Vous lisez : Tensions au travail et COVID-19

Le stress est responsable de 34 % des différends dans le milieu du travail[1]. En cette période de pandémie, le degré de stress des employés et des gestionnaires n’a jamais été aussi élevé.

Les quatre principaux éléments déclencheurs du stress ont été maintes fois répétés : 1) contrôle faible 2) imprévisibilité 3) nouveauté et 4) ego menacé[2]. Pour certaines personnes, la plupart sinon la totalité de ces éléments déclencheurs sont présents dans le contexte de la pandémie mondiale qui sévit actuellement.

Il est important de rappeler que les points d’incompatibilité de certaines personnalités sont responsables de 49 % des différends au travail[3]. Il faut également savoir que certains traits de personnalité sont exacerbés par le stress. Les personnes abrasives peuvent devenir plus incisives et les personnes introverties peuvent s’isoler et se refermer davantage. Vous avez un potentiel important de tensions au travail lorsque vous vous trouvez en présence de plusieurs éléments déclencheurs de stress et des traits de personnalité incompatibles.

En temps normal, il est naturel et inévitable que des tensions se développent entre les personnes au travail. La pandémie actuelle peut augmenter les risques de tension ou exacerber les tensions existantes.

Ces tensions peuvent se manifester dans certaines situations ou à la suite de certains comportements (haussement de ton, remarques faites en privé ou en groupe et jugées déplacées, absences de réponses suite à un commentaire ou à un courriel, etc.). Une personne pourrait percevoir ces comportements de façon négative et avoir le sentiment d’avoir été traitée injustement ou de manière inéquitable.

Alors qu’il est normal de vivre des tensions au travail, il faut éviter que celles-ci se transforment en différends ou en conflits. Voici cinq trucs pratiques pour éviter l’escalade, que vous soyez présent sur le lieu de travail ou en télétravail :

Distinguez les faits des perceptions

Chaque situation peut donner lieu à une interprétation. Prenez un peu de recul et demandez-vous si votre sentiment d’avoir été traité injustement est lié à votre interprétation de la situation ou à votre perception ou s’il repose sur des faits (paroles, gestes, etc.).

Pour vous aider, vous pouvez écrire dans la partie gauche d’une feuille ce que vous avez entendu, vu ou lu et dans l’autre partie, ce que vous avez ressenti et l’impact que cet événement a eu sur vous. Soyez honnête et tentez d’identifier vos propres sources de stress. Il est possible que le contexte actuel vous ait rendu plus réactif ou même émotif, c’est tout à fait normal. Cette réflexion initiale vous aidera à articuler votre pensée et à décider de l’approche que vous prendrez pour diminuer les tensions.

Agissez rapidement et au moment propice

À ce stade, vous devez vous demander si la discussion peut attendre ou non. Si la situation a une incidence négative sur votre contribution actuelle, il est important d’en parler. Plusieurs personnes vous diront d’emblée que ce n’est pas le moment opportun pour avoir une discussion difficile. S’il est vrai qu’il faut être sensible et compréhensif à l’égard d’une personne qui vit des moments difficiles (ex. maladie, urgence, etc.), il faut savoir que le fait d’attendre et de reporter une discussion difficile ne fait qu’accentuer les tensions tout en nuisant à votre travail.

Les auteurs suggèrent de ne pas attendre plus de 24 à 48 heures avant de signifier à une personne que vous souhaitez lui parler d’une situation qui vous préoccupe[4]. Même si la personne n’est pas disponible dans les 24 ou 48 heures, indiquez-lui quand même que vous souhaitez lui parler de cette situation qui vous préoccupe.

Il faut tenir compte de la réalité à laquelle l’autre personne est confrontée. Un moment qui vous semble propice pourrait ne pas l’être pour l’autre personne. Prenez le temps de vérifier « Est-ce un bon moment pour te parler? » Si le moment est mal choisi, convenez d’un moment plus propice au cours des prochains jours.

Parlez au « je »

Cela est plus facile à dire qu’à faire. Votre réflexion initiale (truc n° 1) vous aura permis d’identifier les paroles ou les gestes qui vous ont dérangé. Il est important de valider la perception que vous avez de la situation auprès de la personne, car sa perception et ses intentions pourraient être différentes.

Par exemple, un collègue ou un gestionnaire qui ne répond pas à vos courriels peut vous donner l’impression d’avoir été mis de côté ou de ne pas être considéré. Pour parler au « je » dans un tel contexte, vous devez dire :

« Je sais que le contexte est particulièrement difficile et je te remercie de prendre le temps de me rencontrer. Je t’ai écrit cinq courriels dans la dernière semaine, et je n’ai pas reçu de réponse. Ça me préoccupe, car j’ai l’impression que ce que je propose n’est pas pris en considération ». Il faut éviter ce qui suit : « Tu n’as pas répondu à mes courriels cette semaine. Tu n’as vraiment pas de considération pour mes propositions. » Il faut éviter d’accuser et de prêter des intentions négatives à la personne, ce qui ne pourra que mettre un terme au dialogue.

Écoutez vraiment la réponse de la personne et son intention

Il faut être ouvert à la possibilité que les intentions de la personne puissent être différentes de votre perception. Même si les faits sont indéniables (ex. votre gestionnaire a haussé le ton), il se peut qu’il n’ait pas mesuré l’impact de ce comportement sur vous et qu’il n’avait aucune intention de vous heurter. Il était peut-être sous pression à cause d’une situation difficile ou d’un livrable.

Une chose est certaine cependant : si la personne n’était pas consciente de l’incidence de son comportement sur vous, elle ne pourrait pas le nier à partir du moment où vous lui aurez parlé.

Proposez des solutions qui tiennent compte de la réalité

Préparez-vous à proposer des solutions qui feront en sorte que des situations du même genre ne se reproduisent plus. Vos solutions doivent tenir compte du contexte actuel et des capacités de chaque personne.

Ces cinq trucs pratiques fonctionnent, que vous soyez présent sur le lieu de travail ou en télétravail. En télétravail, nous suggérons d’utiliser des outils de communications visuels (FaceTime, Zoom, etc.) afin de vous permettre de capter les réactions non verbales de la personne avec qui vous avez la conversation.

Préparer une conversation difficile exige de la préparation et probablement encore plus dans le contexte actuel. Il peut donc être approprié et même nécessaire d'aller chercher du soutien pour se préparer et même pour en discuter après.

Nous le répétons souvent, la pandémie de la COVID-19 est sans précédent. La situation est difficile et il est important plus que jamais de prendre soin de ses relations au travail et de ne pas laisser les relations s’envenimer et nous empêcher de travailler ensemble. Prendre soin de ses relations au travail est une façon très concrète de s’entraider et de préserver un climat de travail sain et collaboratif. Une fois la tempête passée, nous serons heureux de retourner au travail sans nuages au-dessus de la tête.

Me Joëlle Thibault, CRHA LL.L, Ph. D. est experte résolution de conflits.

  1. Workplace conflict and how businesses can harness it to thrive, CPP Global Human Capital Report, 2008.
  2. www.stresshumain.ca
  3. Voir la note 1.
  4. Stone D., Patton B. and Heen S., Difficult Conversations, How to discuss what matters most, Penguin, 2000, 250pp.
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