Vous lisez : Reprise des activités et santé psychologique

La reprise des activités en entreprise risque de s’avérer particulièrement difficile dans ce contexte de pandémie, alors que le stress, la peur, l’insécurité financière et la fatigue sont le lot d’une majorité. Comment préparer votre organisation pour préserver la santé mentale de tous? Voici les conseils de Marie-Ève Champagne, CRIA, spécialiste santé, sécurité et mieux-être au travail chez Nucléi Conseils.

Même si elles n’ouvrent pas dans l’immédiat, les entreprises devraient d’ores et déjà commencer à préparer la reprise pour s’assurer d’un « retour durable » dans le temps, explique Marie-Ève Champagne. En effet, cette réflexion préalable permet de s’assurer de prendre les bonnes décisions et d’éviter la précipitation. « Cela a plusieurs avantages, dont celui de diminuer le stress et la peur chez vos employés », ajoute-t-elle.

Selon la spécialiste, il faut aussi réunir trois « facteurs de protection » tels qu’on les retrouve dans un document produit par l’IRSST et intitulé Guide soutenir le retour au travail et favoriser le maintien en emploi[1]. D’abord, les employés doivent se sentir soutenus dans cette situation difficile. Pour cela, il faut faire preuve non seulement de l’empathie, mais aussi offrir les ressources à ceux qui en ont besoin. Le fait d’avoir une influence sur son travail est également essentiel, notamment parce que cela permet d’avoir un certain contrôle pour s’ajuster aux différents facteurs de stress. Respect et reconnaissance constituent la troisième de ces clés à déployer avant, pendant et après le retour au travail.

Recueillir les besoins

« Pour préparer adéquatement le retour, il faut savoir dans quel état reviennent vos gens », soutient la spécialiste. Pour commencer, elle conseille de prendre le pouls de ses employés individuellement pour savoir comment ils se sentent : fatigués, stressés, anxieux, etc.? « C’est important de faire un survol avec eux de ce qui va bien, de ce qui va moins bien et de ce qui les aiderait. »  En plus d’évaluer la situation personnelle de chacun, il faut également examiner les différents risques psychosociaux dans l’entreprise, comme la charge de travail élevée, le manque de soutien organisationnel ou l’insécurité. « Ces facteurs, qui existaient avant la crise, pourraient être exacerbés par la situation actuelle. »

La spécialiste suggère ensuite de réfléchir aux différents outils à votre disposition pour répondre à ces besoins : mesures de conciliation travail-famille, par le gouvernement, lignes d’aide téléphonique, etc. C’est aussi le moment de revoir et de maximiser les différentes facettes de votre programme d’aide aux employés (PAE), ajoute-t-elle. « Vous devez être au courant de l’éventail des mesures, être en mesure de vulgariser l’information et de la diffuser largement. »

Cet inventaire des besoins et des ressources vous permettra d’établir un plan de match précis, ajoute-t-elle. Pour cela, il faut non seulement déterminer des priorités, mais aussi les actions à entreprendre, les échéanciers à respecter, etc. « Par exemple, si l’on décide de proposer un horaire flexible, il faudra se demander quelles seront les étapes à suivre, qui y aura droit, qui sera responsable du programme, quelles seront les échéances. Il faut aussi penser à mesurer les résultats. »

Mais surtout, il ne faut pas hésiter à promouvoir les différentes mesures de soutien et les programmes offerts aux employés. « Publicisez le tout et assurez-vous que c’est accessible », conseille Marie-Ève Champagne.

Comprendre pour mieux agir

Dans le contexte, les gestionnaires devront aussi être outillés pour repérer les signes de détresse psychologique, comme l’absentéisme, l’irritabilité, les difficultés à dormir ou à se concentrer, une apparence négligée, la consommation d’alcool et de drogues, etc. Autant d’indices à ne pas négliger « puisqu’il s’agit de symptômes précoces qui montrent que la personne a du mal à s’ajuster aux facteurs de stress auxquels elle est exposée. Il vaut donc mieux agir avant que ça dégénère en pathologie. »

S’ils ne sont pas thérapeutes, les gestionnaires et les professionnels RH peuvent tout de même intervenir s’ils constatent qu’une personne ne va pas bien. Marie-Ève Champagne suggère de s’assurer d’abord que la personne n’est pas un danger pour elle-même et de se mettre en mode écoute. « Il ne faut pas minimiser ce que la personne vit, ni lui proposer des solutions. Il faut plutôt l’encourager à chercher de l’aide. » Il est important également de la soutenir dans son plan d’action et de faire un suivi, sans mettre de pression, avec la personne ensuite.

Le Jour J

Lors du retour, montrez-vous accessible et disponible, suggère Marie-Ève Champagne. « Promenez-vous avec un calepin, écoutez les gens, offrez votre soutien, notez leurs suggestions et passez à l’action! » Une façon simple et efficace de reconnaître leurs besoins et leurs idées. Pour rassurer vos troupes, elle conseille aussi de rappeler régulièrement les différentes mesures préventives mises en place dans l’entreprise. « Si les gens voient que c’est respecté, ils seront plus en confiance. » La communication s’avère également un outil puissant pour diminuer le caractère imprévisible de la situation, mais aussi le stress. Montrez-vous donc transparent.

Comme le risque de conflit est plus grand dans le contexte, la spécialiste suggère aussi de rappeler les procédures en cas d’incivilités et de harcèlement, et de mettre en place une approche misant sur la médiation. « Vous devez également vous attendre à ce que certaines personnes se sentent injustement traitées, par exemple si une partie de vos employés continuent de faire du télétravail, ajoute-t-elle. Soyez prêts à répondre à ces questions, dans les limites de la confidentialité. »

À long terme

Autant de bonnes habitudes que vous devrez maintenir pendant la prochaine année, au minimum, poursuit Marie-Ève Champagne. En cours de route, n’oubliez pas les télétravailleurs, qui doivent apprendre à se « débrancher » et à maintenir de saines habitudes de vie. Mais surtout, il faut prendre soin de vos équipes, de vos gestionnaires, mais aussi de vous-mêmes. « Vous ne pourrez pas vous occuper des autres si vous êtes en train de couler », conclut la spécialiste.

  1. St-Arnaud, Louise et Pelletier, Marie-Eve, Guide soutenir le retour au travail et favoriser le maintien en emploi - Faciliter le retour au travail d’un employé à la suite d’une absence liée à un problème de santé psychologique , Institut de recherche Robert-Sauvé en Santé et Sécurité au travail (IRSST) et Université Laval, 40 p., 2013.
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