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Confiance et créativité : pour assurer l’avenir des relations du travail

La transformation du marché du travail, au cours des dernières années surtout, a entraîné une refonte en profondeur des relations du travail. Les défis économiques et technologiques sont en effet de taille. On parle de plus en plus de flexibilité, de diversité de la main-d’œuvre…

24 septembre 2009
François Bernard Malo, CRHA

Dans ce contexte, le mouvement syndical pourrait-il représenter un frein à l’adaptation des organisations à leurs environnements et les syndicats seraient-ils incapables de tenir compte de la diversité de la main-d’œuvre? Comment s’assurer que les organisations et les conventions collectives s’adaptent aux nouvelles réalités du marché du travail?

L’évolution des principaux indicateurs en relations du travail
Lorsque nous examinons sur une longue période les statistiques habituellement utilisées pour juger de l’évolution des relations du travail, tout semble mieux aller que par le passé. Même si le début des années 2000 a été un peu à contre-courant de la tendance générale des deux décennies précédentes au Canada, tous les indicateurs annuels dénotent une amélioration plus que notable : le nombre de conflits de travail est en baisse de même que le nombre de travailleurs touchés par ces conflits; les jours-personnes non travaillés à cause d’un conflit de travail et le ratio des jours de travail perdus par mille employés également (voir tableau 1).
 
Tableau 1 • Grèves et lock-out et jours-personnes non travaillés
Arrêts de travail Employés Ratio de temps
perdu
2
Déclenchés Total1 Travailleurs
concernés
Jours-personnes
non travaillés
’000 ’000 ’000
1980 952 1 028 452 9 130 9 621 949
1981 943 1 049 342 8 850 9 880 896
1982 611 679 464 5 702 9 461 603
1983 576 645 330 4 441 9 479 469
1984 653 716 187 3 883 9 732 399
1985 762 829 164 3 126 9 901 316
1986 657 748 486 7 151 10 313 693
1987 579 668 582 3 810 10 634 358
1988 483 548 207 4 901 10 936 448
1989 568 627 445 3 701 11 195 331
1990 519 579 271 5 079 11 250 451
1991 399 463 254 2 516 10 962 230
1992 353 404 152 2 110 10 803 195
1993 323 381 102 1 517 10 782 141
1994 312 374 81 1 607 11 030 146
1995 282 328 149 1 583 11 212 141
1996 297 330 276 3 269 11 250 291
1997 229 284 258 3 608 11 357 318
1998 341 381 244 2 444 11 641 210
1999 358 413 160 2 443 11 974 204
2000 321 379 144 1 657 12 391 134
2001 324 381 221 2 199 12 670 174
2002 246 294 168 3 033 12 996 233
2003 221 266 81 1 736 13 271 131
2004 261 298 260 3 225 13 494 239
2005 261 293 429 4 107 13 658 301
1 Le total inclut le nombre d’arrêts de travail déclenchés une année donnée, plus les arrêts de travail qui continuent depuis l’année précédente.
2 Le nombre de jours de travail perdus à cause de grèves et de lock-out par 1 000 employés (le nombre de jours-personnes non travaillés divisé par le nombre des employés).
Sources : Ressources humaines et Développement social Canada, Direction de l’information sur les milieux de travail; Statistique Canada, Enquête sur la population active
 

Dans le cas plus spécifique du Québec, le bilan de 1999 à 2008 permet de constater aussi une baisse générale du nombre de conflits, des travailleurs touchés, des jours-personnes perdus et de la durée moyenne des conflits (aussi bien en jours civils qu’en jours ouvrables) (voir tableau 2).

Tableau 2 • Données globales sur les conflits de travail, Québec, 1999-2008 1
Conflits Travailleurs
touchés
Jours-personnes perdus Durée moyenne
déclenchés
dans l’année
en vigueur au
cours de l’année
Total en moyenne
par conflit
Nombre % du temps 2 travaillé en jours civils en jours ouvrables
1999 124 155 25 257 163 652 747 0,07 75 54
2000 99 125 24 554 196 345 640 0,04 74 55
2001 91 112 52 597 470 488 867 0,06 55 45
2002 95 109 22 094 203 1 009 517 0,11 57 44
2003 96 115 17 925 156 876 879 0,10 74 59
2004 105 132 35 131 266 722 147 0,08 75 60
2005 113 130 114 697 882 1 450 950 0,16 77 29
2006 37 43 5 370 125 145 242 0,02 63 50
2007 44 51 8 365 164 187 236 0,02 67 45
2008 75 86 8 70 101 305 134 0,03 66 52
Moyenne 88 106 31 469 297 618 436 0,07 69,3 49,5
1 Les données pour l’année 2008 présentées dans ce bilan sont préliminaires.
2 La moyenne annuelle du temps travaillé est calculée à partir des données de la Revue chronologique de la population active de Statistique Canada au catalogue no 71F0004XBB. Seuls les travailleurs salariés non agricoles sont considérés.
Source : Alexis Labrosse, Les arrêts de travail au Québec, 2009
 

Globalement les parties à la négociation collective s’entendent donc mieux qu’auparavant et le niveau des conflits du travail semble aller en diminuant (malgré quelques soubresauts de temps à autre). Bien qu’il soit difficile d’expliquer les multiples facteurs possiblement responsables de cette amélioration, on ne saurait passer sous silence les actions du ministère du Travail du Québec en vue de favoriser une plus grande concertation patronale / syndicale, notamment par l’entremise de son équipe de médiateurs-conciliateurs.

Si on examine le nombre de conventions collectives qui se règlent entre les parties sans conflit (grève ou lock-out) ou intervention d’un tiers, le portrait général est tout aussi intéressant. Dans le secteur privé et certains organismes gouvernementaux québécois, en 2008, ce sont 83 % des conventions collectives qui ont été conclues par la négociation directe (sans recours à la médiation, à la conciliation ou à l’arbitrage du ministère du Travail) et 13 % par l’intermédiaire de la conciliation. Dans près de 60 % des cas, en 2008, c’est la partie syndicale qui a pris l’initiative du recours à la conciliation, et ce, généralement pour le renouvellement d’une convention collective (82 % des cas). Bien qu’il soit hasardeux de se prononcer sur la base d’une série aussi courte, la situation semble continuer de s’améliorer depuis 2005 (voir graphique 1).

Les sujets qui ont le plus souvent conduit à des arrêts de travail au Canada entre 2003 et 2005 sont les salaires et les avantages sociaux. Dans un peu plus d’un conflit sur deux, c’était l’enjeu principal. Au Québec, pour l’année 2008, les arrêts de travail sont également dus aux mêmes motifs, mais dans ce cas, dans une proportion de près de 60 % des conflits (voir tableau 3).

Tableau 3 • Conflits du travail selon les points en litige et l’autorité compétente, Québec, 2008
Conflits du travail1 Travailleurs touchés Jours-personnes
perdus
Prov. Féd. Total Prov. Féd. Total Prov. Féd. Total
Ancienneté 1 1 150 150 150 150
Attribution du travail 2 2 283 283 19 049 19 049
Augmentation générale des salaires 51 51 6 065 6 065 129 726 129 726
Avantages sociaux 2 2 91 91 1 700 1 700
Charge de travail 6 6 799 799 34 633 34 633
Durée de la convention 1 1 175 175 64 050 64 050
Horaire de travail 5 5 191 191 41 324 41 324
Impasse ou lenteur ou refus de négocier 2 2 31 31 96 96
Jours fériés, congés annuels, de maladie, de maternité ou spéciaux 1 1 2 23 145 168 11 5 365 5 376
Reconnaissance syndicale 1 1 8 8 200 200
Sous-traitance 3 3 30 30 1 819 1 819
Sympathies 1 1 320 320 320 320
Motif non précisé 9 9 390 390 6 691 6 691
Total 85 1 86 8 556 145 8 701 299 769 5 365 305 134
1 Nombre de conflits au cours de l’année.
Source : Labrosse, ibid.
 

Au Canada, l’arrêt de travail est en général attribuable à un manque de confiance dans la volonté de négociation de la partie adverse. Au Québec, ce sont surtout les charges et les horaires de travail qui arrivent en tête des autres motifs de conflit. L’impasse ou le refus de négocier sont aussi invoqués, mais ils arrivent plus loin dans la liste.

Un dernier élément qui vaut la peine d’être relevé est celui de la taille des unités de négociation concernées par un arrêt de travail. En 2008, un peu plus de la moitié des conflits de travail ont eu lieu dans des unités composées de moins quarante-neuf salariés. Plusieurs facteurs sont susceptibles d’expliquer cette situation. Songeons notamment à l’absence généralement admise d’un professionnel de la gestion des ressources humaines et aux ressources financières limitées des organisations de cette taille.

Enfin, on ne peut pas faire un portrait de l’état actuel des relations du travail au Québec sans examiner l’évolution récente du contenu des conventions collectives signées par les parties. Dans une étude portant sur l’ensemble des conventions collectives du secteur public et sur celles du secteur privé comprenant des unités de négociation de 50 salariés ou plus, Labrosse (2009) a cherché à savoir dans quelles mesures les accords signés par les parties étaient capables de prendre en compte de nouvelles données en provenance de l’environnement. Plus spécifiquement, il s’est attardé à la sous-traitance, à la réduction du temps de travail et à la main-d’œuvre âgée, à la formation de la main-d’œuvre et à l’organisation du travail, aux dispositions pour les salariés à temps partiel, occasionnels ou surnuméraires et, enfin, au harcèlement.

Bien que les chiffres varient d’un secteur économique à l’autre, on observe une tendance générale à l’allongement de la durée des conventions collectives. En complément, plus la taille de l’unité de négociation est grande, plus il y a de chances que la durée de la convention collective augmente et, incidemment, que le nombre de conflits de travail diminue (voir tableau 4).

Tableau 4 • Répartition des conventions collectives selon la durée et le secteur d’activité économique, Québec, 2003-2007 (%)
Secteur Durée 2003 2004 2005 2006 2007 Moyenne
Primaire De 1 à 24 mois 36,4 33,3 12 50 16,7 25,4
De 25 à 36 mois 36,4 26,7 40 12,5 16,7 29,6
De 37 à 48 mois 0 13,3 8 0 8,3 7
Plus de 48 mois 27,3 26,7 40 37,5 58,3 38
Total 100 100 100 100 100 100
Secondaire De 1 à 24 mois 5,7 9,7 9,9 7,5 8,2 8,2
De 25 à 36 mois 38 31,8 26,2 27 27,6 30,1
De 37 à 48 mois 17,7 14,2 16,9 13 16,5 15,7
Plus de 48 mois 38,7 44,2 47 52,4 47,7 46
Total 100 100 100 100 100 100
Tertiaire De 1 à 24 mois 12,1 12,8 8,3 2,4 6,8 6,8
De 25 à 36 mois 28,4 31,7 39,4 7,1 27,8 21,3
De 37 à 48 mois 23,3 17,1 16,5 65,8 16,2 38,4
Plus de 48 mois 36,2 38,4 35,8 24,7 49,1 33,5
Total 100 100 100 100 100 100
Source : Alexis Labrosse, Analyse de certaines clauses de conventions collectives au Québec de 2003 à 2007 : présentation de quelques faits saillants, 2009
 

En ce qui a trait à la sous-traitance, il est extrêmement rare qu’elle soit interdite en tout temps, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. D’ailleurs, plus de la moitié des conventions collectives incluent des dispositions permettant la sous-traitance à certaines conditions (voir tableau 5).

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François Bernard Malo, CRHA

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Tableau 5 • Occurrence des dispositions relatives à la sous-traitance dans les conventions collectives selon le secteur d’origine, privé et public, Québec, 2003-2007 (%)
Secteur Disposition 2003 2004 2005 2006 2007 Moyenne
Privé Sous-traitance possible :

sans restriction

4,9 2,2 4,1 2,9 2,8 3,4

à la condition d’appliquer toute la convention

0,4 0,5 0,7 0,6 0,3 0,5

si la nature des travaux nécessite de l’équipement ou de la main-d’œuvre externe

7,8 8,1 7,5 6,1 3,9 6,7

à la condition de ne pas entraîner de mise à pied

16,8 15,6 13,5 13,4 15,0 14,9

si application des taux de salaire négociés et si pas de mise à pied

0,8 1,8 2,0 0,9 0,6 1,2

sans mises à pied et sans réduire les heures de travail

9,4 7,3 6,1 20,2 12,9 11,2

sans mises à pied et sans nécessiter de l’équipement ou de la main-d’œuvre externe

19,9 11,8 14,6 10,9