ressources / dotation

Attirer des travailleurs saisonniers en région

Pour recruter et convaincre les gens de venir travailler dans son entreprise, on ne s'y prend pas de la même façon en région éloignée et en région urbaine. Forte de son expérience aux Îles-de-la-Madeleine, Suzanne Viens, CRHA, donne quelques conseils aux professionnels désirant attirer des employés saisonniers dans leur coin de pays.

8 septembre 2014
Entrevue avec Mme Suzanne Viens, CRHA

Lorsqu'elle devient, en 2012, copropriétaire, avec son conjoint, d'un restaurant aux Îles-de-la-Madeleine, Suzanne Viens rencontre de nouveaux défis. Après plus de douze ans au poste de vice-présidente, ressources humaines, chez Air Transat, elle met à profit son expérience dans sa nouvelle carrière, tout en s'adaptant à une nouvelle réalité. Constatant les besoins dans cet archipel situé en plein cœur du golfe du Saint-Laurent, à une centaine de kilomètres de l'Île-du-Prince-Édouard et du cap Breton, elle met sur pied en parallèle la firme Conseil S pour partager ses connaissances avec d'autres entrepreneurs locaux. En discutant avec eux, elle est sensibilisée à un enjeu de taille : l'attraction et la rétention de la main-d’œuvre saisonnière. Mme Viens a vendu depuis peu son restaurant, mais elle a acquis une solide expérience dans ce domaine.

Attraction

Pour dénicher les bons employés, Mme Viens suggère d'abord aux employeurs qui offrent des postes saisonniers en région éloignée d'amorcer le recrutement plusieurs mois à l'avance. Aux Îles-de-la-Madeleine, où la saison estivale constitue la principale période d'activité, Mme Viens commençait cette démarche dès le mois de février. « Je disais aux employeurs d'être très proactifs en hiver, commente-t-elle. Quand une personne décide d'aller passer une partie de son année aux Îles-de-la-Madeleine, elle fait une bonne planification. »

Selon elle, les médias sociaux et les médias numériques constituent des véhicules de choix pour porter son message jusqu'aux candidats potentiels. «Il n’y a presque pas de petites entreprises saisonnières qui misent sur ce volet, alors qu'elles devraient, à tout le moins, avoir une page Carrière sur leur site Web et être présentes sur les médias sociaux », juge-t-elle. Les journaux locaux, par leur distribution restreinte, ne sont pas d'une grande utilité pour joindre l'ensemble des gens intéressés à travers le Québec. À l'inverse, elle souligne que certains sites Web spécialisés, comme hotelleriejobs.com dans le secteur qui la concernait, peuvent parfois se révéler fort efficaces pour faire circuler une offre d'emploi. Les nouvelles technologies facilitent aussi les étapes qui suivent la publication de l’offre. Plusieurs entrevues, par exemple, peuvent désormais se réaliser à distance grâce à Skype.

Une fois l'information arrivée à bon port et le contact établi, il reste à convaincre les candidats les plus intéressants de faire le voyage pour venir travailler. Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, Mme Viens a constaté que l'hébergement pouvait devenir un frein. À son avis, il est nécessaire d'accompagner et de guider les nouveaux employés pour les aider à se trouver un toit. « Il faut faire des démarches en collaboration avec eux, ou du moins être capable de les référer vers certains endroits où il est possible de faire la location d'une chambre ou d'une maison, parce que cela reste un problème important pour les gens en période estivale », commente-t-elle. Comme les tarifs de location pouvaient devenir prohibitifs durant la saison touristique, Mme Viens était allée jusqu'à acheter une maison pour louer, à des prix plus abordables, des logements à son personnel saisonnier.

Conciliation travail/vacances

Consciente que son restaurant était situé dans un endroit très touristique, elle avait décidé, pour attirer la main-d’œuvre, d'accommoder ses employés et de leur donner une chance de trouver un équilibre entre leur travail et leurs passions personnelles. « Les gens vont venir pour l'expérience de travail, mais aussi pour profiter de la région», rappelle-t-elle.

Dans certains cas, il pouvait presque s'agir de mesure de conciliation travail/tourisme ou de conciliation travail/vacances. « Une personne qui réside aux Îles et qui travaille en restauration durant l'été va travailler toutes les heures possibles, parce que l'hiver, elle n'a rien. Ce n'est pas la même dynamique pour une personne qui vient de Montréal. Elle travaille toute l'année là-bas, va passer un séjour durant l'été aux Îles, puis va retourner à Montréal où elle va travailler encore », explique-t-elle. « Ces gens-là, quand ils acceptent de venir en région, c'est parce qu'ils y trouvent un avantage, un équilibre entre le travail et la vie personnelle. »

Pour les surfeurs qui venaient aux Îles-de-la-Madeleine afin de se lancer sur les vagues, ou pour les mélomanes qui s'y transportaient afin de voir une multitude de concerts à bas prix, la solution pouvait consister à donner moins d'heures de travail ou à adapter les horaires afin de leur permettre de s'adonner à leurs activités de prédilection. « Ces gens veulent, même si c'est très court et très intense, avoir du temps pour eux et pour profiter de leur été aux Îles. S'ils viennent pour pratiquer leur sport favori, il faut être capable d'avoir des horaires de travail qui leur permettent de concilier les deux. »

Pour en attirer d'autres, elle tentait plutôt de conjuguer les tâches de travail avec leurs passions. Elle raconte, par exemple, avoir embauché des étudiants, tout droit sortis des écoles de cuisine, à qui elle a accordé le pouvoir de déterminer certains menus. «  C'était une expérience enrichissante, qu'ils ne pouvaient pas vivre dans un contexte urbain où il y a plusieurs personnes dans une organisation. »

Mme Viens croit fermement que toute organisation a intérêt à arrimer les intérêts, les ambitions et les talents des travailleurs avec la sienne. « Votre mission d'entreprise, il faut que vous la connaissiez bien, prévient-elle. Il faut réaliser votre recrutement en attirant les gens dont les passions et les talents sont alignés sur votre mission d'entreprise. »

Pour attirer une main-d'oeuvre dans un endroit plutôt isolé comme les Îles-de-la-Madeleine, «… il faut être capable de cibler et de conserver des gens qui ont une passion ou un talent qui est en lien avec ce qu'on a à offrir dans la région», ajoute-t-elle.

Rétention

Même si l'emploi s'avère saisonnier, plusieurs principes des ressources humaines, mis en application dans les lieux de travail permanents, demeurent pertinents, précise Mme Viens. Ce qui est en jeu, c'est la rétention du personnel, ou plutôt le retour de celui-ci durant la haute saison. Au premier chef, Mme Viens rappelle la valeur de la reconnaissance. « Si on offre des billets de spectacle ou si on est capable de permettre à des employés d'aller assister à des événements, c'est aussi une forme de reconnaissance qu'on peut donner et ça répond à une attente de l'employé. »

De plus, elle juge qu'évaluer le rendement des employés se révèle nécessaire. « Il y a une idée répandue selon laquelle ce n'est pas important de les évaluer, puisqu'ils ne sont pas là longtemps. Pour les employeurs, comme pour les employés, c'est toujours important qu'il y ait une évaluation du rendement, afin que les gens aient un retour sur leur travail et sur leur comportement en organisation, insiste-t-elle. Le fait que ce soit court et saisonnier, ce n'est pas une raison pour ne pas la faire. »

Lorsque les activités cessaient ou ralentissaient, Mme Viens prenait aussi soin de garder contact avec son personnel. Elle croit que recourir à de petites attentions, comme envoyer des cartes ou des courriels pour souhaiter de joyeuses fêtes ou un joyeux anniversaire, donne des résultats. Maintenir la communication, assure-t-elle, incite les travailleurs à revenir, malgré la distance.

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Entrevue avec Mme Suzanne Viens, CRHA