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L’employabilité : une réponse efficace au maintien de la main-d’œuvre

Le marché du travail québécois est marqué actuellement par une pénurie de main-d’œuvre. Dans un tel contexte, les gestionnaires doivent éviter de sévir contre les employés problématiques et tenter plutôt de composer avec leurs lacunes de manière à maximiser leur productivité. Voici quelques stratégies pour en arriver là.
9 avril 2019
Moïse Kollo

« Mon réveil n’a pas sonné ce matin, voilà pourquoi je suis arrivé en retard. »

« J’ai eu de la visite hier soir et je me suis couché tard. Et quand finalement je me suis réveillé, il était trop tard pour venir au travail ».

La plupart des gestionnaires ont déjà entendu au moins une fois ce genre d’excuses de la part de certains de leurs collaborateurs. Ces derniers croient, très souvent de bonne foi, que les raisons qu’ils évoquent pour justifier les manquements à leurs obligations de ponctualité et de présence au travail sont légitimes. Mais il n’en est rien.

Les attitudes de ce genre démontrent à quel point ces employés méconnaissent les règles implicites, et explicites propres à leur milieu de travail. L’une des particularités des employés souffrant d’un déficit d’employabilité est qu’ils sont convaincus que c’est le travail qui doit s’adapter à eux, et pas nécessairement le contraire. Cela dit, connaissant la situation actuelle du marché du travail québécois, les entreprises ont-elles les moyens de se passer des services de cette main-d’œuvre aux caractéristiques bien particulières?

L’expérience des entreprises d’insertion

L’employabilité, qui s’impose à la base comme une solution visant à résorber le chômage, et notamment le chômage d’une certaine catégorie d’actifs, est de plus en plus suggérée comme palliatif à la pénurie de main-d’œuvre qu’affrontent les entreprises de notre province. Se définissant entre autres comme la capacité d’accéder à un emploi et d’y évoluer grâce à un ensemble de manières d’être, d’agir et d’interagir à l’intérieur du marché du travail, l’employabilité est depuis quelque temps un élément stratégique des ressources humaines.

Les entreprises d’insertion québécoises, qui au fil des années ont développé une expertise certaine en ce qui concerne l’identification et l’accompagnement des individus ayant des problèmes d’employabilité, ont dressé une liste non exhaustive et non cumulative des caractéristiques de ce type d’individus, qui sont en général des personnes :

  • faiblement scolarisées ou sous-scolarisées;
  • éprouvant de la difficulté à se soumettre à l’autorité;
  • exclues du marché du travail depuis un certain temps;
  • isolées et/ou désorganisées socialement;
  • manquant de confiance en elles-mêmes ou se mésestimant;
  • en situation de précarité économique;
  • ayant une méconnaissance du marché du travail, et donc de la difficulté à s’y intégrer.

Ces individus qui ne souffrent d’aucune pathologie (nous excluons volontairement les groupes présentant des pathologies particulières) font montre de gros problèmes de comportement au sein de l’organisation, problèmes qui forcent parfois l’entreprise à recourir à la médiation ou à une intervention des services RH.

Cependant, au-delà des problématiques que peuvent engendrer ce type d’employés, il n’en demeure pas moins que leur présence au sein d’une entreprise répond à un besoin, puisqu’ils y ont été embauchés. Cette présence pourrait même constituer un atout pour l’organisation, surtout dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre.

Quelques astuces qui fonctionnent avec ce type d’employés

Les gestionnaires qui sont quotidiennement confrontés à ce type de salariés doivent être adéquatement outillés pour le faire. Voici donc quelques moyens que les gestionnaires d’entreprises d’insertion utilisent pour maintenir le niveau de productivité de ce type de collaborateurs :

  1. Identifier très tôt les employés qui présentent des problématiques liées à l’employabilité. Ceci permet de circonscrire l’impact de leurs actions afin d’éviter un effet boule de neige sur les autres employés.
  2. Demander au supérieur immédiat de ces derniers de faire un suivi quotidien afin de renforcer leur sentiment d’appartenance et de les conscientiser quant à l’impact de leurs actions sur l’organisation. Ceci aura pour effet de renforcer leur confiance en eux-mêmes, et ainsi d’accroitre leur rendement
  3. Leur donner des objectifs de rendement à très court terme (hebdomadaires) que leur supérieur immédiat pourra valider ou invalider immédiatement. Le but est ici de créer un sentiment d’indispensabilité et de participation aux résultats que ce type d’employé n’a pas nécessairement.
  4. Privilégier une approche de type « counseling » plutôt qu’une approche disciplinaire, sachant que cette dernière n’aura d’autre effet que de braquer l’employé et d’accentuer ainsi son absentéisme.
  5. Enfin, faire levier sur le système cognitif de l’employé, l’amener à se développer (s’améliorer) en lui offrant systématiquement des occasions de se racheter (par exemple en lui donnant la possibilité de récupérer le temps perdu à l’occasion d’un retard ou d’une absence).

Vous l’aurez compris, l’objectif est ici de mettre tout en œuvre pour garder votre employé, évitant ainsi de surcharger votre service de dotation dans le contexte actuel. Inutile de préciser qu’il en revient à vous de juger si les employés en question méritent que vous entamiez une telle démarche pour préserver leur emploi.

Bibliographie

Noura Ben Hassem et Mahrane Hofaidhllaoui. L’employabilité des salariés : facteur de performance des entreprises, recherche en sciences de gestion ed. ISEOR, 2018

À propos de l’auteur

Moïse Kollo, M.sc Soc., M.sc GRH, CRHA est consultant en formation et directeur des ressources humaines et de l’insertion chez CHIC RESTO POP Inc.


Moïse Kollo