Vous lisez : Gestion des coûts des avantages sociaux : stratégies concrètes et efficaces

Depuis l’automne 2008, les gestionnaires des ressources humaines sont plus que jamais aux prises avec la problématique de gestion des coûts de main-d’œuvre. Gérer et optimiser les coûts des avantages sociaux permet de régler une bonne partie de ce défi.

Il faudra s’accommoder de l’augmentation des coûts des régimes d’assurance collective et de retraite. En effet, avec le vieillissement de la main-d’œuvre et la compétitivité accrue du marché de l’emploi, l’importance de ces avantages sociaux risque de s’amplifier.

Toute stratégie qui vise à minimiser les coûts des avantages sociaux, tout en préservant leur valeur, permet d’épargner d'importantes sommes qui peuvent être mieux investies ailleurs. L’optimisation de tous les coûts est donc la clé.
Il existe plusieurs stratégies efficaces qui permettent des gains substantiels et récurrents, mais elles sont trop peu discutées, pour deux raisons principales :

  • elles sont plus complexes et demandent plus d’expertise;
  • elles demandent beaucoup plus de travail de la part du conseiller (courtier ou consultant).

Nous présentons ici quelques-unes de ces stratégies, auxquelles nous avons donné un titre pour faciliter leur identification.


ASSURANCE COLLECTIVE
Les coûts d’assurance collective ont doublé dans les dernières années. Pour les optimiser, plusieurs stratégies peuvent être déployées…

1. Optimisation de la structure financière
Principes généraux
Pour simplifier, on pourrait dire que la structure financière d’un régime est l’ensemble des dispositions qui établissent le partage des risques entre l’assureur et le preneur, et la rémunération qui leur est accolée. Entre un régime pleinement assuré, où tous les risques sont pris par l’assureur, qui est rémunéré en conséquence, et un régime autoassuré, où tous les risques sont pris par l’employeur, qui retire les gains pécuniaires qui en découlent, il existe de nombreuses possibilités de structures financières. Cette optimisation vise à mettre en place celle qui assurera les coûts les plus bas à long terme, pour un niveau de risque déterminé.

Risque et prévisibilité
Plus les réclamations liées à une garantie sont difficiles à prévoir, plus l’assureur doit inclure dans ses taux des marges de risque qu’il garde si elles ne sont pas utilisées. Or, plus la fréquence des réclamations augmente (avec la taille du groupe), plus elles deviennent prévisibles.

Récupération des surplus à long terme
Pour les garanties qui deviennent prévisibles avec une faible marge d’erreur, en fonction de la taille du groupe, le preneur a tout intérêt à assumer ses propres fluctuations. Les marges inutilisées des bonnes années, normalement encaissées par l’assureur, réduites des déficits des mauvaises années, sont alors récupérées par l’entremise d’une entente financière négociée avec l’assureur.

Pour obtenir les meilleurs rendements financiers, pour un niveau de risque calculé et acceptable, il faut évaluer et négocier tous les paramètres optimaux :

  • garanties affectées;
  • niveaux de mutualisation (plafonnement et écrêtement);
  • fonds de stabilisation et rendements affectés;
  • modalités de ristournes;
  • modalités en cas de terminaison du contrat…

Étant donné l’importance des gains potentiels et des risques qu’il faut contenir, cette stratégie doit être confiée à des professionnels expérimentés qui sont en mesure d’évaluer mathématiquement et de négocier les bons paramètres.

2. Optimisation fiscale des coûts totaux
Les coûts totaux d’un régime incluent obligatoirement :
  • les primes d’assurance;
  • les charges sociales à payer sur les avantages imposables résultant des cotisations de l’employeur;
  • l’impôt à payer sur ces mêmes avantages imposables.

Optimisation complète
L’optimisation fiscale complète vise à établir les règles de partage des coûts et d’attribution des contributions de l’employeur qui généreront les coûts totaux les plus bas pour les deux parties, pour un même niveau de prestations nettes.

Effets inverses
En règle générale, plus on tente de minimiser les primes, plus on génère des avantages imposables, et donc des impôts et des charges sociales, et vice-versa. Seul un calcul complet de tous les impacts fiscaux, pour chaque formule possible de partage des coûts et pour chaque ordre d’attribution des cotisations de l’employeur, permet d’identifier, de manière empirique, le scénario qui générera les coûts totaux les plus faibles.

Modélisation mathématique
Des centaines de scénarios devant être calculés, une modélisation mathématique exhaustive et performante permettra non seulement d’identifier les scénarios optimaux, mais aussi de calculer les gains totaux réalisés par l’employeur et les employés.

3. Optimisation du « design » (conception)
Principes
La conception d’un régime a une influence importante sur le comportement humain et les choix des assurés, et donc sur les coûts du régime. En effet, l’ensemble des paramètres du régime fait varier, de façon importante, les éléments suivants qui ont un impact déterminant sur les coûts :
  • niveaux des protections appelées « aides budgétaires » (petits montants prévisibles) par rapport aux protections réelles d’assurance, destinées à indemniser des dommages financiers importants;
  • degré de certitude d’utilisation de certaines garanties;
  • perception des employés à l’égard de la valeur du régime.

Objectifs

  • Éliminer immédiatement tous les coûts non pertinents.
  • Avoir une liste priorisée des meilleurs aménagements potentiels, permettant d’optimiser la valeur et les coûts jusqu’au niveau souhaité, en fonction des besoins.

Analyse et recommandations
Une analyse détaillée des sources de coûts (réclamations) et de tous les paramètres du régime, pour chacune des garanties, mène à une série de recommandations d’aménagements stratégiques. Ces recommandations, classées par ordre d’importance, sont basées sur :

  • des principes fondamentaux;
  • une assise mathématique solide.

Ces recommandations visent également à favoriser :

  • une utilisation responsable (consumérisme);
  • des efforts volontaires d’économie et de meilleurs choix d’utilisation;
  • une prévention efficace des abus et fraudes potentiels.
4. Optimisation administrative
Cette optimisation est une espèce de fourre-tout où tous les processus administratifs sont analysés et réaménagés, si besoin est, de façon à atteindre les objectifs suivants :
  • protéger l’expérience;
  • respecter tous les règlements et les lois;
  • rendre l’administration simple et efficace.
5. Autres stratégies – aperçu
D’autres stratégies peuvent aussi se révéler très efficaces, comme :
  • l’utilisation judicieuse de la flexibilité qui vise à la fois à contrôler les coûts et à améliorer la satisfaction des employés en leur donnant des choix;
  • la communication qui vise à impliquer les employés dans la solution, par une compréhension des sources de coûts et des moyens de les gérer;
  • le regroupement qui vise à augmenter la masse critique pour :
    • améliorer le pouvoir d’achat ou de négociation;
    • répartir les coûts fixes;
    • avoir accès à des travaux habituellement réservés aux plus grandes entreprises.
6. Alignement des honoraires du conseiller
Principe
La rémunération a tendance à favoriser les actions qui procurent les meilleurs gains financiers. Donc, logiquement, un mode de rémunération qui procure des gains en fonction des hausses de primes se trouve en quelque sorte à « récompenser » ces hausses. De plus, une rémunération qui est garantie, peu importe les travaux effectués, ouvre la porte à la loi du moindre effort.

Alignement sur les objectifs
Pour aligner la rémunération du conseiller sur les objectifs poursuivis, soit l’optimisation de la valeur et des coûts, il est impératif de la détacher des primes et de la fixer en honoraires forfaitaires, ou tarif horaire, qui ont le mérite d’empêcher tout conflit d’intérêts. Ensuite, il faut la lier aux travaux à effectuer, par une entente de service qui décrit tous les travaux à effectuer et les honoraires. Enfin, une clause d’obligation de divulgation complète de toutes formes de rémunération est indispensable, pour s’assurer que les primes demandées sont bien celles qui sont fixées par l’assureur et qu’aucune autre forme de rémunération ne peut engendrer de conflit d’intérêts.

7. Renouvellements transparents et optimisés
Principe
Le renouvellement est un travail mathématique basé sur des hypothèses et méthodes actuarielles, mettant en jeu de nombreux paramètres établis selon certaines normes de l’industrie.

Renouvellements optimisés
Pour réussir à négocier les meilleurs taux pour chacune des garanties, il ne suffit pas d’avoir une bonne relation avec l’assureur ou de faire pression sur lui; l’actuaire de l’assureur est plutôt imperméable à ces émotions. Pour être efficace, le conseiller doit plutôt être en mesure :

  • d’analyser la méthodologie de tarification de l’assureur;
  • d’analyser toutes les composantes des taux demandés;
  • de vérifier, de remettre en question et de négocier, en fonction des normes du marché et des tables de l’Institut canadien des actuaires (ICA) :
    • toutes les hypothèses et méthodes actuarielles;
    • tous les niveaux de réserves;
    • toutes les tables actuarielles utilisées;
    • tous les paramètres financiers.

Ces travaux « mathématiques » doivent faire l’objet d’un rapport transparent, simple et convivial, présentant tous les renseignements et calculs justifiant la tarification et où tout peut être vérifié à volonté.

8. Appels d’offres avec projection de coûts
Le « magasinage » d’assureur n’est pas un moyen efficace d’obtenir de bons taux à long terme. Et comme un changement d’assureur comporte des coûts directs et indirects, il est optimal de les limiter en fonction des besoins réels. Mais si c’est nécessaire, il faut éviter les illusions de baisses à court terme.

Travaux
Pour comparer les différents assureurs, il ne suffit pas d’analyser les coûts de la première année : l’assureur qui plonge le plus peut aussi être celui qui se reprend le plus dans les années subséquentes. Pour un choix éclairé, on doit demander la méthodologie de renouvellement de chaque assureur, y appliquer une même hypothèse de réclamation, faire une projection des coûts sur cinq ans, évaluer les propositions globales ramenées en valeur actualisée et tenir compte des coûts inhérents au changement d’assureur.


RÉGIMES DE RETRAITE
Les régimes de retraite ont tous vu leur caisse vaciller dans les derniers mois, causant ou amplifiant deux types de problèmes :
  • des déficits actuariels qu’il faut renflouer;
  • des retards importants dans l’accumulation de capital pour la retraite.

Certaines stratégies, qui visent à optimiser les actifs de la caisse de retraite, s’appliquent à tout type de régime.

1. Regroupement dans une fiducie globale
Frais de gestion
Les frais de gestion des actifs d’un régime sont généralement établis en fonction de la taille de la caisse de retraite. Les régimes dont les actifs n’atteignent pas certains niveaux ont des frais de gestion relativement élevés. Puisque ces frais sont généralement « cachés », c'est-à-dire prélevés à même les rendements de la caisse, il est difficile d’évaluer avec précision leur impact à long terme sur les actifs et les revenus de retraite des participants. En regroupant les actifs dans une fiducie globale, on peut atteindre des volumes d’actifs nettement supérieurs et des frais de gestion d’autant plus bas. Cette stratégie permet de capitaliser des montants de retraite supplémentaires très importants pour tous les participants.

Accès aux meilleurs gestionnaires
Le regroupement de plusieurs régimes permet aussi d’avoir accès aux services habituellement réservés aux plus grandes entreprises, comme les plateformes multigestion comprenant les meilleurs gestionnaires institutionnels, des services administratifs de pointe ou des outils d’aide à la décision plus complets.

2. Optimisation administrative
Cette stratégie vise à simplifier au maximum tous les processus administratifs (mises à jour, nouvelles adhésions, relevés, etc.) et à les intégrer aux systèmes de paye de l’entreprise pour minimiser les coûts indirects.


RÉGIMES DE RETRAITE À PRESTATIONS DÉTERMINÉES
Certaines stratégies visent à minimiser les déficits actuariels des régimes à prestations déterminées.

1. Révision du design
Les coûts de main-d’œuvre étant gérés de façon très serrée, les charges financières, parfois lourdes, englouties dans le régime pour renflouer les déficits, réduisent d’autant la rémunération pouvant être octroyée aux employés dans l’année en cours.

Il peut donc être stratégiquement avantageux pour les employés d’accepter des aménagements équitables de certaines modalités du régime, pour réduire les déficits actuariels répétitifs et favoriser leur rémunération actuelle qui, elle, n’est pas « actuarielle », mais bien réelle.

2. Optimisation des actifs
Évidemment, la gestion des actifs est un élément clef pour limiter les déficits actuariels. Mais encore trop de membres de comités de retraite adoptent une attitude faisant penser que, parce que les cotisations sont garanties, il est moins important de surveiller les rendements de près. Étant donné la non-élasticité de l’enveloppe de rémunération globale, tous doivent réaliser que chaque dollar affecté au déficit est un dollar de moins en rémunération directe.  


RÉGIMES DE RETRAITE D'ACCUMULATION DE CAPITAL
Il est important de choisir le bon régime d’accumulation de capital, pour des raisons de fiscalité.

Optimisation fiscale
Cette optimisation vise à minimiser les montants sujets à des charges sociales qui résultent des cotisations d’employeurs. Il existe peu de choix à faire et ceux-ci sont très simples, mais trop d’entreprises ont encore un régime qui engendre des coûts fiscaux non pertinents.


CONCLUSION
Les régimes d’assurance collective et de retraite sont parmi les éléments de la rémunération globale dont les coûts ont le plus augmenté au cours des dernières années. Pourtant, leur importance devrait s’intensifier, étant donné l’intérêt croissant que les employés y portent en vieillissant. Il se pourrait même que, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, ils deviennent des éléments cruciaux, voire stratégiques de la rémunération. Il faut donc tout faire pour en optimiser la valeur et les coûts.

François Desrochers, vice-président, Optimum Actuaires & Conseillers inc.

Source : Effectif, volume 12, numéro 5, novembre/décembre 2009.

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