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ANALYSE DU PROFESSEUR - Pour créer une culture axée sur l’engagement

Aeroplan a connu récemment d’importants changements, dont l’intégration, en 2009,  de huit cents agents de centre d’appel syndiqués auparavant employés par Air Canada. 

8 novembre 2011
Dionne Pohler, Ph. D.

Il faut louer l’entreprise pour la façon dont elle a géré la transition du personnel et remplacé l’image d’Air Canada par celle d’Aeroplan; mentionnons entre autres sa stratégie détaillée de communication qui expliquait le plan de croissance et les changements prévus quant à la gestion des ressources humaines. Il semble aussi que la direction se soit toujours efforcée de répondre aux préoccupations des employés et de favoriser leur engagement, comme en témoignent les sondages menés régulièrement auprès du personnel depuis 2006 de même que l’engagement de l’organisation à devenir l’un des meilleurs employeurs au Canada.

Cependant, un changement de culture organisationnelle d’une telle ampleur présente des difficultés, notamment les différents niveaux d’engagement du personnel administratif et des agents de centre d’appel. La stratégie de gestion d’Aeroplan, axée sur une participation active, et ses pratiques de gestion des ressources humaines ne sont pas harmonisées; de plus, il semble y avoir un manque de cohérence entre les valeurs des employés et celles d’Aeroplan. En conséquence, pour que l’entreprise puisse atteindre ses objectifs en ce qui a trait à l’engagement des employés, il faut se préoccuper dès maintenant des deux aspects les plus cruciaux, à savoir l’amélioration des systèmes de gestion de la performance et la réputation de l’entreprise auprès des employés.

Harmoniser ses stratégies…
Aeroplan doit s’assurer que sa stratégie globale et sa stratégie de gestion des ressources humaines concordent parfaitement avec ses pratiques actuelles en matière de personnel, et que celles-ci appuient activement sa mission et ses valeurs. Pour créer une culture fondée sur le travail d’équipe, la collaboration et l’inclusion, il faut abolir les structures hiérarchiques, réelles ou perçues. Les politiques plus strictes de gestion de la performance des agents de centre d’appel créent des divisions entre les groupes d’employés. Pour diminuer les conséquences négatives d’une « surveillance » et encourager le travail d’équipe, on pourrait notamment jumeler des employés nouveaux et plus anciens grâce à un programme de mentorat axé sur l’amélioration de la qualité et de l’efficience du service à la clientèle.

Un programme de mentorat, s’il est bien conçu, contribue à la fidélisation et à la socialisation des employés. Le niveau d’engagement relativement supérieur observé au sein des groupes d’employés plus âgés peut avoir un effet positif sur les nouveaux employés, si les mentors sont judicieusement choisis. En outre, en jumelant des membres du personnel administratif et des agents de centre d’appel pour certaines rotations de postes, on aiderait les employés à comprendre les difficultés et obstacles propres à chaque fonction et à identifier des améliorations possibles des processus. On atténuerait peut-être également le réflexe « nous et eux » qui subsiste après une fusion. Des équipes de travail autonomes, dont les superviseurs deviennent simplement des coordonnateurs, peuvent aussi être plus efficaces pour l’organisation et la surveillance du travail, dans le cadre d’une stratégie axée sur une participation active.

Impliquer le syndicat
La stratégie adoptée par Aeroplan pour la gestion de sa main-d’œuvre consiste notamment à mettre l’accent sur la participation des employés et à prendre leur opinion en considération pour les décisions d’affaires. Cependant, on ne mentionne pas la participation du syndicat, qui représente l’essentiel du personnel. Les syndicats se méfient souvent des stratégies de participation des employés et les voient comme des tentatives d’accroître la charge de travail et de contourner le syndicat en offrant aux employés une tribune dans leur milieu de travail. La meilleure façon de s’assurer qu’Aeroplan tire profit de la participation des employés est d’obtenir l’approbation du syndicat TCA, car son appui est essentiel à la réussite. En demandant l’opinion du syndicat lors de la conception et de la mise en œuvre des initiatives de participation des employés, on créera et on maintiendra une bonne relation de travail avec ce dernier. Le syndicat peut aussi s’avérer une excellente ressource et fournir une information précieuse sur ce qui importe pour les employés. Il peut également être un moyen de communication efficace entre les employés et l’entreprise, en informant la direction des préoccupations avant que celles-ci ne deviennent des problèmes sérieux.

Miser sur la fierté des employés
Il faut reconnaître que le travail des employés de centre d’appel peut être épuisant, répétitif et irritant. Les répondants au sondage ont indiqué qu’ils ne prennent pas réellement plaisir à effectuer leurs tâches. Si ce n’est d’offrir aux employés une plus grande autonomie quant à la façon dont ils répondent aux appels des clients, il y a peu de mesures qui permettraient d’enrichir leurs fonctions et de favoriser ainsi une plus grande motivation intrinsèque. En outre, il y a vraisemblablement peu d’occasions de promotion au sein du centre d’appel lui-même, comme le révèlent les préoccupations exprimées dans le sondage sur les perspectives de carrière chez Aeroplan.

L’entreprise doit donc se concentrer sur des mesures propres à favoriser une motivation intrinsèque en misant sur la fierté des employés. Les initiatives de responsabilité sociale des entreprises sont des outils efficaces pour améliorer la réputation d’un employeur et, de là, sa capacité d’attirer et de conserver d’excellents employés, en particulier ceux de la génération Y qui veulent contribuer à la société par leur travail. Les résultats du sondage montrent que les employés d’Aeroplan accordent une grande importance à la responsabilité sociale de l’entreprise; cela concorde avec la mission d’Aeroplan qui consiste à avoir un impact significatif sur les communautés qu’elle côtoie. Il n’est pas nécessaire que ces initiatives soient coûteuses et elles devraient être intégrées aux pratiques commerciales et de gestion des ressources humaines pour être considérées comme sincères.

Par exemple, Aeroplan pourrait offrir à des groupes d’employés plusieurs heures rémunérées par mois pour accomplir du travail bénévole. Plus précisément, en regroupant du personnel administratif et des agents de centre d’appel, on favoriserait le travail d’équipe et on éliminerait les distinctions artificielles entre les groupes. En incitant les employés à travailler avec leurs collègues à l’extérieur du lieu de travail, on encourage l’innovation et le partage des connaissances.

L’entreprise pourrait peut-être aussi faire réaliser un audit de l’effet sur l’environnement de ses produits et services, et de ses partenaires à l’échelle mondiale. En étant perçue comme une entreprise respectueuse de l’environnement, Aeroplan influencera peut-être la tendance des employés à recommander ses produits et services à leurs amis et aux membres de leur famille. En intégrant les mesures et buts environnementaux aux incitatifs axés sur le groupe, Aeroplan offrirait aux employés des occasions intéressantes de rendre le milieu de travail plus écologique. L’entreprise pourrait demander directement aux employés quels types d’initiatives en matière de responsabilité sociale ils jugent importants et comment elle pourrait les intégrer aux processus de travail actuels, ce qui concorderait également avec les valeurs actuelles de l’organisation et sa stratégie axée sur une participation active. En mettant l’accent sur la fierté des employés et l’identification à des valeurs, on encourage la motivation intrinsèque et on accroît le plaisir de travailler.

Récompenser les employés
Les employés ont indiqué qu’ils n’ont pas l’impression de recevoir de forme de reconnaissance, autre que leur rémunération, pour leur apport et leurs réalisations. La responsabilité sociale des entreprises est liée aux initiatives environnementales et sociales au sein de la collectivité, mais elle consiste aussi à investir durablement dans son personnel. Puisque Aeroplan est une entreprise de fidélisation, récompenser ses employés loyaux serait en accord avec sa mission. Par exemple, ceux qui atteignent certaines étapes d’ancienneté ou qui offrent un service à la clientèle hors pair pourraient recevoir des milles Aeroplan gratuits. Il serait judicieux de récompenser les groupes plutôt que les personnes, ce qui favoriserait davantage une culture axée sur la collaboration.

En conclusion…
Aeroplan devrait s’assurer qu’elle communique les résultats du sondage sur l’engagement à tous les employés, faire preuve de transparence au sujet de ses plans quant à la façon de traiter les préoccupations soulevées et présenter un plan d’action avec un échéancier réaliste en continuant à rendre des comptes. Ces recommandations peuvent nécessiter une nouvelle déclaration d’engagement de la part de la direction à l’égard d’une participation active ainsi qu’un réexamen des politiques et pratiques de gestion des ressources humaines en vue d’assurer leur harmonisation avec la stratégie. Si les employés ont, en dernier ressort, l’impression que ce que l’entreprise dit concorde avec ce qu’elle fait et que ses valeurs correspondent aux leurs, Aeroplan se rapprochera de son but, à savoir devenir l’un des meilleurs employeurs au Canada. À tout le moins, il en résultera un personnel plus motivé et engagé.

Dionne Pohler, Ph. D., département des ressources humaines et du comportement organisationnel, École de commerce Edwards, Université de Saskatchewan

Traduit par Danièle Veillette, traductrice agréée

Source : Effectif, volume 14, numéro 4, septembre/octobre 2011.

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Dionne Pohler, Ph. D.