Vous lisez : Assurance collective : sommes-nous prisonniers de l’augmentation des coûts?

Conscients de la compétitivité croissante du marché de l’emploi et de l’importance de la rémunération globale à cet égard, mais soumis à des contraintes financières importantes, les gestionnaires des ressources humaines s’ingénient depuis longtemps à gérer les coûts de leurs avantages sociaux, tout en protégeant leur valeur pour les assurés.

Plusieurs ont l’impression d’avoir fait le tour du terrain à cet égard. Pourtant, de nouvelles avenues sont ouvertes. Voici quelques moyens qui permettent d’optimiser les coûts d’un régime d’assurance collective, en travaillant sur sa principale source de coûts, soit les médicaments, tout en maintenant le même niveau de protection pour la santé des assurés.

Le coût des médicaments vient, en partie, de la molécule ou des ingrédients actifs qui les composent, qui sont en fait les seuls éléments incontournables du traitement. Mais d’autres facteurs sont aussi inclus dans le coût d’un médicament, même s’ils ne font pas partie du traitement. Ces autres facteurs sont liés aux coûts d’administration, de distribution ou de stratégie de marque, par exemple. Il est aujourd’hui également possible d’optimiser la partie des coûts des médicaments qui n’affecte pas l’efficacité du traitement de la personne assurée.

Optimisation du coût des médicaments
En résumé, on pourrait dire que cette stratégie vise à intégrer au régime, et dans les processus de réclamation de médicaments, des aménagements autres que la simple communication aux employés, qui vont permettre de diminuer les coûts en maintenant le même niveau de protection de la santé des assurés.

De multiples efforts peuvent être déployés en information et communication auprès des employés pour les sensibiliser aux façons de minimiser le coût de leur régime. Toutefois, dans bien des cas, seule une minorité des assurés changent leurs habitudes et font des efforts en ce sens.

Pour concrétiser un peu plus le grand potentiel de ces moyens destinés à abaisser les coûts, diverses dispositions peuvent être mises en place dans la conception du régime pour encourager les assurés à modifier leurs comportements et à devenir de meilleurs consommateurs de soins médicaux.

Utilisation de l’informatique – les cartes
La première étape consiste à s’assurer que les processus et le système de réclamation font appel le plus possible à l’informatique. À cet égard, les cartes de paiement électronique jouent un rôle important.

La majorité des promoteurs de régimes d’assurance collective opte actuellement pour une carte de paiement direct ou différé. Ce mode de remboursement est fort populaire et pratique. Il est bon, cependant, de rappeler que les données d’expérience montrent souvent une amélioration de l’expérience à la suite d’un changement d’une carte de paiement direct à une carte de paiement différé. On estime généralement que la différence de coût entre ces deux types de cartes peut être de 2 % à 5 %. Cela est principalement dû à l’élimination de l’effet de gratuité qui favorise une plus grande consommation.

Médicaments génériques
La fin des brevets de médicaments parmi les plus vendus au Canada ainsi que la place qu’a occupée dans les médias la question du coût des médicaments génériques ont conscientisé tant les participants que les promoteurs au potentiel d’économie de cette catégorie de médicaments.

Les pharmaceutiques qui investissent massivement en recherche et développement pour améliorer les médicaments existants ou trouver de nouveaux traitements y sont encouragées par les brevets que les gouvernements leur octroient pour protéger leurs découvertes et leur permettre de récupérer leur investissement et d’en tirer profit. Une fois le brevet expiré, d’autres entreprises peuvent copier ces molécules et les vendre à des coûts inférieurs.

Il est important de rappeler que tous les médicaments génériques doivent être approuvés par Santé Canada, avant de pouvoir être mis en vente. Ce processus comprend un examen de la bioéquivalence du produit générique par rapport au médicament breveté.

En général, au Québec, on considère que les médicaments génériques coûtent une fraction du prix des médicaments d’origine. Or, le nombre de brevets qui ont récemment pris fin ou qui prendront fin au cours des années à venir représente un pourcentage significatif des médicaments consommés actuellement. Les entreprises qui décident de privilégier la consommation de médicaments génériques peuvent donc réaliser des économies importantes et plusieurs d’entre elles considèrent que le moment est bon pour implanter des mécanismes visant à favoriser activement le choix optimal de médicaments.

Modulation du remboursement
La simple communication incitant les employés à discuter avec leur médecin et leur pharmacien des médicaments génériques substituts peut donner des résultats mitigés. Par contre, les promoteurs peuvent ajouter, à ces communications, une modulation du pourcentage de remboursement, selon qu’un médicament générique existe ou non. Cette modulation, qui peut se faire à différents degrés, du plus généreux au plus économique, introduit donc un incitatif financier qui amène les adhérents à privilégier les médicaments génériques, tout en leur assurant la même efficacité du traitement et donc le même niveau de protection de la santé.

Pour les promoteurs du Québec, la Loi sur l’assurance médicaments ne permet pas de rembourser moins de 68 % d’un médicament sur la liste de la RAMQ. Mais cette Loi laisse suffisamment de latitude pour mettre en place de telles modulations.

Les assurés peuvent être très ouverts à de tels incitatifs, surtout si, en plus de réduire le coût de leurs réclamations, ils ont un impact bénéfique sur leurs primes. Ils s’approprieront ces dispositions dans la mesure où la valeur des médicaments génériques et les mécanismes d’optimisation des coûts de médicament leur seront bien expliqués et que cette gestion aura un impact réel sur les coûts auxquels ils participent, directement par leur cotisation au régime ou indirectement par l’impact sur leur rémunération globale.

Efficacité additionnelle pondérée et équivalents thérapeutiques
La conception de certains régimes d’assurance collective accorde une grande latitude dans le remboursement de médicaments, sans vérifier leur utilité, leur efficacité ni leurs coûts.

Le processus d’optimisation devrait remettre en question la pertinence de certains médicaments ou traitements, en comparant leur efficacité avec celle de leur équivalent thérapeutique, c’est-à-dire un traitement qui procure le même résultat, mais par une molécule différente. Cette comparaison devrait s’attarder surtout sur l’efficacité additionnelle du traitement par rapport à son équivalent thérapeutique, pondérée par ses coûts additionnels.

Par exemple, un traitement qui promet de soulager une sinusite «instantanément» peut-il justifier son coût très élevé, si on le compare à celui qui agit en vingt minutes et qui ne coûte qu’une fraction du prix? Dans un contexte où les ressources financières de tous les participants et du promoteur ne sont pas illimitées, il est pertinent de se poser la question.

Ainsi, un promoteur pourrait, avec l’aide de fournisseurs, utiliser une liste de médicaments comprenant des équivalents thérapeutiques établis et permettant d’ajuster le remboursement selon l’efficacité réelle du médicament par rapport à son coût. Bien entendu, tout comme pour les médicaments génériques, le tout doit être fait dans le cadre de la Loi sur l’assurance médicaments pour les adhérents du Québec.

Choix de la pharmacie
Un autre aspect de la gestion des sources de coûts médicaments concerne les frais du pharmacien. Ces derniers incluent dans le prix des médicaments des honoraires d’ordonnance et des marges bénéficiaires rémunérant leurs services professionnels. Or, fait mal connu, ces frais chargés par les pharmaciens à des adhérents de régimes d’assurance privés peuvent varier de façon importante. Certaines études montrent que ces frais peuvent varier de 15 % d’une pharmacie à une autre.

Il est maintenant possible d’introduire dans le système de remboursement des médicaments un algorithme qui encouragera les assurés à « magasiner » leur pharmacie et à s’approvisionner chez le meilleur pharmacien. Il faut mentionner que la RAMQ prévoit déjà une telle formule pour le remboursement des frais d’administration au pharmacien. Mais cette formule n’est applicable que pour la délivrance d’une prescription d’un adhérent au régime d’assurance médicaments public.

Il est possible d’introduire cette mesure graduellement, en commençant d’abord par informer l’adhérent des frais administratifs chargés par le pharmacien, directement sur son reçu d’assurance. Par la suite, le régime pourra prévoir une gradation du remboursement en fonction d’une formule spécifique, comme celle de la RAMQ, par exemple.

Modes de distribution alternatifs
Avec le développement du commerce en ligne, de nouveaux modes de distribution de médicaments ont vu le jour et continuent à se développer. Ainsi, des pharmacies distribuent dorénavant leurs médicaments par la poste, pour des achats en ligne. Elles peuvent ainsi servir un grand bassin d’assurés à partir d’un même point. Ceci permet d’appliquer des rabais pour volumes importants à un groupe d’assurés qui s’y approvisionnerait de cette façon plutôt que d’aller chacun à la pharmacie de son quartier.

Importance de la communication
Les assurés, mieux informés et conscientisés qu’autrefois, sont portés à être ouverts à des solutions d’optimisation des coûts qui ont du sens et qui leur sont profitables. Mais ils ne sanctionneront pas n’importe quel processus. Ils doivent comprendre leurs principaux éléments, les raisons qui les sous-tendent et les avantages qu’ils en retireront. Mais surtout, ils doivent comprendre pourquoi et comment ils pourront agir en ce sens. Ceci demande, dans certaines entreprises, un changement de culture à l’égard de la consommation de soins médicaux.

À cette fin, un processus de communication devrait accompagner l’élaboration et l’implantation de telles solutions. Ce processus de communication devrait prévoir rechercher, entre autres, les objectifs suivants :

  • expliquer, sous l’angle de la rémunération globale, comment cette gestion active et participative peut générer des bénéfices tant pour les participants que pour le promoteur;
  • responsabiliser les consommateurs quant aux coûts de leur choix de traitements;
  • encourager la sélection des fournisseurs de médicaments et de traitements les moins dispendieux, pour le même niveau de protection de la santé;
  • favoriser des modes alternatifs d’achat de médicaments qui peuvent entraîner des économies significatives;
  • remettre en question certains nouveaux traitements dont l’efficacité accrue n’est pas significative par rapport à leur coût additionnel.

Ainsi, devant les nombreux défis relevés par les gestionnaires des ressources humaines, les moyens qui peuvent être mis en place pour gérer les coûts des médicaments, tout en maintenant le même niveau d’efficacité des traitements et, donc, de protection de la santé, sont maintenant accessibles et plus que jamais pertinents.

François Desrochers, vice-président, et Jean-François Massé, conseiller principal, Optimum Actuaires & Conseillers inc.

Source : Effectif, volume 14, numéro 5, novembre/décembre 2011.

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