Vous lisez : Une relance en toute sécurité

Avec la relance de l’économie, certains secteurs entreprennent un retour sur les lieux de travail, d’autres demeurent en télétravail et d’autres encore évoluent dans une formule hybride. Comment préparer et orienter les équipes dans ce nouveau contexte? Véronique Morin, CRIA, avocate et médiatrice accréditée chez Lavery Avocats, et Anne Sophie Marsolais, médecin et présidente de CEMTA, expliquent comment prendre en main la santé et la sécurité des employés tout en maintenant des relations de travail justes et harmonieuses.

Rassurer en prenant les mesures qui s’imposent

Pour rassurer les employés qui reviennent au travail et assurer leur sécurité, Anne Sophie Marsolais recommande aux organisations d’implanter des mesures d’hygiène et de distanciation physique rigoureuses, dans le respect des consignes de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)  et de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail . L’employeur doit communiquer largement ces mesures aux employés (affiches, intranet, courriel), les formaliser par divers protocoles et les accompagner de surveillance et de rappels.

Véronique Morin rappelle que ces ajustements sont obligatoires en vertu de la Loi sur la santé publique : les employeurs ont le devoir d’assurer la santé et la sécurité de leurs employés, de leurs fournisseurs, de leurs clients et du public. En respectant les directives des autorités de santé publique, les organisations évitent de faire courir un risque accru à des tierces parties et mettent toutes les chances de leur côté pour s’éviter des recours en responsabilité civile, pénale ou même criminelle en cas de contamination.

Prévenir la propagation de la maladie sur le terrain

Pour assurer la sécurité de tous, l’employeur a le devoir de poser des questions à ses employés. L’information ainsi recueillie sera aussi utile advenant une enquête de la santé publique. « J’encourage les employeurs à tenir un registre journalier des employés présents dans le milieu de travail, indiquant la date, le nom et les coordonnées des employés, les heures d’entrées et de sorties, leur site ou département et les lieux fréquentés », dit Anne Sophie Marsolais.

Elle recommande aussi de mettre en place un questionnaire d’entrée au travail pour vérifier si l’employé a voyagé récemment à l’extérieur du pays, s’il présente des symptômes de COVID-19, ou s’il a été en contact avec une personne diagnostiquée ou en attente de diagnostic. S’il répond par l’affirmative à l’une de ces questions, l’employé doit rentrer à la maison et s’isoler pour une période de 14 jours.

L’employeur doit aussi vérifier si l’employé figure parmi les personnes vulnérables, soit les personnes âgées de 70 ans et plus présentant une immunodéficience ou atteintes d’une ou de plusieurs maladies chroniques. Si c’est le cas, Anne Sophie Marsolais conseille de se référer aux recommandations de l’INSPQ  en la matière et de redoubler de prudence pour protéger l’employé. S’il est impossible de le protéger adéquatement ou de le mettre en télétravail, il est préférable de lui accorder une absence pour motif de santé.

Gérer les demandes d’exemption au travail

Véronique Morin rappelle que, malgré les circonstances, le contrat de travail existe toujours de part et d’autre. L’employé et l’employeur doivent donc chercher ensemble des solutions pour que l’employé puisse livrer sa prestation de travail. L’avocate recommande aux employeurs de bien documenter leurs décisions vis-à-vis de chaque employé, ceci afin de pouvoir s’y référer ultérieurement.

Certains employés pourraient souhaiter rester à la maison en raison de la vulnérabilité d’un proche, toutefois seule leur propre condition physique peut justifier une exemption. S’il doit se présenter au travail, l’employé en télétravail peut établir une distanciation physique à la maison avec la personne vulnérable. L’employeur peut quant à lui ajuster le milieu de travail pour rassurer l’employé ou choisir d’autoriser son absence dans le respect des conditions de travail (congé sans solde, vacances, etc.).

Formaliser le télétravail

Comme le télétravail est fortement encouragé, qu’il se prolonge et qu’il pourrait entrer dans les mœurs des entreprises, « il est souhaitable d’en revoir l’organisation et d’en prévoir les modalités et conditions », indique Véronique Morin.

Pour ce faire, l’employeur doit tout d’abord définir s’il désire mettre en place le télétravail temporairement pour des raisons de santé publique ou le faire entrer dans les pratiques courantes de l’entreprise. Il doit ensuite préciser tous les aspects relatifs au télétravail et les intégrer aux conventions et politiques de l’entreprise. L’employeur possède les mêmes droits et obligations envers un télétravailleur qu’envers un salarié présent dans ses installations, notamment à ce qui a trait à la santé et à la sécurité. Le syndicat doit faire partie de cette réflexion et des négociations à venir, s’il y a lieu.

En mettant en place ces diverses recommandations, les organisations réussiront à protéger adéquatement leurs employés tout en se protégeant elles-mêmes.

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