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Recruter différemment en région grâce à LinkedIn

Marie-Hélène Robert CRIA, considère LinkedIn comme un outil efficace pour le recrutement en région. Mais attention! Il ne faut pas s'en servir de la même façon qu'en territoire urbain. Le succès passe plutôt par l'intermédiaire de certains employés, qui se construisent un réseau via le média social.
26 septembre 2014
Entrevue avec Marie-Hélène Robert, CRIA

Un candidat semble intéressant. Le recruteur, le professionnel en ressources humaines ou l'expert des médias sociaux doit-il aussitôt entrer en contact avec lui via LinkedIn? À Montréal, où la main-d'œuvre volatile s'inscrit sur ce média social pour magasiner un emploi ou faire avancer sa carrière, l'approche peut faire mouche. Mais en région, il en va autrement.

Marie-Hélène Robert, CRIA a mené plusieurs opérations de recrutement à l'aide de LinkedIn. Des postes à pourvoir étaient parfois situés à Montréal et à Toronto. Mais à d'autres occasions, ils se trouvaient en Montérégie, dans de petites villes de l'Ontario ou dans le nord du Québec. Son expérience lui a appris que LinkedIn doit être utilisé différemment à ces endroits.

« Les gens, en région, sont beaucoup plus sélectifs dans leurs réseaux, remarque Mme Robert. Un recruteur, assis dans un siège social à Montréal, frappe un mur lorsqu'il s'adresse à eux, même s'il a des milliers de contacts et s'il diffuse des postes vacants à la pelle. »

La clé pour atteindre les candidats intéressants? Les aborder de manière indirecte. Le recruteur joue donc profil bas, en arrière-plan. Des employés locaux de l’entreprise doivent être formés à utiliser LinkedIn et propulsés à l'avant-scène. Ces derniers développent ensuite leur réseau de manière naturelle avec les professionnels de la région.

Puis, lorsque des offres d'emploi s'affichent, ils les partagent sur leur fil de nouvelles, sans s'adresser à une personne en particulier. En suivant cette méthode, Mme Robert assure que le taux de réponse est nettement meilleur. « On a ainsi obtenu plus de succès, parce que les candidats se montraient plus ouverts lorsqu'ils étaient contactés par quelqu'un de la région, même s'ils ne le connaissaient pas personnellement. »

De plus, il faut avoir du doigté. « Il y a une certaine proximité entre les entreprises. Il faut faire attention de ne pas être trop cavalier dans notre façon de “chasser” un candidat travaillant chez le compétiteur, qui est finalement votre voisin », ajoute Mme Robert.

Choisir et accompagner ses employés

La méthode est d'autant plus efficace si l'employé recherché travaille dans un domaine connexe. « Un recruteur comme moi, quand je contacte un expert dans le domaine de l'aviation par exemple, c'est évident que je veux le recruter. Il y a de bonnes chances, s'il n'est pas ouvert, qu'il ne m’accepte même pas dans son réseau, soutient Mme Robert. Par contre, si c'est mon ingénieur en aviation qui entre en contact avec lui et qui lui demande de joindre son réseau dans le but d'échanger professionnellement, sans nécessairement spécifier pourquoi, la porte s'ouvre. »

En somme, le succès d'une stratégie s'appuyant sur LinkedIn ne peut reposer sur une seule personne. Mme Robert souligne ainsi l'importance de bien choisir les employés à qui l'on confie ce réseautage. Bien sûr, ces volontaires doivent afficher un intérêt et une ouverture pour la démarche. Généralement, elle demandait aux employés sélectionnés de se concentrer sur les profils liés à leur domaine. Dans le cas de départements plus vastes, deux employés pouvaient être choisis : il s'agissait souvent d'un employé expérimenté, cherchant à dénicher des experts, et d'un plus jeune, ciblant les finissants ou jeunes professionnels. « Il faut un plan pour que chacun ne se retrouve pas avec un gigantesque réseau qui ne veut rien dire, dit-elle. On avait des responsables qui développaient un réseau de façon structurée et intelligente. Ensuite, on utilisait le bon canal selon le message qu'on avait à diffuser. »

Au départ, les employés en question sont « coachés » en vue de bâtir un bon réseau sur LinkedIn. Avant que les demandes d'invitation n'affluent par eux-mêmes, Mme Robert exigeait qu’ils trouvent 20 nouveaux contacts par semaine. Elle évalue qu'il suffit à un employé de sacrifier une heure par semaine pour réaliser ce réseautage. Parfois, lorsque plusieurs postes étaient à pourvoir dans des services particuliers, elle autorisait des membres du personnel à consacrer trois ou quatre heures par semaine à cette tâche pendant leurs heures de travail.

« Pour être cohérent, ce sont les mêmes personnes qu'on va envoyer dans les salons de l'emploi », signale Mme Robert. Ils parlent avec des candidats intéressants, échangent des adresses courriel, retrouvent ensuite les professionnels sur LinkedIn et les invitent à se joindre à leur réseau. « Quand on est constant, les visages de ces employés, qui sont nos ambassadeurs, deviennent assez connus. Souvent, les gens se présentaient dans les salons de l'emploi et ils les reconnaissaient parce qu'ils avaient fait un peu de recherche sur nous. Leurs visages étaient apparus sur LinkedIn, donc le contact était plus facile et plus naturel. »

Différence entre une petite et une grande entreprise

Marie-Hélène Robert s'est servie de LinkedIn tant dans une grande entreprise possédant des antennes en région que dans une PME implantée loin des zones métropolitaines. « Le concept s'applique de la même façon, constate-t-elle, du moins pour les postes de professionnels. C'est certain que, pour une PME qui voudrait recruter de la main-d'œuvre de production, je dirais que LinkedIn n'est pas le bon outil. »

Pour une PME en région, un des avantages de LinkedIn réside dans son outil de géolocalisation. « Quand on sait utiliser cet outil, qui est fort simple, on cible une main-d'œuvre située près de l'organisation. On évite de perdre du temps avec des candidats éloignés. »

Malgré tout, la dynamique se révèle différente à certains détails près. L'équipe d’une petite entreprise est plus petite et le choix d'ambassadeurs plus restreint. En outre, une grande entreprise n'a souvent pas besoin de présentation au moment où l'un de ses employés tente d'entrer en contact avec un candidat potentiel. « Quand on travaille pour une PME, il faut utiliser LinkedIn comme outil de visibilité, explique-t-elle. LinkedIn est reconnu pour aller chercher des candidats passifs. Une fois que les gens ont accepté d'être dans notre réseau, on diffuse graduellement de l'information, ce qu'on appelle faire du bruit sur la ligne. Ils nous voient apparaître. Ils voient le même visage. Et à un certain moment, ils vont se renseigner davantage. »

Une stratégie à long terme

Mme Robert souligne que LinkedIn doit être au centre d'une stratégie de recrutement à moyen ou à long terme. « À un client qui part de zéro sur LinkedIn et qui veut combler un poste dans deux semaines, je vais dire que ce n'est pas le bon outil », indique-t-elle.

« Embarquer là-dedans, c'est un mode de vie. Il faut avoir des visées à long terme, un plan de match et y croire. Une fois la stratégie développée, il faut l'entretenir pour que ça fonctionne. Il faut l'intégrer à notre réalité. C'est pour ça qu'en ciblant quelques employés, bien identifiés, qui ont de l'intérêt et qui sont encadrés, c'est plus facile ensuite pour eux de s'assurer d'en faire une routine naturelle. » Quand la base est bien implantée, le réseau bien structuré et des contacts bien établis, « ça peut donner des résultats miraculeux en quelques clics », conclut-elle.


Entrevue avec Marie-Hélène Robert, CRIA