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D’expert à conseiller

Le spécialiste en relations du travail en entreprise a vu son rôle se transformer sérieusement en raison des nouveaux défis que doivent relever les organisations. Traditionnellement, sa fonction était définie d’un point de vue strictement opérationnel. Ses responsabilités étaient principalement reliées à l’administration des conventions collectives, à la gestion de la discipline et à la gestion de la santé et de la sécurité du travail.

21 septembre 2009
Marc-André Robert, CRIA

La nature de la fonction consistait à promouvoir des rapports constructifs et fondés sur le respect mutuel entre l’employeur, les employés et leurs représentants.

Aujourd’hui, le spécialiste en relations du travail est – ou devrait être – considéré comme un partenaire à valeur ajoutée et non comme un expert faisant partie des « coûts » associés aux ressources humaines. En effet, la diversité et la complexité du marché du travail ont contribué à faire évoluer son rôle de sorte qu’il est désormais plus stratégique que technique. Dorénavant, il doit également analyser, concevoir et recommander des mesures d’intervention pour prévenir ou résoudre des problèmes existants ou potentiels liés aux relations du travail dans l’organisation, même en l’absence de plainte officielle ou de conflit véritable. Ses interventions doivent maintenant préconiser la conciliation plutôt que la confrontation. La gestion de l’obligation récente pour un employeur d’offrir un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique au travail en demeure un exemple fort à propos.

Les conseils stratégiques du spécialiste en relations du travail ne se limitent plus au règlement au cas par cas des dossiers de discipline ou d’accidents du travail des employés; ils visent à présent à établir et à maintenir des relations du travail appropriées à l’atteinte des objectifs globaux de l’organisation. Ce rôle stratégique de conseiller se manifeste également dans la détermination de critères et d’indicateurs de performance de la fonction. Ainsi, le conseiller est en mesure non seulement de qualifier, mais aussi de quantifier l’impact de son travail sur l’atteinte des résultats de l’organisation. C’est en analysant les pratiques de gestion existantes, en dressant un bilan et en formulant des recommandations en vue de fixer des objectifs quantifiables qu’il est capable de démontrer la valeur ajoutée de son travail. Les critères susceptibles d’être évalués sont notamment le nombre de griefs et de plaintes ainsi que le délai moyen de traitement et le mode de règlement, le taux d’accidents du travail, le taux d’absentéisme et le coût des honoraires professionnels.

Bien entendu, le volet opérationnel de la fonction sera toujours indissociable du rôle du conseiller en relations du travail. Il lui reviendra d’utiliser le bon chapeau en fonction de la situation.

L’influence passe par la crédibilité
On dit du bon conseiller en relations du travail qu’il possède l’ascendant nécessaire pour positionner son dossier afin de faire passer ses idées et pour réussir à aplanir les tensions en levant les résistances. En fait, pour être en mesure d’accroître son influence au sein de son organisation et surtout à l’endroit de ses vis-à-vis syndicaux, il doit bâtir et conserver sa crédibilité. Ce sont évidemment ses habiletés politiques et communicationnelles, son leadership et son sens de la persuasion qui lui permettent d’avancer dans l’organisation et dans sa carrière. Par ailleurs, sa crédibilité et son impact sur les décisions stratégiques de l’organisation s’appuient sur son esprit d’analyse et de synthèse et sur son jugement. Quelle que soit sa stratégie pour régler un conflit en milieu de travail, sa crédibilité au sein de l’équipe de gestion et surtout aux yeux de ses interlocuteurs est son atout majeur dans sa gestion de crise.

Pour être en mesure de jouer un rôle stratégique, le conseiller en relations du travail doit avoir une compréhension globale et réaliste de l’ensemble de l’organisation et de son contexte économique, politique et social. Pour ce faire, il doit être en mesure de suivre les indicateurs financiers de l’entreprise, de bien les comprendre, voire de les remettre en question avec ses collègues du service des finances! Dans un contexte d’intervention stratégique, il doit pouvoir décoder l’organisation et lier sa fonction aux autres fonctions de l’entreprise. Il doit parler le même langage que les autres stratèges, comprendre le fondement même de l’entreprise et ses aspects économiques et financiers, ainsi que le langage marketing et celui des opérations. Cette connaissance du contexte dans lequel évolue l’entreprise sera sa meilleure arme afin d’analyser, de recommander et de négocier adéquatement les conditions de travail nécessaires à l’atteinte des objectifs de l’organisation.

Afin de contribuer à la réflexion stratégique de l’organisation, le conseiller en relations du travail doit également être apte à procéder à un diagnostic général des forces et des faiblesses de l’entreprise quant à ses ressources humaines. Son diagnostic devra porter sur l’état des compétences organisationnelles et individuelles, la structure organisationnelle et l’organisation du travail, le climat organisationnel et les pratiques de gestion en vigueur dans l’entreprise.

Pour jouer son rôle stratégique efficacement, il doit par ailleurs utiliser ses connaissances spécifiques en matière de gestion des relations du travail (rôle d’expert) au moment de soumettre et de défendre ses recommandations. Ainsi, s’il recommande une stratégie spécifique dans une situation de décroissance, il doit être capable d’identifier efficacement les éléments de la convention collective susceptibles de poser des problèmes ainsi que les coûts qui peuvent y être associés (indemnités de terminaison d’emploi, clauses de mouvement de main-d’œuvre, changements technologiques).

À titre de stratège et de tacticien en situation de conflit, le conseiller en relations du travail doit prendre les moyens pour éviter l’inévitable. La gestion des conflits débute par la gestion du risque. Lorsqu’un conflit éclate ou est sur le point de se déclarer, la priorité du conseiller sera de tout faire pour garder le contact avec son interlocuteur. De même, en période de négociation d’une convention collective impliquant des changements majeurs sur le plan des acquis syndicaux par exemple, il aura comme approche stratégique de ne pas briser le lien de communication avec ses interlocuteurs syndicaux.

Depuis l’assainissement des relations du travail au milieu des années quatre-vingt, les parties patronale et syndicale semblent de plus en plus disposées à remettre en question la dynamique traditionnelle en acceptant, par exemple, de signer des conventions collectives de longue durée aussi appelées « contrats sociaux », d’élargir le dialogue patronal/syndical et d’innover dans les mécanismes de négociation. En marge des situations habituelles de conflits de travail, et particulièrement dans un climat économique incertain, le conseiller en relations du travail est appelé à gérer efficacement la décroissance économique et humaine de l’organisation. Il ne s’agit plus uniquement d’appliquer correctement les dispositions de la convention collective relatives à l’ancienneté ou aux mouvements de main-d’œuvre. Il doit également trouver des mécanismes efficaces pour identifier les employés les plus productifs, les plus efficaces et détenteurs du savoir-faire nécessaire à la survie de l’entreprise et faire en sorte que l’organisation puisse les conserver sans être entravée par un carcan contractuel. Son défi actuel est d’innover en matière de prévention des conflits au travail en identifiant des alternatives aux mécanismes traditionnels et souvent peu flexibles tels que les procédures formelles de plaintes, processus de griefs et moyens de pression.

Dans un contexte de mondialisation des marchés et d’internationalisation des pratiques de gestion, c’est la productivité et la compétitivité qui assurent la survie des organisations et le maintien des emplois. L’influence stratégique de la négociation collective et des relations du travail sur ces phénomènes se doit à juste titre d’être de plus en plus reconnue.

Marc-André Robert, CRIA, associé et avocat, Global Ressources humaines

Source : Effectif, volume 12, numéro 4, septembre/octobre 2009.


Marc-André Robert, CRIA