La Loi sur l’équité salariale a été adoptée en 1996 afin de « corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine ». (Art. 1)
Les modalités d’application varient selon la taille de l’entreprise
Au cours des dernières années, quelques cas se sont rendus devant la Commission de l’équité salariale (CES), et éventuellement devant la Commission des relations du travail (CRT) et les tribunaux judiciaires en révision de ces décisions. Plusieurs de ces affaires ne sont pas encore réglées, des requêtes en révision judiciaire ou des permissions d’appel ayant été accordées. C’est donc dire qu’il s’agit d’un sujet à surveiller de près.
Les compétences de la Commission de l’équité salariale et de la Commission des relations du travail
« À la suite d'une plainte ou d'un différend, la Commission fait enquête en vue de favoriser un règlement entre les parties. » (Art. 102)
« Lorsqu'une partie est insatisfaite des mesures que détermine la Commission, elle peut saisir la Commission des relations du travail instituée par le Code du travail (chapitre C-27) dans un délai de 90 jours de la décision de la Commission. » (Art. 104)
L’interprétation de cette Loi a donné lieu à des situations où les employeurs, salariés ou association accréditée n’ont pu régler leur différend et se sont rendus devant les tribunaux pour trancher la question. En voici un aperçu.
L’intention du législateur
La décision de la CRT relative à l'annulation du programme distinct établi chez deux employeurs en vertu de l'article 11 de la Loi sur l'équité salariale est infirmée, compte tenu notamment de l'intention manifeste du législateur de respecter la structure syndicale.
La CES a constaté l'existence chez les deux employeurs requérants, la Société des alcools du Québec et Beaulieu Canada, d'un programme distinct adopté en vertu de l'article 11 de la Loi sur l'équité salariale, à la demande d'une association accréditée, pour des salariés parmi lesquels on ne compte pas de catégories d'emplois à prédominance féminine. En raison de l'absence de ces catégories d'emplois, la CES a ordonné l'annulation des programmes distincts et l'intégration des employés visés par ces programmes au programme d'équité salariale général de chacune des entreprises, afin que le processus d'équité salariale soit repris intégralement. La CES a conclu que la comparaison des catégories d'emplois à prédominance féminine avec celles à prédominance masculine constitue une composante essentielle de tout programme d'équité salariale en vertu de la Loi sur l'équité salariale. En conséquence, selon elle, l'article 11 de la Loi ne permet pas la mise sur pied d'un programme distinct lorsque le groupe visé ne comporte pas de catégories d'emplois à prédominance féminine. La CRT a maintenu la décision de la CES. Les deux employeurs demandent la révision judiciaire de cette décision. Ils soutiennent que l'existence de catégories d'emplois à prédominance féminine ne constitue pas un critère prévu à l'article 11 de la Loi. De plus, ils prétendent que la CES n'a pas le pouvoir de rendre une ordonnance de réparation rétroactive.
Décision : La première question consiste à déterminer si une association accréditée peut obtenir un programme distinct conformément à l'article 11 de la Loi lorsque le groupe de salariés qu'elle représente ne comporte aucune catégorie d'emplois à prédominance féminine. Il s'agit là d'une question de droit revêtant une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d'expertise de la CRT. Il y a donc lieu d'appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable. La seconde question concerne le pouvoir de la CES de rendre des ordonnances de réparation comportant des correctifs ayant des effets rétroactifs. Cette question mixte de fait et de droit n'est pas étrangère à l'expertise de la CRT. Elle doit donc être analysée en fonction de la norme de la décision raisonnable.
L'article 11 de la Loi doit être interprété selon l'approche d'interprétation contextuelle des lois retenue par la Cour suprême du Canada. Conformément à cette approche, il convient d'abord d'examiner le sens ordinaire et grammatical de la disposition en cause, puis de tenir compte du contexte, lequel comprend l'objet de la disposition et celui de la loi dans son ensemble. Or, le libellé de l'article 11 de la Loi ne prévoit aucune condition préalable liée à l'existence d'une catégorie d'emplois à prédominance féminine. Selon le sens naturel qui se dégage de la lecture de cette disposition, dès que la demande est faite par une association accréditée, l'employeur doit établir un programme distinct. L'analyse du contexte de cet article, notamment en se référant aux travaux parlementaires, révèle que les programmes distincts sont établis afin de tenir compte des disparités régionales, lorsqu'une entreprise possède plusieurs établissements, ou encore de l'existence d'associations accréditées qui représentent des salariés de l'entreprise. L'intention du législateur, en permettant la mise en place de programmes distincts, était de respecter la structure syndicale dans le contexte de l'atteinte de l'équité salariale. Ainsi, compte tenu de la clarté du libellé de l'article 11 de la Loi et de l'intention manifeste du législateur de respecter la structure syndicale dans un tel contexte, le Tribunal estime que l'interprétation que la CRT fait de l'article 11 nécessite l'ajout de termes à la Loi sur l'équité salariale et doit, de ce fait, être écartée. L'existence d'une catégorie d'emplois à prédominance féminine ne constitue pas une condition préalable à la mise en place d'un programme distinct. Quant au pouvoir de la CES de rendre une ordonnance rétroactive, il lui est reconnu par la Loi sur l'équité salariale et s'harmonise avec le rôle de la CES quant à la mise en œuvre et au respect de la Loi. La requête en révision est donc partiellement accueillie. Les programmes distincts en cause ne doivent pas être annulés, à l'exception de celui établi à la demande d'une association n'étant pas accréditée. Seule une association accréditée peut demander la mise en place d'un tel programme.
Société des alcools du Québec c. Commission des relations du travail (Beaulieu Canada et Commission de l'équité salariale), SOQUIJ AZ-50506401
La compétence de la CES
La décision de la CRT ayant déclaré que la Commission de l'équité salariale avait le fardeau de démontrer l'existence de failles dans la réalisation d'un programme d'équité salariale est raisonnable.
Un comité d'équité salariale a été formé chez l'employeur. Il a adopté une méthode de travail, il a établi et testé des outils de travail et il a regroupé les emplois comparables de manière à créer dix classes d'emplois. Des techniciennes en actuariat se sont plaintes du fait que leur emploi était sous-évalué. La Commission de l'équité salariale (CES) a mené une enquête et, constatant que le travail du comité avait été bien fait, a rejeté les plaintes. La CES a toutefois souligné que certaines classes d'emplois étaient trop vastes et que le comité avait établi des classes aléatoires et irrégulières sans logique mathématique. Elle a ordonné à celui-ci de refaire une partie de son travail. Invoquant l'article 104 de la Loi, l'employeur a obtenu de la CRT l'annulation de cette ordonnance. La CES demande la révision judiciaire de la décision de la CRT.
Décision : La CRT a décidé que la CES avait le fardeau de prouver que le comité avait agi de mauvaise foi, arbitrairement, de façon discriminatoire ou déraisonnable, ou encore avec négligence au sens l'article 15 de la Loi. À cet égard, elle s'est appuyée sur la présomption de bonne foi prévue à l'article 2805 du Code civil du Québec. Cette position, qui s'oppose à une autre fondée sur des considérations procédurales, est certainement raisonnable. Dans un deuxième temps, la CRT a décidé que la CES n'avait pas fait la preuve que les travaux et les décisions du comité, fondés sur l'approche du « regroupement naturel », étaient déraisonnables ou contraires à la Loi. En effet, il n'existe pas de méthode qui offre des garanties absolues. En l'espèce, la méthode du comité a été importée d'un consensus dégagé lors de l'exercice d'équité interne, selon des critères reconnus. D'autre part, au regard des données dont disposait le comité, ce sont les propositions théoriques, voire dogmatiques, de la CES qui posaient problème. Les membres du comité ont fait preuve de prudence et ils ont fait vérifier leurs décisions à l'externe à l'étape de l'estimation des écarts salariaux. Il s'agit là des conclusions tirées par la CRT après plusieurs jours d'audience. Elles consacrent les efforts du comité, composé de représentants de tous les intéressés — syndiqués, cadres et patrons — et agissant sous la supervision d'une experte en la matière. Ce comité a travaillé sérieusement pendant trois ans; il mérite le respect et la réserve autant de ce tribunal que de la CRT. Par ailleurs, la révision judiciaire n'est pas un recours in abstracto. Elle vise à corriger une injustice réelle découlant d'une procédure prévue par la Loi. La CES n'a pas démontré qu'une personne occupant un emploi en particulier aura un salaire inéquitable à la suite des travaux du comité. On ignore en effet quels sont les emplois compris dans chacune des dix classes créées par le comité et la rémunération qui leur sera rattachée. C'est à la fin du processus, lorsque tous les moyens auront été mis en oeuvre, que l'on pourra réellement savoir si l'injustice appréhendée commande l'intervention du tribunal.
Commission de l'équité salariale c. Commission des relations du travail (SSQ, Société d'assurance-vie inc. et Commission de l'équité salariale)*, SOQUIJ AZ-50576113 (Requête pour permission d'appeler accueillie [C.A., 2009-10-06],200-09-006806-092, 2009 QCCA 1862, SOQUIJ AZ-50578305)
La compétence de la CRT
La norme de contrôle applicable à une décision de la Commission des relations du travail (CRT) relativement au statut et à l'intérêt juridique de la Commission de l'équité salariale devant la CRT est celle de la décision raisonnable; la requête en révision judiciaire du journal The Gazette est rejetée.
Conformément à ses obligations en vertu de la Loi sur l'équité salariale, l'employeur a participé à la mise sur pied de trois programmes distincts d'équité salariale. À l'occasion de la démarche d'équité salariale, il a contesté en vertu de l'article 104 de la Loi deux décisions de la Commission de l'équité salariale (CES) devant la CRT. Il demande la révision judiciaire de trois décisions de cette dernière, dont l'une, rendue en révision administrative, avait reconnu à la CES le droit d'intervenir et de participer sans restriction au débat à titre de partie. L'employeur invoque un jugement déclaratoire de la Cour supérieure (Commission de l'équité salariale c. Commission des relations du travail (C.S., 2005-11-22), SOQUIJAZ-50351145, J.E. 2006-247, D.T.E. 2006T-102, [2006] R.J.Q. 532, [2006] R.J.D.T. 27), établissant que, dans le contexte d'un recours en vertu de l'article 104 de la Loi, la CES peut intervenir uniquement lorsqu'il est question de sa compétence et de l'interprétation de sa loi habilitante. En remettant en cause ce jugement, il soutient que la CRT a commis un abus de procédure et a agi de façon contraire à notre système de droit. La CES allègue que la CRT n'est pas liée par la décision de la Cour supérieure et qu'elle possède l'autonomie décisionnelle nécessaire afin de faire évoluer la pensée juridique et la jurisprudence.
Décision : Les décisions de la CRT sont protégées par une clause privative. En outre, lorsqu'elle agit en vertu de l'article 104 de la Loi, elle exerce le mandat précis que lui a confié le législateur en raison de son expertise. De plus, la question en litige concernant l'intervention de la CES dépend de l'interprétation de la Loi sur l'équité salariale, ce qui relève de sa compétence. Pour ces motifs, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. La position de l'employeur concernant la jurisprudence antérieure figerait à jamais une situation juridique et entraînerait l'incapacité du système judiciaire, et plus particulièrement des tribunaux spécialisés, d'évoluer en fonction des faits propres à chaque dossier, de l'avancement de la réflexion sur un sujet ou, de façon plus pertinente en l'espèce, de tenir compte de la jurisprudence antérieure. Or, une telle proposition ne correspond pas aux règles habituelles relatives au précédent et à notre système judiciaire en général et cadre bien mal avec l'autonomie de pensée et d'analyse dont doivent jouir les instances conformément aux principes fondamentaux de notre droit. Le jugement de la Cour supérieure invoqué par l'employeur crée tout au plus un précédent, mais le tribunal n'est pas lié par ladite décision. Ni la règle du stare decisis ni celle de l'autorité de la chose jugée ne trouvent application en l'espèce. Les décisions de la CRT visées par la demande de révision judiciaire sont le fruit d'une évolution jurisprudentielle fondée sur des considérations justes et pondérées. Ainsi, la CRT se fonde sur l'évolution de sa jurisprudence afin de reconnaître à la CES le statut de partie à l'occasion des recours intentés en appel de ses décisions. Une telle conclusion est conforme à une approche globale et contextuelle du rôle de la CES. La Loi sur l'équité salariale lui confère un rôle distinct et « proactif » dans l'atteinte du droit fondamental à l'équité salariale. Ce rôle de mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale la place parfois en situation contradictoire avec une ou plusieurs des parties à un dossier. Conformément à l'approche globale et contextuelle, l'absence de mention précise quant à l'intervention de la CES devant la CRT dans le contexte des recours intentés en vertu de l'article 104 de la Loi n'est pas un obstacle à la reconnaissance de son statut de partie. La CES a alors un intérêt juridique particulier découlant de son rôle d'application de la loi. Pour ces motifs, les décisions de la CRT ayant reconnu le statut de partie à la CES dans le contexte des recours en vertu de l'article 104 de la Loi sont raisonnables.
Gazette (The), une division de Canwest MediaWorks Publications Inc. c. Commission des relations du travail*, SOQUIJ AZ-50500041 (Requête pour permission d'appeler accueillie [C.A., 2008-09-23], 500-09-018925-081, 2008 QCCA 1802)
La CRT n'a pas compétence pour modifier la décision de la Commission de l'équité salariale ayant conclu à l'absence de violation de l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne — discrimination fondée sur le sexe — dans une entreprise de moins de dix employés, donc non visée par la Loi sur l'équité salariale.
La salariée a déposé auprès de la Commission de l'équité salariale (CES) une plainte pour discrimination fondée sur le sexe. Elle soutenait que l'emploi de magasinier qu'elle occupait n'était pas rémunéré à sa juste valeur, compte tenu de l'écart salarial entre cet emploi et ceux d'appariteur et de surveillant. Comme l'entreprise comptait moins de dix employés, la Loi sur l'équité salariale ne s'appliquait pas (art. 4). En vertu des articles 93 de la loi et 49.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, la CES a mené une enquête afin de déterminer s'il y avait violation de l'article 19 de la Charte. Au terme de son enquête, elle a rejeté la plainte. La salariée demande à la Commission des relations du travail (CRT) de modifier cette décision.
Décision : La CES a considéré qu'elle devait déterminer s'il y avait discrimination salariale fondée sur le sexe au sein de l'entreprise de l'employeur entre l'emploi de magasinier, à prédominance féminine, et ceux d'appariteur et de surveillant, à prédominance masculine. Puisque seule l'application de la Charte était en cause, son pouvoir était limité à « faire enquête », conformément à ce que prévoit le paragraphe 7 de l'article 93 de la Loi. Elle ne pouvait, comme le permet le paragraphe 6 du même article, « faire enquête » et, éventuellement, « déterminer des mesures ». Ainsi, la CRT ne peut intervenir en vertu de l'article 104 de la Loi en cas d'insatisfaction concernant « des mesures que détermine la [CES] » lorsque celle-ci a agi en considération de la Charte, étant donné qu'on ne lui a alors pas délégué le pouvoir de déterminer des mesures. Par ailleurs, suivant l'article 71 de la Charte, relatif aux pouvoirs de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), seul le pouvoir d'enquête de cette dernière a en quelque sorte été délégué à la CES quand il est question d'équité salariale. La suite du processus en matière de droits et libertés — y compris l'imposition de toute mesure ou tout remède — demeure confiée à la CDPDJ (art. 78 et ss. de la Charte). Ni la CES ni la CRT ne disposent de ces pouvoirs à l'égard de la plainte fondée sur l'article 19 de la Charte. Enfin, suivant l'article 112 de la Loi, la CRT a compétence pour trancher des demandes relatives à la Loi sur l'équité salariale. La présente requête est plutôt formulée en vertu de l'article 19 de la Charte. Aucune disposition ne confère de compétence particulière à la CRT à l'égard d'un tel recours.
Moreau et Commission de l'équité salariale*, SOQUIJ AZ-50549544 (Requête en révision [C.R.T.] CQ-2009-2340)
L’intervention d’un tiers
La demande d'intervention du Conseil du patronat du Québec dans le cadre d'une requête en révision judiciaire intentée par deux employeurs à l'encontre d'une décision de la CRT est accueillie, étant donné les questions d'intérêt public en jeu dans ce litige.
En juin et août 2005, la Commission de l'équité salariale (CES) a rendu deux décisions concernant l'établissement d'un programme d'équité salariale. La Société des alcools du Québec (SAQ) et Beaulieu Canada ainsi que l'Association des cadres du gouvernement du Québec (ACGQ) ont contesté ces décisions devant la CRT qui, en juillet 2006, les a maintenues. Il a ainsi été décidé qu'une association accréditée ne pouvait demander et obtenir un programme distinct en vertu de l'article 11 de la Loi sur l'équité salariale si le groupe de salariés ne comportait aucune catégorie d'emplois à prédominance féminine, que l'Association des directeurs et directrices des succursales de la SAQ (ADDS/SAQ) ainsi que l'ACGQ ne pouvaient bénéficier de tels programmes parce qu'elles ne sont pas des associations accréditées et que la CES avait le pouvoir de rendre une ordonnance de réparation rétroactive, annulant par le fait même les programmes distincts mis en place. Au soutien de leur requête en révision judiciaire, la SAQ et Beaulieu Canada allèguent que l'interprétation donnée à cet article est incorrecte et déraisonnable et que les ordonnances de réparation entérinées par la CES sont illégales. Le Conseil du patronat du Québec inc. (CPQ) soutient qu'il serait opportun qu'il soit autorisé à intervenir (art. 211 du Code de procédure civile) pour faire des représentations, compte tenu de la nature des questions en litige et de l'effet de la décision à rendre sur les employeurs du Québec. La CES et le syndicat s'opposent à l'intervention du CPQ aux motifs que ses prétentions seront défendues par la SAQ et Beaulieu Canada et que, par conséquent, son intervention n'apportera aucun éclairage additionnel.
Décision : Il est opportun d'autoriser l'intervention du CPQ étant donné les questions d'intérêt public en jeu dans le litige. Tout comme dans Institution royale pour l'avancement des sciences, des gouverneurs de l'Université McGill (Université McGill) c. Commission de l'équité salariale (C.S., 2005-03-21), SOQUIJ AZ-50302891, J.E. 2005-991, la procédure en l'espèce s'attaque à des éléments fondamentaux de la Loi qui pourraient avoir un effet transcendant l'intérêt des parties visées à la procédure. De plus, l'intervention du CPQ est susceptible d'apporter un éclairage au Tribunal appelé à entendre la requête en révision judiciaire compte tenu de son implication dans le processus ayant mené à l'adoption de la Loi.
Conseil du patronat du Québec inc. c.Commission des relations du travail, SOQUIJ AZ- 50434962
La sous-traitance
En confiant à la sous-traitance les emplois de son secteur de la restauration — majoritairement à prédominance féminine — dans le but d'éviter l'application des résultats de son programme d'équité salariale en cours de réalisation, la station de ski Mont-Sainte-Anne a fait preuve de mauvaise foi et de discrimination à l'endroit de ses salariés.
L'employeur exploite une station de ski. Dans le but de se conformer à la Loi sur l'équité salariale, il a entrepris des discussions avec le syndicat afin d'établir un programme d'équité salariale. Au mois de novembre 2001, il a procédé à l'impartition de son service de restauration. Les salariés affectés à ce service ont déposé une plainte à la CES, alléguant que l'employeur avait contrevenu aux articles 15 et 101 de la Loi sur l'équité salariale. La CES a accueilli la plainte, concluant que l'employeur avait privé les salariés du service de la restauration du plein bénéfice de la Loi, qu'il avait fait preuve de mauvaise foi, qu'il avait agi de manière discriminatoire à l'endroit des salariés de son entreprise et que l'entente intervenue avec le sous-traitant contrevenait aux dispositions de la Loi. Elle a ainsi ordonné à l'employeur de réviser et de mener à terme son programme d'équité salariale pour y inclure les emplois du secteur de la restauration qui auraient dû s'y trouver n'eût été la concession au sous-traitant ainsi que de déterminer les rajustements salariaux en conséquence. L'employeur demande la révision de cette décision. Il prétend que, dans l'établissement de son programme d'équité salariale, il n'a pas agi de mauvaise foi ni de façon arbitraire ou discriminatoire et qu'il n'a pas fait preuve de négligence grave à l'endroit des salariés du service de restauration.
Décision : À l'occasion d'un appel d'une décision de la CES, le tribunal peut procéder à un examen de novo. Conformément à l'analyse pragmatique et fonctionnelle, il y a lieu d'appliquer la norme d'intervention de la décision correcte. L'employeur invoque sa bonne foi dans l'établissement du programme d'équité salariale. Or, la bonne foi ou l'intention ne constituent pas un critère pertinent dans l'évaluation de la discrimination. Il faut analyser le résultat ou l'effet de la mesure visée par la plainte plutôt que l'intention de son auteur. En l'espèce, la Loi sur l'équité salariale n'interdit pas à l'employeur de procéder à l'impartition de son service de restauration. Elle interdit cependant de procéder à une telle mesure dans l'établissement d'un programme d'équité salariale en agissant de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire ou en faisant preuve de négligence grave à l'endroit des salariés de l'entreprise. Or, non seulement l'employeur a tenté d'éviter les résultats de son programme d'équité salariale en cours de réalisation et de contourner les conséquences de la Loi, qui est d'ordre public, mais il a en outre voulu priver les salariés du secteur de la restauration du bénéfice des rajustements salariaux importants envisagés. Dans l'ensemble, il a fait preuve de mauvaise foi et a agi de manière discriminatoire à l'endroit des salariés. L'appel doit donc être rejeté.
Station de ski Mont-Ste-Anne inc. c. Commission de l'équité salariale* SOQUIJ AZ-50461717 (Requête en révision judiciaire rejetée [C.S., 2008-10-10], 200-17-009103-078, 2008 QCCS 4773, SOQUIJ AZ-50516795, D.T.E. 2008T-866. Requête pour permission d'appeler accueillie [C.A., 2009-02-05], 200-09-006508-086, 2009 QCCA 211, SOQUIJ AZ-50535102, D.T.E. 2009T-147)
La plainte d’un salarié
Le choix d’un consultant
Le choix par l'employeur d'un consultant de sexe masculin pour l'aider à respecter ses obligations en vertu de la Loi sur l'équité salariale ne peut être considéré pour décider s'il a agi de mauvaise foi, contrevenant ainsi à l'article 15 de la Loi.
L'employeur exploite un centre de villégiature et de location de chalets aux abords d'un lac. Aucune association accréditée n'est présente dans l'entreprise, qui compte moins de 50 salariés. En 2005, l'employeur a réalisé, avec l'aide d'un consultant, une démarche d'équité salariale applicable à l'ensemble de ses salariés. Le 25 juin 2008, une plainte a été déposée à la Commission. La partie plaignante reproche à l'employeur de ne pas avoir réalisé un exercice d'équité salariale conforme à la Loi en sous-évaluant les catégories d'emploi à prédominance féminine par rapport aux catégories d'emploi à prédominance masculine. Elle ajoute que l'employeur a fait preuve de mauvaise foi en ayant recours à un consultant de sexe masculin et qu'il a manqué de transparence à l'égard des personnes salariées en ne les consultant pas lors de l'évaluation des catégories d'emploi.
Décision : L'article 34 de la Loi sur l'équité salariale oblige l'employeur dont l'entreprise compte entre 10 et 49 salariés, comme c'est le cas en l'espèce, à déterminer les rajustements salariaux nécessaires afin d'accorder, pour un travail équivalent, la même rémunération aux salariés qui occupent des emplois à prédominance féminine et à prédominance masculine. En l'espèce, l'employeur a correctement établi les catégories d'emploi dans son entreprise à partir des critères prévus à la Loi, il a utilisé et appliqué une méthode ainsi que des outils d'évaluation des catégories d'emploi, il a comparé les catégories d'emploi à prédominance féminine et à prédominance masculine en appliquant la méthode de comparaison par paire, et il a procédé à l'affichage des résultats conformément à l'article 35 de la Loi. Par conséquent, la prétention selon laquelle des catégories d'emploi à prédominance féminine auraient été sous-évaluées est rejetée. D'autre part, l'article 101 prévoit que toute plainte invoquant une contravention à l'article 15, qui énonce que l'employeur ne peut agir de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire, doit être déposée dans les 60 jours suivants le manquement allégué ou la date à laquelle les salariés ont pu en prendre connaissance. Or, il s'est écoulé plus de deux ans avant le dépôt de la plainte et cette allégation doit être jugée irrecevable. La Commission tient toutefois à souligner que le choix ou le sexe d'un consultant ne peuvent être considérés pour décider si un employeur a contrevenu à l'article 15. Enfin, l'employeur dont l'entreprise compte entre 10 et 49 salariés n'est pas tenu par la Loi de les associer de quelque manière que ce soit à la démarche d'équité salariale. On ne peut donc déduire qu'un employeur agit de mauvaise foi lorsqu'il procède seul à la démarche d'équité salariale à laquelle il est tenu en vertu de l'article 34 de la Loi. Par conséquent, la plainte n'est pas fondée.
Personne salariée et Domaine Manoir des pins, SOQUIJ AZ-50574493
Les catégories d’emplois
Interprétation de l'article 55 de la Loi sur l'équité salariale, lequel fait état des critères à considérer pour déterminer la prédominance féminine ou masculine d'une catégorie d'emploi.
Au moment de la période de référence mentionnée à l'article 6 de la Loi sur l'équité salariale, l'employeur comptait entre 50 et 99 personnes salariées. À la suite de la réception d'une plainte en vertu de l'article 97 de la Loi, la Commission de l'équité salariale a produit un rapport constatant plusieurs irrégularités survenues lors de l'exercice d'équité salariale réalisé en 2003 par l'employeur. Ce dernier n'ayant pas donné suite à sa demande de fournir un complément d'information relativement à cet exercice, la Commission rend sa décision quant à la plainte.
Décision : Un programme d'équité salariale doit comprendre la détermination des catégories d'emplois à prédominance féminine et de celles à prédominance masculine au sein de l'entreprise, la description de la méthode et des outils d'évaluation de ces catégories d'emplois, la préparation d'une démarche d'évaluation, l'évaluation de ces catégories d'emplois, leur comparaison, l'estimation des écarts salariaux, le calcul de ces écarts et la détermination des modalités de versement des ajustements salariaux. L'employeur doit aussi s'assurer que chacun de ces éléments et leur application sont exempts de discrimination fondée sur le sexe. En l'espèce, les catégories d'emplois de l'entreprise n'ont pas été déterminées conformément aux critères énoncés à l'article 54 de la Loi. En effet, des emplois ont été regroupés alors que les salaires, les fonctions, les responsabilités ou les qualifications sont différents. L'employeur devra donc revoir les catégories d'emplois de son entreprise à partir des caractéristiques mentionnées à l'article 54. D'autre part, la prédominance sexuelle de chacune des catégories d'emplois retenues a été déterminée à partir d'un seul critère, soit le pourcentage de personnes salariées du même sexe occupant les emplois en question. Or, pour respecter la Loi et corriger la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des catégories d'emplois à prédominance féminine, il était fondamental de tenir compte de tous les critères établis à l'article 55 de la Loi. Comme la détermination des catégories d'emplois et de leur prédominance sexuelle est incorrecte, cette étape de l'exercice d'équité salariale réalisé par l'employeur ne peut servir d'assise ou de repère à l'établissement d'un programme d'équité salariale applicable à l'ensemble des personnes salariées de son entreprise. Par ailleurs, en matière d'équité salariale, la méthode d'évaluation des emplois retenue doit permettre de comparer les catégories d'emplois à prédominance féminine à celles à prédominance masculine déterminées dans l'entreprise et de mettre en évidence les caractéristiques propres à chacune. Le choix des facteurs et des sous-facteurs d'évaluation des catégories d'emploi constitue la pierre angulaire de la correction des écarts salariaux. C'est pourquoi ceux-ci doivent être cohérents et définis de façon non ambiguë. En l'espèce, les précisions données dans le plan d'évaluation soumis par l'employeur lors de l'enquête de la Commission sont nettement insuffisantes. Comme aucune information additionnelle n'a été transmise malgré plusieurs demandes, on doit constater que l'employeur ne s'est pas assuré que les éléments de son programme ainsi que leur application étaient exempts de discrimination fondée sur le sexe. Par conséquent, l'évaluation de chaque catégorie d'emplois devra être reprise à partir d'une méthode et d'outils d'évaluation qui respectent les exigences de la Loi. Le calcul de l'estimation des écarts salariaux devra aussi être refait.
Personne salariée et Demco Manufacturing inc., SOQUIJ AZ-50544237
La plainte d’un employeur
L’estimation des écarts salariaux
La décision de la CRT ayant déclaré que la Commission de l'équité salariale avait le fardeau de démontrer l'existence de failles dans la réalisation d'un programme d'équité salariale est raisonnable.
Un comité d'équité salariale a été formé chez l'employeur. Il a adopté une méthode de travail, il a établi et testé des outils de travail, et il a regroupé les emplois comparables de manière à créer dix classes d'emplois. Des techniciennes en actuariat se sont plaintes du fait que leur emploi était sous-évalué. La Commission de l'équité salariale (CES) a mené une enquête et, constatant que le travail du comité avait été bien fait, a rejeté les plaintes. La CES a toutefois souligné que certaines classes d'emplois étaient trop vastes et que le comité avait établi des classes aléatoires et irrégulières sans logique mathématique. Elle a ordonné à celui-ci de refaire une partie de son travail. Invoquant l'article 104 de la Loi, l'employeur a obtenu de la CRT l'annulation de cette ordonnance. La CES demande la révision judiciaire de la décision de la CRT.
Décision : La CRT a décidé que la CES avait le fardeau de prouver que le comité avait agi de mauvaise foi, arbitrairement, de façon discriminatoire ou déraisonnable, ou encore avec négligence au sens l'article 15 de la Loi. À cet égard, elle s'est appuyée sur la présomption de bonne foi prévue à l'article 2805 du Code civil du Québec. Cette position, qui s'oppose à une autre fondée sur des considérations procédurales, est certainement raisonnable. Dans un deuxième temps, la CRT a décidé que la CES n'avait pas fait la preuve que les travaux et les décisions du comité, fondés sur l'approche du « regroupement naturel », étaient déraisonnables ou contraires à la Loi. En effet, il n'existe pas de méthode qui offre des garanties absolues. En l'espèce, la méthode du comité a été importée d'un consensus dégagé lors de l'exercice d'équité interne, selon des critères reconnus. D'autre part, au regard des données dont disposait le comité, ce sont les propositions théoriques, voire dogmatiques, de la CES qui posaient problème. Les membres du comité ont fait preuve de prudence et ils ont fait vérifier leurs décisions à l'externe à l'étape de l'estimation des écarts salariaux. Il s'agit là des conclusions tirées par la CRT après plusieurs jours d'audience. Elles consacrent les efforts du comité, composé de représentants de tous les intéressés — syndiqués, cadres et patrons — et agissant sous la supervision d'une experte en la matière. Ce comité a travaillé sérieusement pendant trois ans; il mérite le respect et la réserve autant de ce tribunal que de la CRT. Par ailleurs, la révision judiciaire n'est pas un recours in abstracto. Elle vise à corriger une injustice réelle découlant d'une procédure prévue par la Loi. La CES n'a pas démontré qu'une personne occupant un emploi en particulier aura un salaire inéquitable à la suite des travaux du comité. On ignore en effet quels sont les emplois compris dans chacune des dix classes créées par le comité et la rémunération qui leur sera rattachée. C'est à la fin du processus, lorsque tous les moyens auront été mis en oeuvre, que l'on pourra réellement savoir si l'injustice appréhendée commande l'intervention du tribunal.
Commission de l'équité salariale c. Commission des relations du travail (SSQ, Société d'assurance-vie inc. et Commission de l'équité salariale)*, SOQUIJ AZ-50576113 (Requête pour permission d'appeler accueillie [C.A., 2009-10-06], 200-09-006806-092, 2009 QCCA 1862, SOQUIJ AZ-50578305)
L’estimation du nombre d’employés
L'employeur, qui se spécialise dans la gestion de services alimentaires pour plusieurs entreprises clientes, compte plus de 100 salariés et, de ce fait, doit mettre sur pied un programme d'équité salariale conformément aux articles 10 et 11 de la Loi sur l'équité salariale.
L'employeur est une compagnie spécialisée dans la gestion quotidienne des services alimentaires. En 2001, il employait 965 salariés, répartis dans 122 lieux de travail. La majorité d'entre eux n'étaient pas syndiqués. Pour chacun des lieux, un contrat avait été conclu entre l'employeur et l'entreprise cliente, c'est-à-dire celle qui bénéficiait des services offerts. Les paies des employés étaient toutes gérées au siège social de l'employeur. C'est ce dernier qui délivrait les relevés d'emploi et les préavis en cas de cessation d'emploi. Il obtenait directement les permis gouvernementaux nécessaires, ne faisait qu'une seule déclaration auprès du registraire des entreprises et déclarait être un seul employeur pour ses cotisations à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). À la suite de plaintes déposées par trois syndicats représentant certains salariés, la Commission de l'équité salariale a déterminé que l'employeur était une seule entreprise comptant plus de 100 salariés et qu'il devait établir un programme d'équité salariale en fonction de cette détermination. L'employeur a contesté cette décision le 18 août 2005. Il estime plutôt être constitué de plusieurs entreprises distinctes qui ne comptent pas plus de 50 salariés. Il fait notamment valoir que la définition d'« entreprise » qui se trouve à la Loi sur l'équité salariale découle du texte de l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne et qu'elle fait référence à un traitement égal des salariés pour un travail équivalent au même endroit.
Décision : Bien que la Charte soit à l'origine de la Loi sur l'équité salariale, son article 49.1 édicte clairement que les « recours dont l'objet est couvert par la Loi sont réglés exclusivement suivant cette Loi ». Or, en adoptant la Loi sur l'équité salariale, le législateur a délibérément choisi de faire référence à des concepts distincts lorsqu'il a utilisé les termes employeur, entreprise et établissement. Un employeur peut posséder plusieurs établissements, mais il demeure une seule entreprise. Il n'y a pas de définition du mot entreprise dans la Loi sur l'équité salariale. Puisqu'il s'agit d'équité salariale dans un contexte de relations du travail, il est approprié de recourir à la définition de ce mot utilisée dans le domaine du droit du travail à la suite de l'arrêt de la Cour suprême dans U.E.S., local 298 c. Bibeault (C.S. Can., 1988-12-22), SOQUIJ AZ-89111021, J.E. 89-141, D.T.E. 89T-38, (1988) 2 R.C.S. 1048, laquelle énonce que l'entreprise doit être envisagée dans sa globalité et non par rapport aux seules tâches exercées par des salariés. L'entreprise consiste en un ensemble organisé des moyens qui permettent la poursuite d'activités précises. En l'espèce, l'activité précise poursuivie par l'employeur est la même dans sa relation avec chaque entreprise cliente. Le fait qu'il offre des services personnalisés à chacun de ses clients ne crée pas pour autant des entreprises distinctes. Par ailleurs, rien dans le fonctionnement et la gestion de l'employeur ne démontre l'existence de plusieurs entreprises. Celui-ci exploite donc une entreprise unique employant plus de 100 salariés, et il doit réaliser son programme d'équité salariale conformément aux articles 10 et 11 de la Loi sur l'équité salariale. Les plaintes sont rejetées.
Laliberté et Associés inc. et Commission de l'équité salariale*, SOQUIJ AZ-50529534 (Requête en révision judiciaire, 2009-01-19 [C.S.], 500-17-047835-098)
La Commission de l'équité salariale cerne la notion de « cadre supérieur » au sens de la Loi sur l'équité salariale.
L'école Maïmonide est une école juive privée qui offre un enseignement primaire et secondaire sur deux campus. Elle comptait entre 50 et 99 salariés durant la période de référence, soit durant les 12 mois qui ont précédé le 21 novembre 1997. Entre février et avril 2001, le directeur des services administratifs a entrepris le processus d'équité salariale. Son programme d'équité salariale vise toutes les personnes salariées des deux campus de l'école, à l'exception de lui-même, du directeur des études juives et des deux directrices de campus. L'un des deux syndicats de l'école a déposé une plainte, alléguant que la comparaison de la catégorie d'emploi à prédominance féminine — « enseignant » — avec l'unique catégorie d'emploi à prédominance masculine — « concierge » — comporterait des lacunes. D'une part, la charge de travail des enseignants n'aurait pas été évaluée correctement dans le calcul de la rémunération et, d'autre part, l'employeur aurait utilisé inadéquatement la méthode d'estimation des écarts salariaux.
Décision : La Loi sur l'équité salariale ne définit pas la notion de cadre supérieur. Elle établit cependant un principe général à son article 8 en stipulant que « toute personne physique qui s'oblige à exécuter un travail moyennant rémunération, sous la direction ou le contrôle d'un employeur », est une personne salariée. Elle énonce ensuite quelques exceptions à ce principe, dont le cadre supérieur fait partie. Le cadre supérieur détient un statut hiérarchique élevé; il fait partie du groupe restreint de gestionnaires qui, par leurs responsabilités, président aux destinées de l'entreprise. Il a le pouvoir de prendre des décisions ou de contribuer directement à la prise de décisions portant sur les orientations et les stratégies de l'entreprise. Le cadre supérieur a la capacité d'engager significativement l'entreprise à l'égard des tiers et exerce habituellement une autorité sur d'autres cadres ou directeurs. À l'opposé, un cadre ne peut être considéré comme « supérieur » si l'exercice de ses fonctions est encadré, défini ou limité par des politiques déterminées à un autre niveau que le sien. En l'espèce, bien que les quatre directeurs mentionnés plus haut jouent un rôle important dans l'entreprise, cela ne suffit pas pour leur conférer le statut de cadre supérieur. Il s'agit, en fait, de cadres intermédiaires qui ne participent pas à la définition des orientations stratégiques et qui ne peuvent, en vertu de la Loi, être exclus de la notion de « personne salariée ». Les exceptions prévues à cette notion par la Loi doivent être interprétées de façon restrictive puisque la Loi vise la correction de la discrimination à caractère systémique et qu'il est essentiel qu'elle vise le plus grand nombre de personnes possible. Ainsi, seul le poste de directeur général créé en 2003 pourrait correspondre à la notion de « cadre supérieur » en vertu de la Loi. Par conséquent, les appellations d'emploi de directeur devront être incluses dans le programme d'équité salariale.
Par ailleurs, la catégorie d'emploi « enseignant » n'a pas été déterminée conformément à la Loi. En effet, l'employeur a choisi de ne créer qu'une seule catégorie « enseignant » et a utilisé l'échelon salarial maximal, soit 18, pour l'estimation des écarts salariaux en partant du principe que ce taux est accessible à tous les enseignants. Or, ce n'est que dans la mesure où un enseignant possède 18 ans de scolarité qu'il peut avoir accès à ce taux. Étant donné que les personnes titulaires de la catégorie « enseignant » n'ont pas toutes accès au même taux maximal, elles ne peuvent être regroupées dans une même catégorie d'emploi. Par conséquent, l'employeur devra établir six catégories d'emploi distinctes, soit une pour chacune des classes salariales du personnel enseignant. D'autre part, l'employeur n'a pas évalué toutes les catégories d'emploi — notamment celles de surveillant et de secrétaire —, ce qui contrevient à la Loi, et cette évaluation devra être faite.
Association accréditée et École Maïmonide, SOQUIJ AZ-50486944
Les six directeurs de la Ville de Rimouski sont des cadres supérieurs et, ainsi, à ce titre, ils ne sont pas visés par la Loi sur l'équité salariale.
La Ville de Rimouski conteste la décision de la CES selon laquelle ses six directeurs ne sont pas des cadres supérieurs au sens de la Loi sur l'équité salariale et sont donc visés par le programme d'équité salariale en cause. La Ville soutient que ces directeurs sont des cadres supérieurs exclus de l'application de la Loi sur l'équité salariale. À cet effet, elle fait valoir que ceux-ci ont l'autonomie requise et prennent les initiatives propres aux cadres de ce niveau. La CES affirme que les directeurs ne peuvent être considérés comme des cadres supérieurs puisqu'ils n'ont aucun pouvoir décisionnel, la Loi sur les cités et villes prévoyant que seul le conseil municipal peut prendre des décisions. Les syndicats se rallient pour leur part à la position de la CES.
Décision : Le paragraphe 6 de l'article 8 de la Loi sur l'équité salariale prévoit qu'un cadre supérieur n'est pas un salarié au sens de cette Loi. Il s'agit d'une exception à une loi d'application générale à caractère social. À ce titre, la Loi sur l'équité salariale doit être interprétée en faveur de ceux à qui elle apporte un remède et l'exception doit être interprétée restrictivement, et ce, en tenant compte du contexte de l'entreprise visée. La Loi sur l'équité salariale ne définit pas l'expression « cadre supérieur ». Il faut donc se référer à l'interprétation jurisprudentielle qui en a été faite dans le cadre de l'application de la Loi sur l'équité salariale, mais aussi de celle d'autres lois régissant le monde du travail, notamment la Loi sur les normes du travail. Parmi les critères les plus importants établis par la jurisprudence, il y a la participation à l'élaboration des orientations politiques de l'entreprise et l'exercice d'un pouvoir décisionnel. En l'espèce, l'analyse doit tenir compte des particularités du secteur municipal. Il est vrai que les décisions des directeurs doivent être entérinées par le conseil municipal. Il s'agit d'une exigence qu'impose la Loi sur les cités et villes. Toutefois, il est illusoire de croire que le conseil municipal décide seul des décisions relatives à l'embauche, aux mesures disciplinaires ou au congédiement. Dans les faits, en raison de la taille de la Ville, les directeurs participent activement à l'élaboration des politiques et orientations de cette dernière et à la prise de décisions déterminantes. Ils doivent planifier, prévoir, organiser, contrôler et gérer les activités de leur service respectif, duquel ils sont ultimement responsables, sur le plan des ressources tant humaines et matérielles que financières. Ils sont assistés, pour la gestion de ces activités au quotidien, des cadres sous leur responsabilité. Pour ces motifs, il y a lieu de leur reconnaître le statut de cadre supérieur au sens de la Loi sur l'équité salariale.
Rimouski (Ville de) et Commission de l'équité salariale, SOQUIJ AZ-50498536
COMMENT TROUVER LES DÉCISIONS MENTIONNÉES DANS CET ARTICLE ?
On trouvera toutes les décisions mentionnées dans cet article dans les Banques de Juris.doc dans le site d’AZIMUT*.
Chacune des décisions mentionnées a une référence AZ (par exemple AZ-50233881).
Pour retrouver cette décision, il faut :
- accéder à l’écran Choix de Banque;
- utiliser la case Recherche par référence AZ.
* Pour toute question relative à l'utilisation d'AZIMUT, communiquez avec le Service d'aide aux utilisateurs au 514 842-AIDE ou, sans frais, au 1 800 356-AIDE, de 8 h 30 à 17 h, du lundi au vendredi. Si vous n’êtes pas encore abonné à AZIMUT, profitez du rabais offert aux membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Monique Desrosiers, avocate, coordonnatrice, secteur droit du travail et administratif, direction de l’information juridique, SOQUIJ
Source : VigieRT, numéro 42, novembre 2009.