteux, la pression sur les régimes d’assurance collective s’intensifie.

Le temps est venu pour toute entreprise de vérifier si elle a pris les décisions et les moyens qui permettront à son régime d’y faire face et de résister à la haute pression…

12 octobre 2012
Daniel Drolet, CRHA | Dominic Farand, CRHA

D’assurance pure à « bénéfices » : l’évolution de l’assurance collective


Les régimes d’assurance collective ont évolué depuis leur création. Désireux d’offrir des avantages de plus en plus généreux pour attirer et fidéliser une main-d’œuvre raréfiée, plusieurs promoteurs ont bonifié le principe même de l’assurance collective, qui est de protéger les moins chanceux d’un groupe contre une catastrophe financière découlant d’un accident ou d’une maladie. Désormais, les régimes d’assurance collective offrent une panoplie de protections s’éloignant de l’assurance : des «bénéfices» plus généreux et imaginatifs les uns que les autres, et surtout, de plus en plus coûteux.

Autrefois viable financièrement, cette situation devient un fardeau financier de plus en plus important pour nombre d’entreprises.

Une accalmie qui masque une réalité plus préoccupante
Le régime de l’entreprise subit peut-être déjà les contrecoups financiers de l’évolution de l’assurance collective. Pourtant, à la lecture de son dernier renouvellement, il n’y paraît pas. Peut-être même l’entreprise a-t-elle bénéficié d’une légère réduction de ses primes. Attention! Situation sûrement temporaire!

Pour mieux comprendre le phénomène, rappelons que les coûts de l’assurance maladie augmentaient annuellement de 15 % à 20 % dans les années 1990 et au début des années 2000. Depuis 2010, selon la base de données des clients de Normandin Beaudry, l’augmentation annuelle moyenne se situe plutôt dans une fourchette de 3 % à 5 %. Une des principales explications est certainement l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments génériques, offerts à moindre coût. Depuis deux ans en effet, la version générique de plusieurs médicaments populaires est apparue sur les tablettes des pharmacies. Par exemple, la version générique du LipitorMC, le médicament le plus populaire au monde il y a à peine deux ans, a été mise en marché au Canada en 2010, à un coût d’environ 60 % inférieur à la version originale. Pour la seule période de 2010 à 2014, la version générique de quarante-six médicaments vedettes aura été produite et mise en marché. Le résultat est incontestable : l’utilisation accrue des médicaments génériques a permis de contrôler la hausse des coûts de nombreux régimes.

Mais l’âge d’or des médicaments génériques tel qu’on le connaît actuellement tire à sa fin. Les nouveaux médicaments mis en marché sont beaucoup plus spécialisés et plus coûteux à produire, donc beaucoup plus coûteux à l’achat. Ainsi, il n’est plus rare de voir un assuré réclamer un médicament coûtant plus de 100 000 $, parfois même 500 000 $ par année. Comme ces médicaments sont aussi des médicaments de maintien, ils seront inévitablement consommés sur une longue période par les assurés.

L’effet sur les régimes sera indéniable. Selon ESI Canada, la proportion des coûts totaux des médicaments provenant des médicaments de spécialité est passée d’environ 5 % en 2000 à 17 % en 2010, et pourrait atteindre 25 % en 2015. On assistera dès lors à une hausse constante, voire brutale des coûts de l’assurance médicaments.

Prendre les grands moyens
Plusieurs entreprises ont su tirer profit de l’accalmie actuelle pour adopter diverses mesures visant à mieux contrôler d’éventuelles hausses de coûts de leur régime. Et les employés sont dans le coup!

Les résultats du plus récent sondage Sanofi Canada sur les soins de santé, mené auprès de 1757 participants principaux à un régime collectif de soins de santé au Canada, révèlent que les employés sont de plus en plus conscients des coûts reliés à leur régime d’assurance collective. Ils sont par conséquent ouverts à diverses mesures qui visent à maintenir leurs protections actuelles :

  • 37 % des répondants affirment être prêts à absorber une hausse de la prime du régime collectif de soins de santé;
  • 62 % sont disposés à magasiner leurs médicaments pour obtenir des prix moins élevés;
  • plus surprenant encore, 6 % se disent prêts à accepter une baisse de salaire pendant trois ans afin de maintenir leurs protections actuelles d’assurance collective.

Certaines actions sont accessibles et peuvent être mises en place rapidement.

  • Implanter des mesures de gestion des coûts, notamment en matière de médicaments. Il s’agit de la base même de la saine gestion financière du régime. Parmi les options possibles, on peut songer à l’ajout d’une clause de substitution favorisant l’achat de médicaments génériques, tout aussi efficaces que les médicaments d’origine, mais offerts à moindre coût. Les employés bénéficieront d’économies directes lors de l’achat et le régime déboursera moins pour régler la réclamation. L’autorisation préalable pour les traitements plus coûteux est aussi une option à considérer afin que les soins prodigués aux assurés soient les mieux adaptés à leur situation. Le régime le prévoit déjà pour des soins dentaires beaucoup moins coûteux. Pourquoi ne pas favoriser la même approche pour les médicaments?
     
  • Concevoir une stratégie de communication misant sur l’éducation. Selon les résultats du sondage Sanofi, seuls 13 % des répondants affirment comprendre «extrêmement bien» leur régime d’assurance collective. Qui plus est, seuls 9 % comprennent de quelle façon sont «financées» les demandes de remboursement des médicaments.

Capsules vidéo, articles de journaux, rubriques de type Saviez-vous que?, jeux interactifs, simulateurs de coûts sont parmi les nombreuses options possibles pour sensibiliser les employés à la hausse des coûts de l’assurance collective et d’en faire des consommateurs avertis. Il ne faut pas hésiter à impliquer le service du marketing ou de la communication et même le courtier, l’actuaire-conseil ou l’assureur dans l’élaboration d’outils pertinents et percutants.

Voici quelques éléments à considérer lors de l’élaboration de la stratégie de communication :

  • rédiger des messages simples et concis et aller droit au but;
  • ne pas avoir peur d’expliquer les choses, ne pas tenir pour acquis «qu’ils le savent» : l’assurance collective est un sujet complexe;
  • privilégier les voies de communication connues des employés, mais ne pas hésiter à sortir des sentiers battus; il faut surprendre les employés, l’impact n’en sera que plus grand;
  • illustrer le propos à l’aide de chiffres, d’anecdotes et de mises en contexte;
  • adapter les messages en fonction du profil et des intérêts des employés;
  • répéter, répéter, répéter : un message diffusé en diverses occasions et au moyen de plusieurs outils sera mieux compris.

Prendre des mesures qui auront un impact durable sur le régime et limiteront l’emprise de l’inflation s’avérera payant. Ainsi, sur un horizon de douze à vingt-quatre mois, les efforts devraient se concentrer autour de quelques actions précises.

  • Appuyer le dossier sur des données concrètes. Afin d’étayer l’argumentaire et d’obtenir l’appui des membres de la haute direction dans la mise en place de solutions, se baser sur une projection démographique devient stratégique. On peut ainsi évaluer l’impact d’une main-d’œuvre vieillissante sur les coûts du régime d’assurance collective. On sera alors en mesure de prendre les décisions qui s’imposent avant que la situation financière du régime devienne précaire ou insoutenable.
     
  • Revoir les principes directeurs à la base du régime. Dans le contexte actuel, on doit se questionner sur les objectifs poursuivis par le régime. Est-ce qu’on désire protéger les assurés en cas d’événements catastrophiques ou subventionner certains soins courants? Offrir des soins de massothérapie et de naturopathie, ou rembourser les services d’un audiologiste ou d’un prothésiste? Quelle proportion de la rémunération globale devrait occuper l’assurance collective? En analysant le régime, en l’alignant sur les valeurs de l’entreprise et en le positionnant dans l’enveloppe de rémunération globale, on sera à même d’identifier les principes directeurs qui guideront les décisions à plus long terme.
     
  • Faire des employés des partenaires de l’évolution du régime. Une fois qu’ils en connaissent plus sur l’assurance collective, il faut impliquer les employés dans l’évolution du régime. Que ce soit par l’entremise d’un court sondage en ligne, de groupes de discussion ou de comités de travail (à privilégier s’il y a un syndicat), il peut être intéressant de valider certaines idées auprès des employés. Cela permettra d’ajuster le tir au besoin et pavera la voie à une gestion en douceur du changement.
     
  • Effectuer un suivi régulier de l’évolution des coûts. Identifier des indicateurs de performance et concevoir un tableau de bord annuel afin de mieux suivre l’évolution des coûts du régime. Ces outils simples aideront à prendre les mesures requises en cas de besoin.
Faire preuve d’audace dès maintenant!
Plusieurs regardent la situation évoluer, l’analysent et y vont de leurs prédictions. Heureusement, quelques audacieux mettent en place des mesures afin de se protéger. Mais ils doivent s’assurer de garder le cap.

Toute entreprise qui n’est pas encore passée à l’action ne doit plus attendre. Peu importe la taille de l’organisation, le contexte est propice pour poser des gestes concrets. Favoriser l’éducation en matière d’assurance collective et privilégier l’achat de médicaments génériques sont les deux mesures les plus simples à implanter.

Les employés sont de plus en plus conscients des difficultés vécues par les régimes d’assurance. C’est l’occasion de redéfinir, avec eux, l’offre en matière d’assurance collective afin d’assurer la pérennité financière du régime.

Dominic Farand, CRHA, conseiller, communication et développement organisationnel, et Daniel Drolet, CRHA, a.s.a., associé, assurance collective, Normandin Beaudry

Source : Effectif, volume 15, numéro 4, septembre/octobre 2012.


Daniel Drolet, CRHA ASA, Associé principal Normandin Beaudry
Daniel Drolet, CRHA, possède une formation en actuariat. Avant de joindre l’équipe d’assurance collective de Normandin Beaudry en 1997, il a occupé un poste de direction dans un département de tarification chez un assureur national. De plus, il a diversifié son champ de compétences dans les secteurs de la mobilisation et de la santé en organisation. Au cours des cinq dernières années, il a accompagné une trentaine d’organisations dans le diagnostic et le processus de mobilisation des employés. Depuis 2003, il est coordonnateur au Québec de l’Étude des employeurs de choix au Canada de Hewitt, partenaire stratégique de Normandin Beaudry.

Dominic Farand, CRHA Chef de service principal, Communications internes BRP inc.