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Déterminer la sanction lors de manquements aux règles de SST

L’employeur a des obligations légales de protéger la santé et la sécurité du salarié au travail en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[1] (LSST), de l’article 2087 du Code civil du Québec (C.C.Q.) ainsi que de l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne[2] (Charte).

17 juin 2014
France Rivard

Article 51 LSST : « L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. »

Article 2087 C.C.Q. : « L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié. »

Article 1 de la Charte : « Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne. »

En contrepartie, le travailleur a également des obligations en cette matière en vertu de l’article 49 LSST, dont les plus pertinentes pour notre propos sont reproduites ici :

Article 49 LSST. : « Le travailleur doit :

  • 1° prendre connaissance du programme de prévention qui lui est applicable;
  • 2° prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique;
  • 3° veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité des lieux de travail. »

Le survol de la jurisprudence qui suit présente des cas qui illustrent les principaux manquements aux règles de santé et de sécurité du travail sanctionnées par le pouvoir disciplinaire de l’employeur en fonction des circonstances. Plus particulièrement, il sera question de manquements relatifs à la procédure de cadenassage, du refus de porter des équipements de protection, de conduite dangereuse, de présence au travail avec les facultés affaiblies et de contravention à l’interdiction de fumer. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une revue exhaustive de la jurisprudence.

1. Procédure de cadenassage

1.1 Suspension confirmée

La suspension de cinq jours imposée à un aide-opérateur du laminateur dans une usine pour avoir omis de respecter la procédure de cadenassage est confirmée.

Le plaignant a été chargé de l’ajustement des lames d’une découpeuse à couteaux multiples. Il a omis de cadenasser la machine à ajuster avant de se rendre à l’intérieur de celle-ci. Il avait reçu une formation adéquate à ce sujet et connaissait la mesure imposée s’il contrevenait à la procédure.

L’arbitre a déclaré que la sanction était très sévère. Cependant, il a mentionné que la politique de l’employeur déterminait clairement la durée de la suspension à imposer au moment d’un premier manquement à ces règles, soit une suspension d’une durée minimale d’une semaine. Il a conclu que, étant donné la jurisprudence sur le sujet, la gravité du manquement, l’importance accordée par l’employeur au respect des règles visant à assurer la santé et la sécurité de ses employés ainsi que la connaissance qu’en avait le plaignant, la suspension n’était pas déraisonnable.

Syndicat des travailleurs de Cascades Enviropac inc. (CSN) et Cascades Enviropac inc. (Frédérik Pichette)[3].

Voir aussi : Syndicat du bois ouvré de Saint-Félicien, Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et Produits forestiers Résolu (Abibow Canada inc., scierie Saint-Félicien) (griefs individuels, Guy Talbot et un autre) [4] et Teamsters Québec, section locale 1999 et Norampac — Drummondville, une division de Cascades Canada inc. (griefs individuels, Marc Gendron et un autre)[5].


1.2 Suspension modifiée

Même si la politique de l’employeur prévoit une suspension d’une semaine à l’occasion d’une première infraction à la procédure de cadenassage, cette sanction est trop sévère eu égard à la faute commise par le plaignant; la suspension de ce dernier est réduite à 18 heures puisqu’il a interrompu l’alimentation en courant de la machine et qu’il n’a pas mis en danger la sécurité de ses collègues.

Le plaignant, un préposé à la machine à préparer les anodes dans une usine, a procédé au déblocage de l’une de ces machines. Afin de l’empêcher de fonctionner, il a interrompu le courant en tirant sur une corde plutôt que de respecter la première étape de la procédure, soit le cadenassage après l’arrêt de la machine. La sanction imposée s’appuie sur la politique de l’employeur relative à la procédure de cadenassage, qui prévoit une suspension de cinq jours pour une première infraction.

L’arbitre a déclaré qu’il n’était pas lié par une telle politique. Il a retenu les facteurs atténuants suivants : les 22 ans d’ancienneté du plaignant, son dossier disciplinaire vierge, l’aveu de sa faute et sa collaboration à l’enquête. Par contre, il a ajouté que, lorsque l’omission de cadenasser fait courir des risques réels à des collègues, une suspension d’une semaine est juste, même dans le cas d’une première infraction.

Xstrata Cuivre-Affinerie CCR et Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 6887 (Pierre Arcand)[6].


1.3 Suspension annulée

La suspension de deux jours d’un opérateur de machines dans une usine imposée à la suite d’un accident du travail ayant eu lieu alors qu’il n’avait pas procédé au cadenassage d’une machine est annulée.

Alors que le plaignant se tenait au-dessus d’une machine et qu’il tentait de voir ce qui n’allait pas, une pièce de métal de cette dernière l’a heurté à la tête, entraînant ainsi un accident du travail. L’employeur l’a suspendu deux jours, lui reprochant d’avoir mis en danger sa sécurité en ne respectant pas la procédure de cadenassage.

L’arbitre a annulé la suspension par souci d’équité et de justice. Il a conclu qu’aucune obligation de cadenasser n’avait été établie pour ce type d’intervention et que l’accident ne serait pas survenu si l’employeur avait éliminé le danger à la source. Il n’y a pas eu négligence grave ni insouciance de la part du plaignant.

Syndicat canadien de l’énergie, des communications et du papier, section locale 1207 (FTQ) et Cascades Groupe Papiers fins inc., centre de transformation (Jocelyn Deslauriers)[7].


1.4 Congédiement confirmé

Le congédiement d’un mécanicien de machinerie dans une usine de fabrication de papier au motif de non-respect de la procédure de cadenassage est confirmé; il avait déjà été suspendu 10 jours pour le même motif.

Le plaignant avait été suspendu après s’être retrouvé la tête coincée entre les rouleaux-pics d’une machine et avoir subi des blessures importantes. Quelques mois plus tard, il a effectué la réparation d’une autre machine en omettant, une fois de plus, de respecter la procédure de cadenassage, jugeant qu’il n’était pas nécessaire de l’appliquer.

L’arbitre a souligné que le plaignant avait mis sa vie en danger, de même que celle de ses collègues, commettant ainsi une grossière négligence. Dans ce cas, le principe de la progression ne s’applique pas. Il fait état de la jurisprudence qui a établi que l’employeur n’avait pas à attendre qu’un accident grave se produise avant de congédier un employé si celui-ci est au courant du danger et connaît l’importance de ses gestes.

En outre, il rappelle les obligations légales de l’employeur en matière de cadenassage suivant l’article 51 LSST, ainsi que celles du travailleur prévues à l’article 49 LSST, notamment celle de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé et de se conformer aux règles déterminées par l’employeur en cette matière. Les articles 237 et 239 LSST prévoient également de lourdes peines tant pour l’employeur que pour le travailleur en cas de dérogation à ces règles.

Domtar inc. — usine de Matagami et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 3057 (Lucien Rouleau)[8].


1.5 Congédiement modifié

Le congédiement imposé à un opérateur de déchiqueteuse pour avoir omis de respecter la procédure d’arrêt de cette machine en ne coupant pas le courant et en ne mettant pas un cadenas est modifié en une suspension d’un an; l’employeur aurait dû lui donner une formation adéquate.

L’arbitre a retenu le fait que le plaignant avait commis ce manquement à l’occasion d’un retour au travail après une longue absence sans avoir reçu de formation véritable portant sur le fonctionnement sécuritaire de la déchiqueteuse et sur sa procédure d’arrêt. L’importance de cette règle exigeait que l’employeur satisfasse à cette obligation. Au surplus, l’arrêt de la machine au moment de l’heure du repas constituait une situation nouvelle dans l’entreprise. À titre de circonstances aggravantes, on doit considérer que le plaignant a fait preuve d’insubordination et qu’il avait peu d’ancienneté, ce qui justifie une longue suspension.

Vytalbase-Recall (division de Brambles Canada inc.) et Syndicat des travailleuses et travailleurs de Recall-Québec (CSN) (Bobby Custer)[9].


2. Conduite dangereuse d’un véhicule

2.1 Suspension confirmée

Une suspension de cinq jours versée au dossier disciplinaire d’un magasinier dans un entrepôt de produits chimiques est juste et raisonnable afin de sanctionner sa conduite non sécuritaire d’un chariot élévateur alors qu’un risque de faire tomber les produits ou de provoquer un incendie était présent.

Pendant l’exécution de son travail, le plaignant a poussé un autre chariot élévateur par l’arrière sans faire attention à la présence de collègues.

L’arbitre a mentionné que, même si cette manœuvre n’a causé qu’un bris minime au véhicule de l’employeur, il s’agit d’une faute grave. Le plaignant n’avait aucun motif raisonnable justifiant sa conduite et il avait suivi une formation de cariste. Il souligne l’obligation réciproque qu’a le salarié d’exécuter son travail avec prudence et diligence en vertu de l’article 49 LSST.

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 480 (FTQ) et AirBoss Produits d’ingénierie inc. (Mario Boyer)[10].


2.2 Congédiement confirmé

La suspension de 10 jours et le congédiement imposés à un cariste (chauffeur de chariot élévateur) pour avoir effectué des manœuvres dangereuses à l’occasion de la conduite de ce véhicule sont confirmés; il avait un dossier disciplinaire chargé et seulement 8 mois d’ancienneté.

Le syndicat a allégué que le geste du plaignant ne constituait pas une faute, mais qu’elle était due à un manque d’expérience. Il a ajouté qu’il n’y avait aucun danger, car aucun employé ne se trouvait dans les environs.

L’arbitre a conclu que ces fautes sont graves même si elles ont été provoquées par une erreur d’inattention, un oubli ou un manque d’expérience. Il a souligné qu’il s’agissait d’une récidive.

Sobeys Québec inc. et Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 (TUAC) (Cédric Guitard-Milot)[11].

Le congédiement imposé à un opérateur de monte-charge pour avoir volontairement fait un geste qui allait à l’encontre des règles de santé et de sécurité du travail est confirmé, malgré son dossier disciplinaire vierge.

Le plaignant a déplacé un véhicule électrique qui obstruait son chemin en le soulevant avec les fourches du chariot élévateur et en le transportant en marche arrière. Lorsqu’il a voulu le ranger à une hauteur de 15 pieds, à un endroit inhabituel, le véhicule a basculé et s’est écrasé sur le sol. Le plaignant a menti à plusieurs reprises sur les causes de ce bris.

L’arbitre a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un accident, mais plutôt d’un geste conscient et délibéré. C’est une faute très grave, compte tenu également de son expérience, de la formation reçue et du suivi offert en santé et sécurité du travail. Outre ses regrets et son dossier disciplinaire vierge, il n’y a pas d’autres facteurs atténuants. Enfin, le plaignant a menti à plusieurs reprises à l’employeur.

Sobeys Québec inc. et Syndicat TUAC — Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 – FTQ (Pascal Pelletier)[12].


2.3 Congédiement modifié

Le congédiement imposé à un cariste pour avoir contrevenu aux règles de santé et de sécurité du travail en tolérant la présence d’un collègue à une courte distance de son chariot élévateur est modifié en une suspension de 10 jours.

L’arbitre a conclu que le congédiement était une mesure disproportionnée aux fautes d’avoir manqué à l’obligation de s’assurer de l’absence d’une personne dans la zone de dégagement et d’avoir menti dans le rapport d’incident. Il a tenu compte du dossier disciplinaire du plaignant, qui ne contient qu’une suspension de 1 jour pour avoir eu un comportement inadéquat à l’occasion d’une réunion, de ses 15 ans d’ancienneté, du fait qu’il n’a pas menti dans le but d’en retirer un avantage, mais pour protéger, à tort, un collègue et, enfin, du climat de travail malsain dans l’entreprise.

Teamsters Québec, section locale 1999 et Réno Dépôt (Réal Laberge)[13].


Le congédiement d’un gardien-ménage, imposé pour avoir conduit un véhicule de façon négligente dans la cour à bois, est remplacé par une suspension de six mois.

L’arbitre a mentionné que le congédiement découlait sans doute en partie des statistiques de l’usine en matière de santé et de sécurité, mais que l’employeur aurait dû donner au plaignant un avis plus officiel s’il considérait que sa conduite était dangereuse et susceptible de causer un accident.

Le principe de la progression des sanctions aurait dû être respecté, mais une suspension exceptionnellement longue est appropriée, en raison des nombreux avis verbaux et de la politique de « tolérance zéro » de l’employeur en matière de santé et de sécurité. De plus, si le plaignant avait reconnu avoir été mis en garde contre sa façon de conduire, il n’aurait pas mérité une suspension aussi longue. Enfin, une telle suspension envoie un message clair aux autres employés en ce qui a trait à la politique sur la santé et la sécurité du travail.

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 3057 (SCEP) et Domtar — Division des produits forestiers - Scierie de Matagami (Pierre Letendre)[14].


3. Être sous l’effet de l’alcool ou de la drogue

3.1 Congédiement confirmé

Le congédiement imposé à des soudeurs pour avoir consommé du cannabis sur les lieux du travail à de nombreuses reprises est confirmé; il s’agit d’une faute grave permettant de passer outre au principe de la progression des sanctions.

Les plaignants devaient utiliser un pont roulant, un chariot élévateur (« lift ») ainsi qu’une machine à souder. Leur travail comporte des dangers de brûlure et d’explosion. Ils occupaient des fonctions qui demandaient une vigilance constante. Ils jouissaient d’une grande autonomie, sans surveillance; ils pouvaient travailler en hauteur.

L’arbitre a rappelé que la jurisprudence est claire sur le fait que la consommation de drogue sur les lieux du travail constitue une faute grave malgré une certaine acceptation sociale. Les plaignants ont eu un comportement susceptible de mettre en danger leur sécurité et celle de leurs collègues de façon répétée, faisant ainsi preuve d’une insouciance grave face aux règles de santé et de sécurité du travail. En outre, ils connaissaient l’existence de la politique de « tolérance zéro » en matière d’alcool et de drogue. De plus, aucune preuve n’a été présentée afin de conclure qu’ils étaient en voie de réhabilitation.

Infasco, division d’Ifastgroupe et Syndicat des métallos, section locale 6839 (griefs individuels, Robin Harvey et un autre)[15].
 

Le congédiement imposé à un préposé à l’outillage au service d’une entreprise du secteur paramilitaire pour avoir eu de la drogue en sa possession, en avoir consommé jusqu’à 10 fois par quart de travail et en avoir donné à 2 collègues alors qu’il se trouvait sur les lieux du travail est confirmé.

L’employeur exploite une entreprise paramilitaire qui fabrique notamment des produits de défense.

L’arbitre rappelle que, mis à part le caractère criminel de la consommation de marijuana sur les lieux du travail, il est unanimement reconnu qu’un tel comportement constitue également une menace pour la santé et la sécurité des salariés. Il déclare que, même si aucun incident n’est survenu découlant d’une telle consommation et que la performance du plaignant n’en ait pas été compromise, ce comportement a eu pour effet d’accroître les risques en matière de santé et de sécurité du travail. Il ne retient pas, à titre de facteur atténuant, le fait de ne consommer que de petites quantités à la fois. En outre, il n’est pas établi que le dossier disciplinaire était vierge et, même s’il l’était, la faute est grave. Il a conclu qu’une réhabilitation était illusoire.

CAE inc. et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP) (Sylvain Palardy)[16].

Voir aussi : Emballages Polystar inc. et Syndicat des travailleuses et travailleurs de Polystar et Polyfilm (CSN) (Daniel Grenier)[17].


4. Port d’équipement de protection

4.1 Congédiement confirmé

Le congédiement imposé à un trieur dans un centre de tri pour avoir refusé de se raser la barbe afin de porter un masque de protection respiratoire conformément aux règles relatives à la santé et à la sécurité du travail est confirmé.

L’employeur a établi une politique concernant la protection respiratoire, laquelle exigeait le port d’un masque. Il a clairement avisé les salariés que le non-respect de la politique pourrait entraîner le congédiement. Afin d’assurer l’étanchéité du masque, les salariés ont dû se raser la barbe.

L’arbitre a souligné que l’obligation de se raser ne découle pas d’une simple politique ou d’un règlement d’entreprise visant à préserver l’image de l’employeur, mais bien d’une obligation légale qui lui est imposée et qui vise un objectif légitime, soit la protection de la respiration des salariés.

Cette obligation afin de porter un masque à titre de protection respiratoire dans le milieu de travail constitue une atteinte au droit à l’intégrité physique du salarié protégée par la Charte des droits et libertés de la personne, mais cette atteinte est justifiée, car elle est imposée dans un objectif légitime et il s’agit d’une atteinte minimale.

Rebuts solides canadiens inc. et Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP-301) (Sylvain Dionne)[18].


4.2 Suspension modifiée

Des suspensions de huit et de quatre semaines imposées à deux chauffeurs d’équipement de production du secteur de la métallurgie pour avoir contrevenu aux règles de santé et de sécurité à l’occasion de travail en hauteur ont été réduites respectivement à quatre et à une semaine.

Le premier plaignant a demandé au second, un chauffeur de machinerie lourde, de le hisser à l’intérieur d’un wagon sur roues en utilisant un godet afin d’aller le réparer. Son collègue l’a soulevé à une hauteur de sept pieds alors qu’il n’était pas attaché au moyen d’un harnais et qu’il ne portait pas de lunettes protectrices. Le second plaignant a omis de verrouiller la locomotive lorsque son collègue était en hauteur.

L’arbitre a établi que les suspensions imposées étaient trop sévères parce que ces salariés n’avaient pas été informés d’une méthode de travail adéquate, qu’ils comptaient chacun 36 ans d’ancienneté, que l’employeur avait été plus clément à l’égard d’autres salariés et que la politique de ce dernier visait à corriger les comportements déficients plutôt qu’à imposer une mesure disciplinaire immédiatement.

Syndicat des ouvriers du fer et du titane (CSN) et QIT-Fer et titane inc. (griefs individuels, Vincent Brouillard et un autre)[19].


5. Fumer

5.1 Congédiement confirmé

Le congédiement imposé à un balayeur dans une minoterie pour avoir fumé dans le vestiaire est confirmé.

L’arbitre a décidé que l’employeur était bien fondé à appliquer une politique de « tolérance zéro » concernant l’interdiction de fumer au travail. Les risques d’explosion sont réels, et de telles explosions sont déjà survenues dans d’autres usines. L’employeur a clairement communiqué aux salariés sa politique concernant l’usage du tabac au travail. Le plaignant connaissait cette directive et il savait que le fait d’y contrevenir pouvait entraîner un congédiement. L’arbitre s’est dit d’avis que la grande ancienneté du plaignant constituait un facteur aggravant puisqu’il ne pouvait ignorer ses obligations.

Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 et ADM Milling Co., Montréal (Québec) (Marc Poissant)[20].

Voir aussi : Syndicat des travailleuses et travailleurs d’Abitibi-Consolidated, division Senneterre (FTPF-CSN) et Abibow Canada inc. (Gabriel Drainville)[21] où une suspension de 10 jours imposée à un salarié travaillant dans une scierie pour avoir fumé a été confirmée.


Conclusion

Il ressort de la jurisprudence analysée que la formation des employés en matière de santé et de sécurité du travail est primordiale, que les politiques de l’employeur adoptées en cette matière doivent être portées à la connaissance de ces derniers et que des suivis doivent être effectués de façon attentive.

Il n’en a pas été question dans cet exposé, mais le non-respect de l’employeur des règles de santé et de sécurité du travail entraîne pour lui un fardeau financier important découlant du financement du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et la contravention à ses obligations légales peut même entraîner des poursuites criminelles et pénales.

Le laxisme de l’employeur dans ce domaine n’a donc pas sa place, et il est tout à fait à son avantage d’exercer son pouvoir disciplinaire lorsqu’un employé récalcitrant ne veut pas suivre les consignes en matière de santé et de sécurité du travail.

D’autre part, une suspension sévère ou un congédiement est justifié dans les cas de récidive, et ce, particulièrement dans le cas de milieu de travail à risque de blessures graves ou présentant des dangers réels. Enfin, une longue ancienneté ne constitue pas nécessairement un facteur atténuant, surtout s’il est démontré qu’en raison de son expérience de travail, le salarié connaissait les règles en la matière ainsi que les dangers inhérents à ses fonctions.

Source : VigieRT, juin 2014.


1 RLRQ, c. S-2.1.
2 RLRQ, c. C -12.
3 (T.A., 2012-12-11), SOQUIJ AZ-50923837, 2013EXPT-198, D.T.E. 2013T-74.
4 (T.A., 2011-11-23), SOQUIJ AZ-50808556, 2012EXPT-117, D.T.E. 2012T-33.
5 (T.A., 2012-08-28), SOQUIJ AZ-50898081, 2012EXPT-2067, D.T.E. 2012T-720.
6 (T.A., 2011-12-14), SOQUIJ AZ-50815104, 2012EXPT-208, D.T.E. 2012T-72.
7 (T.A., 2012-03-21), SOQUIJ AZ-50841793, 2012EXPT-870, D.T.E. 2012T-288.
8 (T.A., 2008-12-12), SOQUIJ AZ-50528686, D.T.E. 2009T-114.
9 (T.A., 2011-05-30) (décision rectifiée le 2011-06-15)), SOQUIJ AZ-50757559, 2011EXPT-1101, D.T.E. 2011T-393.
10 (T.A., 2013-04-02), SOQUIJ AZ-50953252, 2013EXPT-777, D.T.E. 2013T-281.
11 (T.A., 2013-10-21), SOQUIJ AZ-51011447, 2013EXPT-2090, D.T.E. 2013T-769.
12 (T.A., 2011-08-10), SOQUIJ AZ-50781236, 2011EXPT-1951, D.T.E. 2011T-717.
13 (T.A., 2010-09-27), SOQUIJ AZ-50680041, 2010EXPT-2533, D.T.E. 2010T-778.
14 (T.A., 2009-06-09), SOQUIJ AZ-50560346, D.T.E. 2009T-484.
15 (T.A., 2013-05-06), SOQUIJ AZ-50963210, 2013EXPT-1075, D.T.E. 2013T-389.
16 (T.A., 2012-07-25), SOQUIJ AZ-50879659, 2012EXPT-1659, D.T.E. 2012T-578.
17 (T.A., 2008-12-04), SOQUIJ AZ-50532247, D.T.E. 2009T-134.
18 (T.A., 2013-12-02), SOQUIJ AZ-51025065, 2014EXP-165, 2014EXPT-78, D.T.E. 2014T-33.
19 (T.A., 2010-12-09), SOQUIJ AZ-50710534, 2011EXPT-471, D.T.E. 2011T-162.
20 (T.A., 2013-04-09), SOQUIJ AZ-50958802, 2013EXPT-883, D.T.E. 2013T-309.
21 (T.A., 2013-03-05), SOQUIJ AZ-50943309, 2013EXPT-732, D.T.E. 2013T-263.

France Rivard