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Contrat de travail : durée déterminée ou indéterminée?

Question lourde de conséquences s’il en est une, la qualification du contrat de travail peut s’avérer un casse-tête pour bien des gestionnaires en ressources humaines quand vient le temps d’embaucher de nouveaux salariés. Contrat à durée déterminée ou indéterminée?

24 juillet 2006
Rhéaume Perreault, CRIA et Isabelle Blais, CRIA

Certains gestionnaires optent pour un contrat de travail à durée déterminée sur de fausses prémisses, qui peuvent être lourdes de conséquences. L’indemnisation à verser à un salarié congédié sera différente selon que son contrat est à durée déterminée ou indéterminée.

Nous croyons donc opportun de mettre en lumière les différences, les avantages et les inconvénients des formes de contrats d’emploi.

Qu’est-ce qu’un contrat de travail à durée déterminée?
Comme son nom l’indique, le contrat à durée déterminée est conclu entre l’employeur et le salarié pour un terme fixe. Ce type de contrat est utilisé de façon régulière lorsque l’embauche est nécessaire pour réaliser un objectif précis ou compléter un projet qui s’échelonnera sur une période de temps définie.

Il est impératif que les termes du contrat soient précis et ne laissent aucune ambiguïté sur sa qualification. La mention « environ une année », par exemple, n’est pas assez spécifique pour conclure qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée. En cas d’ambiguïté, le contrat est alors qualifié à durée indéterminée.

Évidemment, il est recommandé de toujours utiliser un contrat écrit lorsque la durée est déterminée pour éviter toute ambiguïté ou contestation.

Avantage ou inconvénient d’un contrat de travail à durée déterminée
Le fait que les parties sachent d’avance à quoi s’attendre quant à la durée du contrat de travail comporte un désavantage. En effet, dans l’éventualité où l’employeur souhaite mettre fin au contrat de travail avant son expiration pour un motif autre qu’un « motif sérieux », il doit alors verser au salarié la rémunération prévue jusqu’à la fin du terme. À titre d’exemple, un salarié ayant signé un contrat à durée déterminée d’une durée de trois ans et qui est licencié après un an est en droit d’obtenir une indemnité de deux ans, soit le terme du contrat.

Pour reprendre les propos de la Cour d’appel dans une décision récente [Orchestre métropolitain du Grand Montréal c. Rescigno, D.T.E. 2006T-72 (C.A.)] :

« In the case of a contract of employment with a determinate term, the victim of a constructive dismissal is entitled to the remainder of the salary and other benefits stipulated in the contract, adjusted to take account of any particular circumstances. »

D’ailleurs, gare à ceux qui croient qu’une clause indiquant « chaque partie peut mettre fin au présent contrat moyennant deux semaines de préavis » est une solution à envisager. Une telle insertion dans le contrat à durée déterminée peut permettre à la Cour d’en déduire une commune intention des parties de ne pas se lier par une échéance fixe et précise, retransformant ainsi le contrat à durée fixe en un contrat à durée indéterminée. De plus, une telle clause risque d’être invalidée.

Soulignons cependant qu’il existe un courant jurisprudentiel reconnaissant la légalité d’une clause de préavis anticipé dans un contrat à durée déterminée, si celle-ci n’est pas tributaire de la volonté de l’employeur [Lantagne c. Groupe S.M. international inc., D.T.E. 2004T-724 (C.S.)]. Il est donc loisible à un employeur de prévoir que le contrat à durée déterminée est résilié à la suite d’un événement incertain telles la destruction de l’équipement de production ou la réduction des activités de l’entreprise ou de ses profits en deçà d’un niveau pré-établi. La réalisation de ces situations est indépendante de la volonté de l’employeur. Cela dit, la vigilance est de rigueur dans la qualification du contrat puisqu’un choix erroné peut s’avérer très coûteux pour l’entreprise.

Qu’arrive-t-il à la fin d’un contrat à durée déterminée?
À la fin d’un contrat de travail à durée déterminée, deux scénarios sont possibles. Tout d’abord, il se peut que la relation employeur/employé se termine tout simplement. L’employeur n’est alors aucunement obligé de verser une indemnité de fin d’emploi puisque le terme avait été fixé au moment de la signature du contrat.

L’autre scénario est la poursuite de la relation. À ce moment, dans l’éventualité où le salarié continue sa prestation de travail pendant une période de cinq jours après l’expiration du contrat à durée déterminée, celui-ci se transforme alors en un contrat à durée indéterminée à moins que les parties prévoient le contraire. En effet, rien n’empêche les parties d’être liées par une succession de contrats à durée déterminée dans la mesure où le contrat le stipule. Plusieurs renouvellements successifs peuvent cependant laisser entendre qu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée.

Qu’est-ce qu’un contrat à durée indéterminée?
Contrairement au contrat à durée déterminée, le contrat à durée indéterminée ne prévoit pas de terme fixe, précis et définitif.

Il s’agit du contrat le plus répandu. Il peut être verbal ou écrit.

Avantage ou inconvénient d’un contrat de travail à durée indéterminée
Le principal avantage de ce type de contrat réside dans le fait que les parties peuvent y mettre fin en tout temps moyennant un préavis raisonnable. Ainsi, l’employeur peut mettre fin à l’emploi de tout salarié, sans aucun motif valable, tant et aussi longtemps qu’il verse une indemnité de fin d’emploi raisonnable. Évidemment, ce principe doit être pondéré en fonction de la Loi sur les normes du travail qui offre une protection supplémentaire aux salariés justifiant de deux ans de service continu. L’employeur n’est cependant pas tenu de verser une indemnité au salarié advenant une résiliation pour motif sérieux.

De plus, les parties pourront inclure au contrat une clause de préavis de terminaison d’emploi anticipée. Ces clauses doivent toutefois prendre en considération et respecter les règles minimales prévues par la Loi sur les normes du travail et le Code civil du Québec ainsi que par la jurisprudence québécoise en matière de raisonnabilité dudit préavis. Ainsi, un préavis de terminaison d’emploi sera jugé raisonnable s’il prend notamment en considération l’âge du salarié, la position occupée, la durée du service, son salaire et ses possibilités de se trouver un nouvel emploi.

Il est primordial que la clause soit rédigée en termes clairs et précis afin de bien refléter la volonté des parties. À défaut, l’employeur pourrait être tenu de verser l’indemnité prévue au contrat de travail, et ce, même si le salarié se trouve un nouvel emploi dans les jours suivant son licenciement ou son congédiement sans motif sérieux. À titre d’exemple, dans l’affaire Proulx c. Communications Voir inc. [D.T.E. 2002T-821 (C.S.)], le salarié est congédié en raison de son rendement insatisfaisant. Les parties avaient prévu qu’une indemnité de six mois de salaire lui serait versée « advenant un licenciement sans causes justes et raisonnables ». L’employeur refuse de lui verser cette indemnité, prétextant notamment que le salarié s’est trouvé un emploi dans les semaines suivantes. La Cour a condamné l’employeur à verser l’indemnité de fin d’emploi représentant six mois de salaire, puisque les parties n’avaient pas prévu que les revenus générés par le salarié dans un autre emploi seraient diminués. De plus, compte tenu que les parties n’avaient pas prévu le moment du versement, la Cour a conclu que l’indemnité de fin d’emploi aurait dû être versée au moment de la fin d’emploi en un seul versement.

Il peut être bénéfique de prévoir dans le contrat de travail l’indemnité qui sera versée advenant une fin d’emploi. Il est toutefois recommandé de faire vérifier le contenu du contrat par un spécialiste avant de le signer. Sinon, cette omission peut s’avérer coûteuse.

Me Rhéaume Perreault, CRIA, Heenan Blaikie et Me Isabelle Blais, CRIA, conseillère senior, relations de travail, Vidéotron Limitée

Source : Effectif, volume 9, numéro 3, juin/juillet/août 2006


Rhéaume Perreault, CRIA et Isabelle Blais, CRIA