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Les employés payés selon un salaire annuel ont-ils droit au paiement des heures supplémentaires?

La Loi sur les normes du travail (L.R.Q., c. N-1.1) prévoit en principe qu’au-delà de la semaine normale de travail de quarante (40) heures, un salarié a droit au paiement des heures supplémentaires. L’article 55 de la Loi sur les normes du travail se lit comme suit :

3 juin 2014
Rhéaume Perreault, CRHA et Mohamed Badreddine
« 55. [Heures supplémentaires] Tout travail effectué en plus des heures de la semaine normale de travail entraîne une majoration de 50 % du salaire horaire habituel que touche le salarié à l’exclusion des primes établies sur une base horaire.[…] » (notre souligné)

L’article 54 de la Loi sur les normes du travail prévoit qu’une liste spécifique d’employés n’ont pas le droit au paiement des heures supplémentaires. À titre d’exemple, le cadre d’une entreprise ou l’employé qui travaille en dehors de l’établissement de l’employeur et dont les heures de travail sont incontrôlables n’est pas assujetti aux règles des heures supplémentaires.

Mais qu’arrive-t-il lorsqu’un employé est payé selon un salaire annuel et qu’il n’est pas assujetti aux exceptions prévues par l’article 54 de la Loi sur les normes du travail?

Selon un courant jurisprudentiel nettement majoritaire, l’employé rémunéré selon un salaire annuel n’a pas le droit au paiement des heures supplémentaires. D’ailleurs, la récente décision Québec (gouvernement du) (Service aérien gouvernemental) et Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (grief syndical), 2014 QCCTA 241 est un exemple de ce courant jurisprudentiel.

Faits et décision
Dans cette affaire, l’arbitre Me Pierre A. Fortin a rejeté le grief syndical qui réclamait le paiement des heures supplémentaires pour les pilotes d’avion rémunérés selon un salaire annuel. L’arbitre a aussi rejeté la réclamation du syndicat voulant que le temps de disponibilité des pilotes pour répondre à de possibles demandes de décollage imprévues soit considéré comme du temps travaillé et rémunéré.

Rappelons sommairement les faits. Des pilotes à l’emploi du gouvernement du Québec sont rémunérés selon un salaire annuel. Les horaires de travail sont déterminés par l’employeur en fonction des besoins. Les pilotes doivent également offrir du temps de disponibilité à l’employeur en prévision de demandes de décollages pour parer à des situations imprévues. Ainsi, en cas de besoin, l’employeur communique avec les pilotes, lesquels ont une heure, après la réception de l’appel, pour se rendre sur les lieux du travail pour une mission.

Le syndicat réclamait deux choses : i) le paiement en heures supplémentaires des heures effectuées par les pilotes au-delà de la semaine de quarante (40) heures; et ii) que le temps de disponibilité soit reconnu comme du temps travaillé et donc rémunéré.

Pour sa part, l’employeur alléguait que les parties avaient négocié un salaire annuel pour les pilotes, et ce, peu importe leur horaire de travail. Conséquemment, ils n’ont pas le droit au paiement des heures supplémentaires. Pour ce qui est du temps de disponibilité, il ne constitue pas du temps travaillé, et les parties se sont entendues pour offrir une autre contrepartie.

Dans un tel contexte, le tribunal a conclu que les pilotes ne peuvent réclamer le paiement d’heures supplémentaires, puisqu’ils bénéficient d’un salaire annuel. En ce qui concerne le temps de disponibilité, l’arbitre est d’avis qu’il s’agit d’une question qui a été négociée dans les conditions de travail et qu’il ne pouvait intervenir. L’extrait suivant est pertinent et résume bien le raisonnement de l’arbitre concernant les heures supplémentaires :

« [96] Dans le contexte d’un régime bien particulier d’horaire de travail où un pilote reçoit régulièrement le même salaire qu’il ait travaillé ou non en vertu de la convenance négociée des parties contractantes, l’arbitre ne peut intervenir pour donner une autre signification au temps travaillé que celle déterminée par les parties sans altérer certaines clauses négociées dans la convention collective et en modifier significativement l’application. Par contre, au regard de la Loi sur les normes du travail, il pourrait intervenir et déclarer nulle une disposition contraire à cette Loi. Comme déjà énoncé plus haut, le tribunal doit s’assurer non pas du simple défaut de non-conformité à la Loi, mais aussi de l’application de ladite (sic) Loi dans le cas mentionné.

[97] Déjà, on y prévoit des exceptions et, en plus, différentes cours se sont prononcées sur une condition en l’espèce applicable, soit le taux de salaire. En effet, le juge Bousquet, dans Commission des normes du travail et Solutions Mindready, établissait clairement qu’on ne pouvait prétendre à un salaire basé sur un taux horaire par un simple jeu mathématique. Or, en la présente affaire, les parties ont très clairement convenu d’un salaire annuel versé uniformément à chaque période de paie. » (notre souligné)

Conclusion
Cette décision réitère qu’en principe, les employés qui sont payés selon un salaire annuel ne sont pas assujettis au paiement des heures supplémentaires prévu par la Loi sur les normes du travail.

Cette exception s’interprète du fait que le législateur a prévu à l’article 55 de la Loi sur les normes du travail que les heures supplémentaires sont calculées sur la base du salaire au taux horaire. Ainsi, puisqu’un employé payé selon un salaire annuel n’a pas de taux horaire, il ne peut bénéficier du paiement des heures supplémentaires.

Source : VigieRT, juin 2014.


Rhéaume Perreault, CRHA et Mohamed Badreddine