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La médiation en entreprise : impartialité et indépendance

Dans le contexte de l’entreprise, le gestionnaire des ressources humaines doit intervenir ponctuellement afin de résoudre des conflits interpersonnels ou organisationnels.

16 décembre 2010
Daniel Fillion, CRHA

Il est avant tout un représentant de la direction; mais en même temps, il doit agir avec impartialité afin de garantir une certaine équité procédurale dans le traitement des dossiers qui impliquent des employés aux prises avec des conflits relationnels.

Les luttes de pouvoir, la hiérarchie, la confidentialité sont des éléments qui viennent compliquer le rôle de tiers impartial exercé par le professionnel de la gestion des ressources humaines au sein d’une entreprise. Peut-il agir à titre de médiateur au sein d’une entreprise avec l’impartialité requise? Le fait d’être membre d’un ordre professionnel lui confère-t-il une garantie d’indépendance par rapport à la hiérarchie de l’entreprise?

À la lumière des principes fondamentaux de la médiation que propose Stimec dans son ouvrage intitulé La médiation en entreprise, nous tenterons de faire la lumière sur ces enjeux. Les principes sont les suivants…

  • Liberté des parties – La médiation doit être acceptée par les parties en toute connaissance de cause. Le médiateur doit donc expliquer toutes les étapes
    et les règles du processus.
  • Neutralité et impartialité du médiateur – Le rôle du médiateur n’est pas de trancher en faveur d’une partie ou d’une autre. Son rôle est de faire évoluer une situation et de rétablir la communication entre les parties.
  • Adhésion des parties – Les parties doivent adhérer librement aux règles et principes de la médiation.
  • Responsabilité du processus – Le médiateur est responsable du processus et donc de la forme, le fond du problème étant de la responsabilité des parties.
  • Empathie – La personne est au centre du processus et le médiateur doit faire preuve d’empathie afin de faire évoluer le déroulement de la médiation.
  • Confidentialité et secret professionnel – Il est fondamental qu’il y ait un engagement des parties, incluant le médiateur, quant au respect de la confidentialité. Comme la confiance est au cœur du processus, le succès de la médiation repose sur cet engagement.
  • Indépendance du médiateur – Le médiateur a une obligation de moyen et non de résultat. Son indépendance par rapport à la hiérarchie interne est essentielle et doit être respectée.

L’intention dans ce bref exposé n’est pas d’analyser tous ces principes, mais plutôt d’utiliser les plus pertinents dans la pratique de la médiation.

Le concept d’impartialité face au pouvoir hiérarchique
Le médiateur interne doit composer avec le jeu des pouvoirs et il est clair que tous ne sont pas égaux dans la hiérarchie d’une entreprise. Sans compter les pressions qu’il aura à subir de la part du pouvoir hiérarchique.

Il devient, dès lors, assez délicat pour le médiateur de rééquilibrer les pouvoirs par différentes tactiques. Son rôle actif et son savoir-être sont fondamentaux dans le déroulement du processus de médiation. Le fait d’être mandaté par une tierce partie afin d’intervenir dans la résolution d’un conflit peut, à certains égards, être un obstacle à l’adhésion des parties.

Il est donc clair qu’un déséquilibre des pouvoirs peut nuire considérablement à l’atteinte d’une entente entre les parties. Le médiateur doit être prudent car son impartialité peut être remise en question s’il tente d’aider la partie la plus faible.

Afin de contrer ce déséquilibre, diverses techniques peuvent être utilisées telles que l’attribution des sièges, l’aménagement des lieux physiques, l’établissement des règles comportementales de base. Il est important d’encourager la partie la plus faible à faire valoir son point de vue, alors que la partie la plus forte écoutera et s’abstiendra d’user de tactiques de manipulation.

Par ailleurs, Stimec propose deux critères majeurs dans la détermination du type de médiation à utiliser : la complexité et le niveau de tension des situations. Il affirme : « Par défaut, la médiation a donc tout lieu d’être interne et informelle dans le cadre du management courant. L’existence de facteurs émotionnels, l’ancienneté du conflit, la complexité des enjeux ou le caractère explosif de la situation conduisent à envisager un cadre plus formel et/ou un intervenant extérieur. »

Ce type d’évaluation devient fondamental pour le gestionnaire lorsqu’il fait face à une situation conflictuelle. En effet, une mise en garde s’impose : faire traiter toutes les situations de manière formelle par un médiateur externe peut conduire à décrédibiliser la hiérarchie et à amplifier la dimension conflictuelle. Au même titre, traiter toutes les situations de manière informelle pourrait mener à une perte de contrôle et de confiance des parties. Une bonne connaissance des enjeux et une formation adéquate sur le processus de médiation s’imposent si le gestionnaire des ressources humaines veut tirer son épingle du jeu et proposer des solutions originales à la résolution de conflits.

La confidentialité et l’indépendance du médiateur
Le professionnel de la gestion des ressources humaines est souvent confronté à une multitude de situations dans lesquelles il doit agir comme tiers médiateur (dans des relations individuelles ou collectives). Son rôle consiste à rétablir le dialogue entre les parties pour en arriver à une entente qui soit satisfaisante pour les participants. À cet égard, la liberté des parties et leur adhésion sont primordiales et permettent d’établir le consensus préalable à une entente.

La confidentialité et le secret professionnel sont à notre avis la base de la crédibilité du médiateur et du processus. Comme la fonction de médiateur est peu répandue en entreprise, et par conséquent peu professionnalisée, les ententes de confidentialité sont plutôt rares. Ceci met une certaine pression sur celui qui agit comme médiateur. Il y a indéniablement un dilemme éthique pour le professionnel de la gestion des ressources humaines qui agit comme médiateur. Le médiateur externe offrirait un degré de confidentialité supérieur, du moins en apparence. Cette légitimité basée sur la confidentialité devrait être reconnue par les parties, même si dans les faits, elle ne l’est pas toujours. Le problème se pose particulièrement lorsque l’intervenant interne tente de résoudre un conflit en utilisant la médiation sans s’assurer de l’adhésion des parties.

Quelles seraient les solutions qui permettraient une meilleure garantie de confidentialité pour les parties dans le processus de médiation interne?

La professionnalisation de la médiation est au cœur de la légitimité de ce processus. Comme cette profession n’est pas reconnue actuellement, il devient impératif, pour le professionnel qui l’intègre dans sa pratique, de se protéger et de garantir aux participants une confiance dans le processus. La crédibilité du professionnel réside dans sa capacité à maintenir un haut degré de confidentialité et d’indépendance sans égard aux pressions provenant du pouvoir hiérarchique.

Il dispose de deux moyens afin de garantir la confidentialité et son indépendance :

  • la protection offerte par la Loi;
  • l’équité procédurale.
La protection offerte par la Loi
Le droit au respect du secret professionnel est fondamental et a été reconnu d’ordre public. Le professionnel membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés a le privilège d’avoir un titre réservé par le Code des professions. Le Code prévoit qu’il est tenu au respect du secret professionnel. Cela signifie que les renseignements qui lui sont confiés sont confidentiels s’ils sont obtenus dans l’exercice de sa profession. Par conséquent, les informations recueillies lors des séances de médiation sont confidentielles et ne peuvent être divulguées.

Il s’agit donc pour le médiateur d’informer les participants à une médiation de cette protection et d’inclure une clause de non contraignabilité dans l’entente de consentement à la médiation.

L’équité procédurale
La garantie d’équité dans le processus de médiation passe par le respect d’un processus rigoureux et structuré. Le médiateur devient responsable du processus de médiation et n’a pas nécessairement comme objectif ultime d’en arriver à une entente.

Le professionnel de la gestion des ressources humaines doit intégrer le processus de médiation de manière plus formelle dans ses interventions; il pourra ainsi satisfaire le besoin d’équité que recherchent les parties. De plus, il satisfera aux principes fondamentaux de la médiation cités plus haut.

Une manière simple de s’assurer que le processus de médiation respecte ces principes est d’élaborer une entente de consentement à la médiation. Il s’agit de mettre en place un document qui aura comme avantage de rassurer les participants tout en garantissant la protection des parties et du médiateur. Essentiellement, l’entente de consentement à la médiation précise les éléments suivants :

  • processus volontaire
  • rôle du médiateur
  • impartialité du médiateur
  • présence aux séances de médiation
  • confidentialité
  • règles du caucus
  • durée du processus
  • précision concernant le fait que le médiateur est membre d’un ordre professionnel (responsabilité professionnelle et garantie de confidentialité)
  • logistique : lieux, heures, dates, personnes présentes

Avec ce type de document, la médiation devient plus formelle et démontre une rigueur et un professionnalisme certains. C’est par ce document que le professionnel pourra faire valoir l’importance des principes de la médiation. La pression de la hiérarchie devra aussi se plier aux exigences du processus de médiation.

Conclusion
Le professionnel de la gestion des ressources humaines fait face à plusieurs défis lorsqu’il intègre la médiation dans sa pratique professionnelle. Ses rôles comme gestionnaire et représentant de la direction peuvent, à certains égards, être un obstacle au processus de médiation.

Sept principes fondamentaux doivent être respectés afin d’assurer un processus équitable. La médiation en entreprise doit être rigoureuse et structurée, d’autant plus qu’elle est souvent empreinte d’une charge émotive très importante.

On ne s’improvise pas médiateur. Une formation rigoureuse est nécessaire afin que le professionnel puisse intervenir efficacement. L’indépendance du médiateur est fondamentale afin de maintenir la crédibilité du processus. Le gestionnaire, grâce à une pratique rigoureuse, pourra se faire respecter par le pouvoir hiérarchique. Que ce soit par une entente de consentement à la médiation bien rédigée ou par l’importance du secret professionnel, le médiateur en entreprise pourra offrir des solutions originales et utiles à la prévention et à la résolution des conflits.

Daniel Fillion, CRHA, médiateur accrédité

Source : Effectif, volume 13, numéro 5, novembre/décembre 2010.


Daniel Fillion, CRHA