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La période des Fêtes : pas toujours un cadeau!

Faire un cadeau durant la période des Fêtes demeure une manière traditionnelle et, dans bien des cas, appropriée de manifester son appréciation et de remercier d’importants clients, fournisseurs, associés et autres partenaires d’affaires qui ont contribué à la réussite de l’entreprise. Toutefois, par suite du récent battage médiatique entourant les allégations de collusion, de corruption et de pots-de-vin au Québec et des révélations faites à la commission Charbonneau, nombreux sont ceux qui se demandent si les cadeaux d’entreprise ont toujours leur place.

9 décembre 2013
Jacques Rousse, CRIA et Rachel Solyom

Beaucoup d’entreprises y verront à tout le moins une occasion de revoir leur code d’éthique et de définir, à l’intention de leurs employés, des règles claires sur les cadeaux d’entreprise acceptables. Si certaines sociétés, en particulier celles qui sont actives dans les processus de marchés publics ou celles qui font souvent les manchettes, ont décidé d’interdire tous les cadeaux, la plupart adoptent une position plus modérée et se contentent d’établir des lignes directrices sur les cadeaux acceptables, offerts et reçus. 

Faire la distinction entre les cadeaux et les pots-de-vin 
Un cadeau est un don symbolique de valeur minime qui n’a pas pour but de compromettre et qui ne compromet pas, du point de vue d’une personne raisonnable, l’objectivité ou l’impartialité de son destinataire. En revanche, un pot-de-vin est un cadeau ou un autre avantage visant à influencer le destinataire ou à procurer un certain avantage à la personne qui l’offre. Il y a conflit d’intérêts lorsque l’intérêt personnel d’un individu affecte sa capacité de servir au mieux les intérêts de l’entreprise. En règle générale, les employés doivent non seulement éviter les conflits d’intérêts réels, mais aussi s’abstenir de se placer dans une situation qui pourrait raisonnablement donner l’impression d’un conflit d’intérêts. 

Fixer la limite quant aux cadeaux appropriés
Comment distinguer un cadeau d’un pot-de-vin? 

La personne qui offre le cadeau doit se demander :

  • Le cadeau est-il illégal?
  • Est-il offert dans l’espoir d’influer sur la relation d’affaires? S’attend-on à un geste réciproque?
  • Le cadeau est-il conforme aux pratiques habituelles et acceptables de mon secteur d’activité?
  • Si le fait d’offrir ce cadeau était mentionné dans les médias, est-ce que je me sentirais à l’aise ou obligé de défendre mon geste? Cela aurait-il une incidence défavorable sur ma réputation professionnelle ou sur celle de mon entreprise?

La personne qui reçoit le cadeau doit se demander :

  • Le cadeau offert est-il illégal ou contraire à un code de conduite ou à une politique?
  • Si j’accepte le cadeau, serai-je en mesure de continuer à remplir mes fonctions de manière objective et impartiale ou me sentirai-je redevable?
  • Un observateur raisonnable pourrait-il avoir l’impression qu’on m’a « acheté » ou que je ne serai plus en mesure de remplir es fonctions de manière objective et impartiale?

Adoption d’une politique en matière de cadeaux
Il y a plusieurs bonnes raisons d’adopter une politique en matière de cadeaux, que ce soit dans le cadre du code de conduite ou du code d’éthique de l’entreprise ou encore d’une politique indépendante. Selon la nature de votre entreprise, vous pouvez être soumis à des obligations légales précises en vertu de lois étrangères sur la corruption de gouvernements ou de fonctionnaires. Il existe également une possibilité d’actes criminels liés au versement de pots-de-vin à des fonctionnaires et à la corruption en vertu du Code criminel. Même si ces considérations ne constituent pas une préoccupation particulière pour vous, le caractère primordial de la protection et du maintien de la réputation de votre entreprise milite en faveur de la mise en place d’une telle politique.

Facteurs à prendre en compte dans l’élaboration d’une politique en matière de cadeaux
La politique doit tenir compte des besoins de l’entreprise et devrait comporter les points suivants.

Déterminer à qui la politique s’applique

  • Les politiques en matière de cadeaux s’appliquent généralement à tous les employés et peuvent même s’appliquer aux entrepreneurs et aux autres tiers qui ont des liens professionnels étroits avec l’entreprise.
  • On peut aussi définir certaines catégories d’employés à haut risque aux fins de l’application de la politique, par exemple le personnel des ventes, de l’approvisionnement, du marketing ou tous les employés de bureau.

Définir clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas pour la personne qui donne et celle qui reçoit

  • Certaines entreprises adoptent une politique de tolérance zéro et interdisent à leurs employés de donner ou de recevoir quelque cadeau que ce soit en leur qualité d’employé.
  • Le plus souvent, les entreprises autorisent les cadeaux symboliques ou coutumiers ayant une valeur minime ou raisonnable. Cependant, il est avisé de se demander :
    • si certaines catégories de cadeaux doivent être expressément interdites (cadeaux en argent, alcool, etc.);
    • si les cadeaux à certaines catégories de personnes doivent être expressément interdits, tels un représentant d’une administration publique, ou toute personne ayant un rôle à jouer dans l’attribution de contrats.
  • On peut également établir une valeur maximale pour les cadeaux offerts ou reçus ou exiger des employés qu’ils déclarent les cadeaux offerts ou reçus dont le montant dépasse une valeur établie.

Établir un processus de mise en application

  • Indiquer clairement dans quelles circonstances les employés doivent déclarer une situation ou la communiquer aux échelons supérieurs.
  • Établir le processus permettant aux employés d’obtenir des indications supplémentaires et désigner une personne-ressource.
  • Établir la conduite à respecter par les employés qui reçoivent un cadeau allant à l’encontre de la politique.
  • Informer et former efficacement les employés sur la politique et son application.

Donner des lignes directrices sur les communications entre les employés et les relations d’affaires

  • Informer officiellement les principaux fournisseurs, clients et partenaires d’affaires au sujet de la politique avant la période des Fêtes (en particulier si les cadeaux sont formellement interdits).
  • Fournir aux employés un texte qu’ils peuvent utiliser pour communiquer avec leurs relations d’affaires s’ils doivent refuser ou retourner un cadeau.

En établissant une politique en matière de cadeaux et en déterminant les risques que peuvent comporter les cadeaux d’entreprise, vous fournirez aux employés les orientations dont ils ont besoin pour gérer ces situations souvent délicates et protégerez votre entreprise contre des répercussions potentiellement embarrassantes.


À propos des auteurs
Jacques Rousse, CRIA est le leader national du groupe de pratique du droit du travail et de l’emploi du cabinet d’avocats McCarthy Tétrault. Associé au bureau de Montréal, il est également le leader du groupe de litige du cabinet pour la région du Québec. On peut le joindre par téléphone [514 397-4103] ou par courriel [jrousse@mccarthy.ca].

Rachel Solyom est associée au sein du groupe du droit du travail et de l’emploi du cabinet d’avocats McCarthy Tétrault. Sa pratique est axée exclusivement sur la représentation patronale en droit du travail et de l’emploi. Me Solyom conseille et représente des entreprises canadiennes et étrangères de divers secteurs d’activité relativement à tous les aspects liés à l’emploi, notamment dans le cadre d’opérations de restructuration et de fusion et acquisition. On peut la joindre par téléphone [514 397-4445] ou par courriel [rsolyom@mccarthy.ca].


Jacques Rousse, CRIA et Rachel Solyom