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Obtenir le meilleur des employés exigeants, doués et rebelles

En lisant le titre de cet article, combien d’entre vous auraient sincèrement préféré pouvoir utiliser le mot problématique plutôt qu’exigeant, doué ou rebelle en songeant à un employé? Ne vous en veuillez pas. Vous n’êtes pas le seul dans votre cas.

8 janvier 2008
Larry Harding

Combien d’entre nous se sont dit : « Mais qu’est-ce que je vais faire de Jean-Luc? Comment faire pour obtenir un meilleur rendement de Marie-Ève? Qu’est-ce qui ne va pas chez Charles? »

Toutes ces questions sont justifiées, mais où donc trouver les réponses?

La façon la plus simple consisterait probablement à faire appel à l’entrevue chronologique approfondie et structurée (l’entrevue CAS) (de l’anglais Chronological In-Depth Structured Interview) qui requiert de deux heures et demie à cinq heures selon le niveau de responsabilité de la personne que l’on rencontre.

L’entrevue CAS a contribué à faire de GE, d’Allied Signal, de Citibank et de plusieurs entreprises canadiennes des chefs de file en matière de rendement et à le demeurer.

Qu’est-ce que le repérage des meilleurs joueurs (de l’anglais Topgrading)?

La méthode de repérage des meilleurs joueurs consiste à accorder une note, soit A, B ou C, à chaque membre du personnel. Les joueurs A sont les étoiles que l'entreprise convoite. Les joueurs B présentent un bon rendement ainsi que le potentiel de devenir des joueurs A. Les joueurs C ne font pas leur part, ils constituent un poids pour l’entreprise et ils n’ont aucune chance de devenir des joueurs A. Au sein des organisations où le repérage des meilleurs joueurs est utilisé, on amène les joueurs C à comprendre qu’il serait plus approprié pour eux d’occuper un emploi moins exigeant au chapitre des responsabilités, possiblement au sein de l’entreprise ou tout simplement chez un autre employeur.

L’attribution de la note A, B ou C est basée sur les renseignements recueillis dans le cadre des entrevues CAS. Les entrevues CAS permettent aux entreprises de déterminer les forces et les faiblesses des employés à l’égard d’un registre de compétences étendu au point d’en compter jusqu’à 50. Les compétences sont divisées en groupes étiquetés comme suit : intellectuelles, personnelles, interpersonnelles, de gestion, de leadership et motivationnelles.

Bien qu’il soit évident qu’un commis à la paie, qu’un journaliste ou qu’un adjoint administratif n’ait pas à être évalué sur les plans des compétences motivationnelles et des compétences de leadership et de gestion, l’évaluation, à des degrés variables, des aspects intellectuels, personnels et interpersonnels est requise. Et tandis que la détermination des forces et des faiblesses, que je préfère nommer les domaines où il y a lieu à l’amélioration, est certes des plus utiles pour l’entreprise, celle-ci est capitale pour la personne intéressée. Une entrevue CAS, assortie d’une rétroaction détaillée, constitue une véritable fenêtre panoramique qui s’ouvre sur un univers de conscience de soi et de son propre potentiel. Qui d’entre nous n’aurait pas profité de connaître ses forces et les domaines où il aurait gagné à s’améliorer, il y a cinq, dix ou quinze ans? Quel plan de perfectionnement n’aurait pas été enrichi par la connaissance des domaines où un perfectionnement était requis plutôt que par la connaissance des domaines où un perfectionnement était souhaité?

Bien que je n'oeuvre pas dans un secteur d'activité où l’on vend le système de gestion Topgrading, je recommande de faire appel à l'entrevue CAS pour repérer les forces et les domaines où il y a lieu à l’amélioration afin d’assurer la progression des employés exigeants, doués et rebelles.

Auprès de l’un de nos clients des entrevues CAS, je suis devenu LA personne-ressource pour me charger des employés exigeants et rebelles dont les autres ne croyaient pas pouvoir venir à bout.

L’employé exigeant ou le rebelle

Il s’agissait de l’opérateur de machine commandée par ordinateur le plus talentueux au sein de l’entreprise. Celui-ci souhaitait se présenter en entrevue pour un poste de chef d’équipe dans son service. Les membres de l’équipe de gestion de l’entreprise ne souhaitaient pas examiner sa candidature pour pourvoir le poste, mais ils n’énonçaient pas clairement les raisons de leur réticence.

On m’a alors demandé de réaliser une entrevue CAS avec cette personne, et ceci, en présence de l’un des cadres intermédiaires de l’entreprise. La veille de l’entrevue, la participation du cadre intermédiaire a été annulée en raison d’une autre obligation et un remplaçant a été nommé. Le jour même de l’entrevue, le remplaçant s’est absenté pour maladie, et on m’a demandé d’effectuer l’entrevue sans un autre participant. J’ai sauté sur l’occasion.

L’entrevue a exigé environ cinq heures et à la fin de celle-ci, je crois que j’en savais davantage au sujet de cette personne que la plupart de ceux qui la connaissaient depuis des années. Ma tâche consistait à interpréter ces renseignements par rapport au poste de chef d’équipe.

En expliquant clairement pourquoi j’étais d’avis que cette personne ne devait pas être considérée pour le poste de chef d’équipe au sein de l’entreprise, j’ai remis le rapport à mon client, soit au directeur du service des ressources humaines de l'entreprise. Chacune des raisons était fondée sur une lacune à l’égard d’une compétence requise. En effet, les motifs de cette recommandation n’étaient pas teintés de considérations personnelles; ils étaient déterminés dans la perspective des compétences seulement.

En dépit de cette situation, le directeur du service des ressources humaines était mal à l’aise de présenter mon rapport de deux pages et demie. Il craignait que l’individu réagisse violemment. Selon le directeur, j’avais été trop précis dans la description des lacunes, mais je l’ai assuré que la personne se reconnaîtrait dans mon analyse. Le lendemain, nous avons tous deux présenté le rapport à l’opérateur de machine commandée par ordinateur. Il a consacré 20 minutes à en prendre connaissance attentivement avant de me remercier et d’annoncer au directeur qu’il communiquerait avec lui.

Le rapport

Dans le rapport, après avoir présenté les forces de la personne, lesquelles étaient d'envergure, j'ai enchaîné avec les domaines où une amélioration était souhaitable. Pendant l'entrevue, l’opérateur m'a indiqué que son poste était « l’emploi le plus satisfaisant et créatif qu’il pourrait jamais rêver d’occuper ». (Pourquoi donc, dans ce cas, a-t-il posé sa candidature au poste de chef d’équipe?) Il a affirmé ne pas être d’accord avec les décisions que l’équipe de gestion a prises au sein de son service! (Pourrait-il vraiment faire partie de l’équipe de gestion?) Il clamait son désaccord avec les superviseurs et avec les gestionnaires qui lui ont demandé de soulever autant de faiblesses que de forces dans son autoévaluation! (Il ne pouvait accepter ni comprendre que la conscience de ses faiblesses constituait la première étape du processus qui le mènerait à transformer celles-ci en forces.) Il a affirmé être au courant que certains étaient d’opinion qu’il n’était pas ouvert aux idées des autres, mais il n'était pas davantage d’accord avec eux! Et mon rapport continuait ainsi…

Les résultats

Six mois après la présentation de ce rapport, nous sommes parvenus à un dénouement gagnant-gagnant. L’opérateur de machine commandée par ordinateur a accepté une offre d’emploi d’une entreprise qui, en considération de ses habiletés, acceptait d'augmenter sa rémunération de 2 $ à 3 $ l’heure, et ceci, dans un environnement dans lequel le volume de travail était moins lourd. Bien que mon client ait perdu un opérateur talentueux, il a aussi perdu un employé récriminateur incapable de comprendre le concept de l’équipe et qui aurait continué à détériorer, petit à petit, le moral de l'équipe. Il a perdu un employé qui était très peu susceptible de s'améliorer et de changer, car il s’y refusait, et ceci, en admettant qu’il en fut capable.

La rétroaction et les résultats ont nécessité une entrevue de cinq heures, une journée de travail pour la préparation du rapport de rétroaction et quelques heures pour partager les conclusions avec tous les clients.

À peu de frais, les résultats se sont avérés positifs pour tous. Idéalement, ce type d’exercice gagne à être réalisé par une personne-ressource externe, soit par une personne expérimentée en technique d’entrevue et en rédaction de rapports de rétroaction. La personne-ressource externe est aussi plus à même de formuler une opinion objective sur un dilemme interne qui doit être résolu. En plus, celle-ci ne se soucie pas de croiser des employés exigeants, doués ou rebelles tous les jours comme ce serait le cas pour un membre du service des ressources humaines.

Une autre démarche

Et je n’ai pas abordé la question de l'employé doué, dont j'ai fait mention dans le titre de cet article. L’entrevue CAS constitue – pour l’employé doté du potentiel pour progresser au sein d’une entreprise et qui éprouve le besoin d’être conseillé dans sa démarche – l’expérience par excellence. Avec un employé dont le profil correspond à cette description, l’entrevue CAS devrait confirmer une note élevée en matière d’intelligence, de capacités d’analyse, de créativité, d’intégrité, etc., soit au chapitre de compétences qui sont très difficilement modifiables. L’entrevue peut aussi révéler des lacunes sur le plan de compétences telles que le sens de l’organisation et de la planification, le jugement politique et la responsabilisation, lesquelles sont relativement facile à acquérir et possiblement, repérer une faiblesse sur un aspect tel que l’adaptabilité, laquelle est plus ardue à développer, mais tout de même possible. Grâce à la rétroaction détaillée formulée à partir de l’entrevue, l’employé doué devient conscient des domaines dans lesquels une amélioration est nécessaire. Comme j’en ai fait mention plus tôt, la conscientisation constitue la première étape dans le processus qui consiste à transformer en une force une faiblesse ou un domaine où il y a lieu à l’amélioration.

Il s’agit du type d’entrevue CAS qui peut être dirigé à l’interne avec l’aide d’un expert-conseil d’expérience. Il est essentiel que les employés à haut potentiel consacrent tout le temps de formation dont ils disposent à pallier leurs lacunes et non à assister à un autre séminaire ciblant une compétence qu’ils possèdent déjà à fond.

Sans rétroaction constructive, un employé exigeant ou rebelle éprouve de la difficulté à comprendre pourquoi les événements ne se déroulent pas comme ils le souhaiteraient. La rétroaction fondée sur les compétences peut les aider à en comprendre les raisons.

Sans une rétroaction positive, un employé doué ne dispose pas de tous les atouts pour s’épanouir jusqu’à l’atteinte de son plein potentiel. La rétroaction fondée sur les compétences peut les aider à y parvenir.

Larry Harding, CRHA
Consultation LJH Consulting
ljhard@hotmail.com


Larry Harding Consultant Consultations LJH Consulting