ressources / developpement-organisationnel

Résoudre un souci de mobilisation

Dans une PME, la mobilisation d’une équipe peut s’avérer déterminante pour le climat de travail et la rétention de la main-d’œuvre. Mais comment convaincre son personnel de se dévouer pour l’équipe? Témoignage d’une consultante en ressources humaines, qui a accepté de diriger les opérations d’une PME durant un an, en remplacement d’une de ses amies en congé de maternité.

4 novembre 2014
Entrevue avec Éloïse Harvey, CRHA

Le défi était de taille, car l’entreprise affrontait des difficultés de mobilisation de son équipe. Éloïse Harvey, CRHA a reçu comme mandat de rétablir la situation.  

Dès qu’elle s’est installée à son nouveau poste, au début de l’année 2014, madame Harvey a constaté que quelque chose ne tournait pas rond. « Quand je posais des questions, les gens longeaient les murs, ne voulaient pas me répondre, ne participaient pas, ne voulaient pas travailler en équipe avec moi ou mon adjointe. Et ils travaillaient plus ou moins ensemble au sein même de l’équipe », raconte-t-elle.

« Lorsque je faisais des rencontres, les gens s’assoyaient dans le fond de l’entrepôt. Ils avaient les bras croisés. On sentait la fermeture. » Mais en quelques mois, les relations se sont métamorphosées. « Maintenant, ils s’assoient à côté de moi et ils me donnent des tapes dans le dos. Ils participent et échangent entre eux. Je ne voyais pas ça au début. »

Rétention de personnel

Selon Éloïse Harvey, les enjeux liés à la mobilisation d’une équipe sont importants pour les PME en région en raison de la difficulté qu’ils éprouvent à fidéliser la main-d’œuvre qualifiée. « Quand il y a beaucoup de roulement dans une entreprise, c’est plus dur de mobiliser les équipes », souligne-t-elle.

Les PME établies en région peuvent rarement rivaliser avec les salaires offerts par les grandes entreprises implantées autour d’elles. « Il faut que tu donnes différemment », soulève Mme Harvey. La mobilisation, l’atmosphère de travail et l’épanouissement de l’employé deviennent les moyens privilégiés pour convaincre le personnel de ne pas partir pour une question d’argent. « Une PME, il faut parfois gérer ça comme une grande famille et non comme une grande entreprise. »

Écouter les employés

Dès le départ, Éloïse Harvey a dû établir une relation de confiance. « J’ai été honnête. Je leur ai dit que je n’avais pas d’expérience dans les opérations et que c’était avec eux que j’allais apprendre. Je me suis ouverte. » Cette preuve d’humilité était extrêmement importante à ses yeux. « Si j’avais dit que je connaissais tout, que c’était moi le boss, je n’aurais pas mobilisé beaucoup de personnes. »

Pour mobiliser son équipe, madame Harvey a d’abord prêté l’oreille à la quinzaine d’employés de son équipe. Elle les a rencontrés à tour de rôle afin de connaître comment ils voyaient l’entreprise.

« Je me suis un fait un formulaire avec des questions. Qu’est-ce que vous aimez dans l’entreprise? En quoi consiste votre travail? Où aimeriez-vous travailler dans la compagnie? Si on vous donnait le choix, que feriez-vous différemment », énumère-t-elle. Chaque fois, ces questions ouvraient la porte à des discussions éclairantes.

Ensuite, madame Harvey a tenu de nouvelles rencontres, a partagé ses constats et ses attentes, a changé des employés de place et a restructuré le département des opérations. « Il faut prendre le temps de discuter avec eux, leur demander ce qui se passe. On s’aperçoit parfois qu’il y avait des frustrations cachées. Ce n’est pas qu’ils ne voulaient pas travailler pour la compagnie, mais l’inverse. Ils sont devenus des leaders négatifs, parce qu’il y a quelque chose qu’on avait mal fait quelque part. On ne les a pas mobilisés, mais plutôt démobilisés. »

Responsabiliser

Éloïse Harvey est demeurée à l’écoute pour revoir certaines façons de fonctionner. Par exemple, elle a revu la stratégie de l’inventaire avec les employés en se fiant à leur bon jugement. « Je leur ai laissé organiser les choses à travers des rencontres. J’animais plutôt que de prendre des décisions. C’est l’équipe qui prenait des décisions. Tout a très bien été pour les inventaires. Je n’avais jamais fait ça de ma vie, donc ce n’était pas grâce à moi », se réjouit-elle.

Elle prend les opinions et le pouls de ses collègues et les responsabilise. « Il est important pour une entreprise, peu importe le département, de ne pas n’arrêter de tourner si tu n’es pas là demain matin. Quand les gens sont autonomes, parce qu’ils savent où ils s’en vont, ils ont du plaisir et sont heureux. »

Les répercussions sur le climat de travail lui apparaissent évidentes. « Je sens qu’ils veulent bien faire, qu’ils veulent des résultats. Je partage avec eux les ventes et les indicateurs qui les concernent sur un babillard, comme le pourcentage de livraisons effectuées dans les temps. »

Du travail à faire

En revanche, il lui reste tout de même du travail à faire. Madame Harvey analyse actuellement certaines faiblesses dans la productivité, qui ne sont toujours pas réglées.

Elle prévoit se pencher sur l’organisation d’une zone consacrée au montage de pièces, qui crée de la frustration parmi les employés. Aujourd’hui, elle envisage de remédier à la situation en prenant à nouveau le temps de s’asseoir avec son équipe. « On va modifier la zone s’il y a modification à y avoir. On va regarder ce qui ne marche pas et analyser tout ça. Puis, s’il le faut, on va faire un changement. Le but, c’est de travailler pour que tout le monde soit heureux. »

Éviter les ordres contradictoires

Un autre facteur majeur dans la mobilisation d’une équipe consiste à s’assurer qu’il n’y a pas d’ordres contradictoires donnés simultanément par la haute direction. Dans le cas d’une PME, où les hiérarchies sont souvent moins claires et où les dirigeants ont parfois maintenu leur habitude de toucher à tout, ce risque ne doit pas être négligé.

Lorsqu’elle a commencé à travailler comme directrice des opérations, l’un des deux actionnaires continuait à s’occuper du plancher. Éloïse Harvey et lui donnaient des directives sans se coordonner ou s’aligner. Elle a dû discuter avec la direction pour avoir les coudées franches. « Les directives ne peuvent pas venir de partout. C’est important, dans une entreprise, que les rôles soient bien définis et que les cadres de chacun soient bien respectés, analyse madame Harvey. Sinon, les employés deviennent démotivés, ne comprennent pas ce que l’on veut et ne savent plus qui ils doivent écouter. »

Éloïse Harvey, CRHA demeure à la direction des opérations jusqu’à la fin de l’année 2014. Elle est persuadée que cette expérience l’influencera par la suite dans son travail comme consultante en ressources humaines. « Je pense que ça va m’aider à mieux conseiller et outiller les directeurs d’usine. » Son mot de la fin? « Quand vous travaillez avec des gens qui ont le goût d’être là, il y a de l’ambiance. C’est le “fun”. C’est très différent que lorsque les employés entrent pour travailler en se disant qu’ils ne sont pas à leur place. »


Entrevue avec Éloïse Harvey, CRHA