Vous lisez : Rémunérer le talent pour le fidéliser - Quand l’équité interne est menacée...

Solange Beausoleil*, CRHA est partenaire d’affaires dans une PME. La direction lui demande d’informer Antoine, un nouveau gestionnaire au potentiel prometteur, qu’il recevra une importante augmentation lors de sa première évaluation de performance. La direction veut ainsi s’assurer de le conserver dans l’équipe, considérant qu’il est convoité par les concurrents. Généralement, selon les règles de l’organisation et les bonnes pratiques en rémunération, une augmentation si substantielle ne serait possible qu’après plusieurs années de service. Une telle offre pourra être néfaste pour l’équité interne dans l’éventualité où une telle information serait connue des autres employés. Que doit faire Solange?
*Nom fictif
 

L’ÉCLAIRAGE DÉONTOLOGIQUE - La recherche d’un nécessaire équilibre

Par Me Fanie Dubuc, CRIA, coordonnatrice, affaires juridiques et réglementaires, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

En premier lieu, Solange doit se donner comme objectif de préserver l’équilibre entre le respect de ses obligations déontologiques et son rôle de partenaire d’affaires auprès de la direction de son entreprise.

Le cadre d’exercice de Solange est clairement balisé par son Code de déontologie : lorsqu’elle exerce sa profession, elle doit tenir compte des bonnes pratiques de son champ d’exercice. Dans la situation actuelle, cela signifie qu’elle doit rappeler à la direction les règles internes dont s’est dotée l’entreprise et mettre en application les meilleures pratiques de gestion de la rémunération, ce qui inclut bien sûr l’établissement et le maintien de l’équité interne.

Pour ce faire, Solange doit exercer pleinement son rôle-conseil auprès des dirigeants. D’abord, elle doit exposer de manière complète et objective les conséquences possibles pour l’organisation du fait d’offrir à Antoine une rémunération qui fait fi des bonnes pratiques dans le domaine et, surtout, qui peut menacer l’équité salariale dans l’entreprise. Elle peut également faire valoir les avenues alternatives qui permettront à l’organisation de conserver ce gestionnaire prometteur tout en maintenant l’équité interne en matière de rémunération. Cela lui permettra de bien protéger les intérêts de l’organisation qui, dans la situation présente, est sa cliente.

En tant que CRHA, Solange est tenue de préserver son indépendance professionnelle. Cela signifie entre autres qu’elle doit éviter de faire des gestes ou de prendre des décisions qui vont à l’encontre de sa conscience professionnelle. Solange doit demeurer parfaitement consciente de l’atteinte à l’équité interne ainsi que de l’accroc aux bonnes pratiques que représente la rémunération exceptionnelle envisagée par la direction, pour Antoine, à la suite de son évaluation du rendement. Préserver son indépendance professionnelle, cela signifie aussi pour Solange de ne pas permettre à un tiers au dossier de lui dicter sa conduite et ses décisions. Concrètement, elle doit être à l’écoute des demandes de la direction, mais lui expliquer qu’à titre de CRHA, elle peut lui offrir une expertise unique qui nécessite une marge de manœuvre décisionnelle. Riche de cette réflexion, elle se doit de sauvegarder sa liberté d’action dans le dossier et d’offrir un angle d’analyse indépendant à sa cliente. C’est ainsi, et seulement ainsi, qu’elle pourra exercer son rôle de partenaire d’affaires avec le professionnalisme attendu d’une CRHA.

À retenir
  • Le membre doit exercer sa profession en tenant compte des bonnes pratiques (article 3 du Code de déontologie).
  • Le membre doit exercer son rôle-conseil.
  • Le membre doit exposer à son client de manière complète et objective la nature et la portée d’un problème et les conséquences d’une décision
    (article 39 du Code).
  • Le membre doit agir pour protéger les intérêts de son client (article 14 du Code).
  • Le membre doit préserver son indépendance professionnelle en évitant d’accomplir une tâche contraire à sa conscience professionnelle ou aux principes régissant l'exercice de sa profession (article 19 du Code).

Pour aller plus loin… Des lectures en lien avec cette chronique, les extraits pertinents du Code de déontologie et divers compléments d’information se trouvent dans le portail de l’Ordre [www.portailrh.org/dpo].
 

L’ÉCLAIRAGE DU PROFESSIONNEL - Agir en véritable partenaire d’affaires
Par Élise Boulerice-Guay, CRIA, chef de service ressources humaines, Fenplast

Comment assurer l’équité interne à long terme, répondre au besoin de rétention des talents et satisfaire les exigences de sa profession?

Dans un marché de travail en forte évolution, les exigences et les attentes deviennent telles que certains professionnels en gestion des ressources humaines doivent relever le défi de conserver l’équilibre entre les bonnes pratiques et les demandes provenant de la direction.

En exerçant son rôle-conseil et en proposant des pistes de solution viables, Solange amènera ses clients à analyser la situation sous un autre angle. Elle devra offrir plus de profondeur et permettre de considérer les éléments qui, autrement, seraient passés inaperçus.

Pistes de réflexion pour Solange
  1. Solange doit éviter d’agir de façon mécanique à la suite de la demande de la direction. Satisfaire à tout prix le besoin du gestionnaire pourrait ne pas être une solution durable et créer d'autres problèmes. 
     
  2. Solange pourrait identifier les risques inhérents à la solution proposée, en discuter avec la direction et tenter de la persuader de déployer une approche plus globale assurant la conservation d’Antoine tout en mobilisant l'ensemble du personnel, et ce, sans nuire au climat de travail et à la crédibilité des processus de gestion de la performance et d'équité salariale. 
     
  3. Solange pourrait se concentrer sur l'ensemble des bonnes pratiques à la disposition de l'organisation pour s’assurer de la rétention d’Antoine. Quels sont ces leviers?
    • S’assurer que le salaire d'entrée d’Antoine était conforme au marché et bien positionné par rapport aux échelles salariales.
    • Ajuster le salaire d’Antoine en milieu d’année de manière à le responsabiliser envers les objectifs de l'entreprise.
    • Fournir un mentor à Antoine pour soutenir son développement et l'aider à établir une relation de confiance avec la direction.
    • Mettre en place un processus de coaching pour qu’Antoine s’approprie des objectifs de performance et de développement significatifs qui lui permettront d'asseoir rapidement sa crédibilité dans l'organisation.
    • Fournir à Antoine un budget pour son développement.
    • S’assurer qu’Antoine comprend les possibilités de croissance salariale en fonction de sa performance à court terme.
    • Revoir les politiques de rémunération et développer un projet pilote en vue d’établir une rémunération variable plutôt que d’avoir recours aux augmentations salariales pour reconnaître la contribution, projet auquel participera un petit groupe d'employés performants, dont Antoine.

Solange aura non seulement développé les compétences de ses clients, mais aussi suscité par son intervention une saine réflexion au sein de son entreprise. Elle sera restée indépendante et aura agi selon sa conscience professionnelle.

Source : Effectif, volume 16, numéro 5, novembre/décembre 2013.

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