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L’utilisation des médias sociaux : une question de confidentialité et d’éthique

Marie-Hélène Lambert*, CRHA, est conseillère en recrutement dans une grande entreprise. Récemment, les employés ont suivi une initiation à l’utilisation des médias sociaux. Depuis cette date, plusieurs employés et gestionnaires lui ont demandé de devenir leur amie Facebook. Et voilà que la directrice générale lui suggère de se créer un profil sur LinkedIn, afin d’approcher les spécialistes en technologies de l’information d’entreprises concurrentes, dans le but de pourvoir un poste vacant dans l’organisation. Marie-Hélène hésite... Elle se demande si elle peut satisfaire ces deux requêtes sans contrevenir à ses obligations à titre de membre de l’Ordre. Quels principes doivent la guider? * Nom fictif

Karine Pelletier, CRHA

L'ÉCLAIRAGE DÉONTOLOGIQUE

Pour éviter de se retrouver dans une situation délicate…

Suivant les principes directeurs sur le secret professionnel et le conflit d’intérêts adoptés par l’Ordre en 2007, le CRHA ou CRIA doit rester vigilant et éviter de devenir le confident des employés ou d’avoir accès à des aspects de leur vie privée allant à l’encontre des intérêts de son principal client, soit l’entreprise pour laquelle il travaille. On peut penser, par exemple, à la consommation de drogue ou d’alcool en milieu de travail ou à des problèmes personnels qui sont susceptibles d’avoir un impact sur le rendement au travail d’un employé. La nouveauté, avec les réseaux sociaux, est la rapidité avec laquelle une telle information peut être divulguée par inadvertance ou méconnaissance de ces outils à toute une liste de contacts… Le membre doit donc redoubler de prudence avant de devenir l’ami Facebook de ses collègues et supérieurs.

Le CRHA ou CRIA qui utilise les médias sociaux doit se rappeler qu’il demeure assujetti à ses obligations déontologiques dans sa conduite au sein du groupe. Il doit notamment respecter son obligation de confidentialité et agir avec courtoisie, dignité, modération et objectivité dans ses échanges. Ainsi, il ne doit pas lancer une discussion sur un cas survenu dans l’entreprise, dont les intervenants seraient identifiables par un collègue ou un supérieur, alors que son intervention devait demeurer confidentielle. Il doit aussi éviter toute attitude susceptible de nuire à la réputation de la profession et à son aptitude à servir l’intérêt public, par exemple en publiant des propos injurieux et diffamatoires sur un employé.

Concernant le recrutement via LinkedIn, aucune règle du Code de déontologie ne dicte clairement la conduite à adopter. Quand les règles déontologiques ne sont pas suffisantes pour aider le CRHA ou CRIA à régler un problème, l’éthique devient alors utile. Relevant du questionnement auquel une personne doit se livrer afin de faire un choix devant un dilemme, l’éthique est un processus de prise de décision qui est personnel à chaque individu et qui tient compte de ses valeurs et des conséquences de son action sur lui et sur les autres. Pour l’aider dans sa réflexion, Marie-Hélène devrait donc se demander quels sont les risques de l’adoption d’une telle pratique? Par exemple, l’entreprise elle-même risquerait-elle alors de devenir la cible de ses concurrents? Existe-t-il d’autres moyens de recrutement disponibles et pas encore utilisés? Serait-il préférable de demander le soutien d’une firme de chasseurs de têtes?

Marie-Hélène doit donc conseiller la direction de l’entreprise sur l’utilisation adéquate des médias sociaux, en faisant ressortir les avantages et les inconvénients de chaque solution envisagée.


LA DÉONTOLOGIE EN ACTION

Un défi sur le plan éthique 

Marie-Hélène a raison de se questionner sur les médias sociaux. D’apparition récente, ils connaissent un développement rapide qui exige déjà de nouveaux comportements. Nous manquons de recul pour en évaluer les impacts.

Ces médias posent également de nombreux défis sur le plan éthique. L’esprit actuel des réseaux sociaux en est un de liberté et de convivialité rarement vu. Par contre, ils n’ont pas encore vraiment passé le test de la réalité quotidienne des entreprises, concernant par exemple le respect de la confidentialité et de la vie privée.

En entreprise, l’important est de mettre en contexte ce qui se fait déjà. Marie-Hélène devrait parler avec les dirigeants pour connaître leurs impressions et leurs préoccupations à l’égard de ces médias. Et sans même leur parler, elle sait déjà sûrement si l’entreprise valorise la libre circulation et la transparence ou plutôt la confidentialité et le respect de la vie privée.

Facebook et LinkedIn
En général, Facebook est destiné aux relations privées, tandis que LinkedIn est son pendant dans le monde des affaires, ce qui facilite son adoption dans les entreprises, qui craignent moins de dérapages dans ce contexte plus professionnel.

Ce qui se fait dans le domaine d’activité aura une grande influence. Les entreprises en technologies de l’information, comme celle de Marie-Hélène, sont déjà plongées jusqu’au cou dans les médias sociaux. Il sera alors difficile d’en restreindre l’usage, ce qui serait considéré comme un manque de confiance de la direction envers ses employés.

Par contre, l’hésitation de Marie-Hélène à se lier par Facebook à ses collègues est un excellent prétexte pour aborder franchement la situation avec la direction et ses collègues. Une discussion ouverte sur le sujet permettra de mettre au point la pratique qui semble la plus appropriée pour l’entreprise.

Recrutement
Quant au recrutement, Marie-Hélène devra tenir compte de la réalité des candidats qu’elle recherche. S’ils sont déjà massivement sur ces réseaux, il devient incontournable de les utiliser. En apprenant à s’en servir adéquatement, elle profitera d’une avance sur les entreprises qui ne le font pas encore. Les nouveaux bassins de candidats ouverts par ces médias récompenseront ses efforts.

Elle fera preuve de jugement, la facilité actuelle de recherche ne devant pas conduire à utiliser de l’information non pertinente au poste. Elle devra également garder un œil critique : une période de tests et d’ajustement sera nécessaire pour intégrer ces médias et les utiliser au mieux.

Le développement accéléré des outils technologiques et des réseaux sociaux impose des changements dans les pratiques, mais offre des opportunités encore au-delà de notre imagination.


Karine Pelletier, CRHA

Source :

À retenir

  • Éviter de devenir le confident des employés.
  • Respecter la confidentialité [art. 6(6) du Code de déontologie].
  • Agir avec courtoisie, dignité, modération et objectivité [art. 10].
  • Éviter toute attitude susceptible de nuire à la réputation de la profession et à son aptitude à servir l’intérêt public [art. 12].