ressources / dotation

L'entrevue de fin d'emploi : un outil de rétention sous-estimé

La majorité des postes affichés résulteraient davantage du roulement du personnel, volontaire ou involontaire, que de la création d’emploi...

27 mai 2013
Jean-François Ouellet, CRHA

Dans un sondage CROP-CRHA réalisé en 2007, 53 % des travailleurs québécois ont affirmé que le taux de roulement de personnel est élevé dans leur organisation. De plus, 33 % des travailleurs interrogés ont souligné que leur employeur éprouve des difficultés à garder les meilleurs employés. Parmi les motifs de départ les plus souvent évoqués par les employés : la rémunération, le manque de possibilité d’avancement, le mauvais climat de travail, le manque de reconnaissance et la relation avec le supérieur immédiat. Dans ce contexte, le taux de roulement volontaire peut être affecté par les difficultés vécues au sein de l’organisation jumelées à l’attrait des multiples possibilités d’emploi sur le marché du travail.

Des coûts importants

Il en coûterait jusqu’à deux fois le salaire annuel de l’employé pour le remplacer. Selon une étude de Pinkovitz, Moskal et Green (2003), le roulement du personnel génère des coûts directs et indirects qui peuvent affecter la performance et la notoriété de l’organisation. Les coûts de la cessation d’emploi ainsi que ceux qui sont associés au poste vacant, au remplacement, à la formation, à l’intégration et aux écarts de performance sont les plus importants. En plus de ces coûts directs, il y a aussi des coûts indirects associés aux effets psychologiques engendrés par le départ d’un collègue.

Cela étant, vaut-il la peine d’investir dans une entrevue de fin d’emploi? Est-il trop tard pour connaître les raisons de départ lorsqu’un employé donne sa démission? Bien que l’entrevue de fin d’emploi puisse sembler une stratégie réactive, elle est aussi un outil de gestion proactif qui vise à prévenir d’autres départs.

Objectifs des entrevues de fin d’emploi

L’objectif de l’entrevue diffère selon que le départ est volontaire (démission, retraite) ou involontaire (licenciement, congédiement). Précisons que plusieurs experts croient qu’une entrevue de fin d’emploi devrait être proposée uniquement aux employés qui quittent volontairement l’entreprise. En effet, l’employé qui quitte involontairement son emploi à la suite d’un licenciement ou d’un congédiement risque de ne pas être objectif en raison des émotions que suscite la perte de son emploi.

Entrevue de départ volontaire

Entrevue de départ involontaire

L’entrevue vise à obtenir des renseignements qui permettent d’améliorer les pratiques de gestion des ressources humaines et, éventuellement, d’accroître la rétention du personnel. En ce qui concerne une démission, l’objectif est aussi de connaître les raisons qui motivent l’employé.

Ce type d’entrevue peut prendre la forme d’un entretien face à face, d’une conversation téléphonique ou d’un questionnaire écrit ou électronique. Toutefois, l’entretien en personne et la conversation téléphonique sont les seuls moyens qui assurent une rétroaction qui permet de valider les réponses reçues afin de mieux comprendre la situation.

L’entrevue a comme objectif non pas de récolter des pistes d’amélioration, mais bien de fermer la boucle avec l’employé, de rehausser son estime de soi et de lui offrir de l’aide dans sa recherche d’emploi. Dans ce contexte, il s’agit davantage d’une entrevue de soutien que d’une entrevue de diagnostic. Compte tenu de la charge émotive associée à ce type de départ, il est préférable d’avoir un entretien face à face.

Il ne faut pas sous-estimer l’importance de boucler la boucle avec les employés remerciés, pour minimiser l’impact négatif du départ, car ces derniers peuvent entacher la réputation de l’entreprise et nuire ainsi à sa capacité d’attraction.

Déroulement et conditions de succès

Dans le cas d’une entrevue à la suite d’un départ volontaire, certaines conditions doivent être respectées afin que chacune des parties, employeur comme employé, puisse en tirer parti.

  • L’entrevue devrait toujours être volontaire. Le lien d’emploi et de subordination étant rompu, l’employeur ne peut contraindre l’employé à participer à cette entrevue.
  • Compte tenu que le gestionnaire peut être la cause du départ de l’employé, une personne neutre devrait conduire l’entretien. Un professionnel en ressources humaines, conseiller interne ou consultant externe, est tout indiqué.
  • Lors de l’entretien, le conseiller doit mettre le répondant en confiance en précisant l’objectif de l’entretien et en établissant un climat propice à un réel dialogue.
  • Les sujets traités lors de l’entrevue doivent porter uniquement sur les pistes d’amélioration de l’organisation et, en aucun cas, sur la performance de l’employé.
  • Les informations transmises par l’employé ne devraient pas lui causer préjudice ou nuire à ses références d’emploi. 
  • L’entrevue devrait se dérouler en privé et les informations récolées devraient demeurer confidentielles. Le service des ressources humaines peut communiquer par la suite des statistiques globales sur les raisons de départ.
  • Il est toujours préférable de poser des questions ouvertes afin de connaître les réelles raisons de départ. Voici les questions les plus fréquentes : Quelle à la principale raison de votre départ? Quelles étaient les principales sources de satisfaction et d’insatisfaction dans votre travail? Quelles sont vos suggestions d’amélioration? Comment l’organisation aurait-elle pu éviter votre départ?
  • Si les questions ouvertes ne donnent pas un éclairage satisfaisant, des dimensions telles que la nature du travail, la rémunération, les possibilités d’avancement, la relation avec le supérieur immédiat et la relation avec les collègues peuvent être évaluées avec une échelle de satisfaction.
  • Finalement, on peut conclure l’entretien en remerciant l’employé pour sa contribution à l’entreprise ainsi que pour le temps consacré à l’entrevue de fin d’emploi.

Administrée selon les règles de l’art, l’entrevue de fin d’emploi favorise la collecte d’information stratégique. Selon la récurrence des renseignements et commentaires recueillis, il sera plus facile d’établir un plan d’action visant l’amélioration des pratiques de gestion. Celle-ci aura une incidence positive sur la fidélisation des employés et permettra éventuellement la réduction des coûts associés au remplacement du personnel. Enfin, l’entrevue de fin d’emploi permet aussi à l’employeur de démontrer sa capacité d’écoute et de remise en question et de terminer sur une note positive la relation entretenue avec l’employé.

À propos de l’auteur

Jean-François Ouellet, CRHA est consultant en développement organisationnel chez Conscience Ressources Humaines. Il oeuvre depuis près de 20 ans dans le domaine de la consultation. Il enseigne au programme de maîtrise à l'ÉNAP, au programme de MBA à l'UQAM ainsi qu'au programme en management et gestion des ressources humaines à l’Illinois State University. On peut le joindre aux coordonnées suivantes : courriel : jf.ouellet@conscience-rh.com et site web: www.conscience-rh.com.

Jean-François Ouellet, CRHA