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Une perspective multidimensionnelle du changement

Les changements sont, aujourd'hui, à ce point omniprésents dans les organisations et leur impact sur les individus si déroutant et déstabilisant qu'il devient primordial que les gestionnaires, et en particulier ceux qui évoluent au sein de services des ressources humaines, acquièrent les habiletés pour y faire face. Ces habiletés sont de deux ordres: d'abord, sur le plan de la réflexion, les personnes qui occupent des postes de gestion à un niveau supérieur doivent maîtriser les notions clés du management stratégique leur permettant de «lire» avec acuité et intelligence les tendances qui se manifestent dans leur environnement d'affaires; puis, en matière d'action stratégique, elles doivent apprendre à intervenir efficacement sur les dynamiques, essentiellement humaines, de la transformation auxquelles sont confrontées les organisations contemporaines.

5 janvier 2005
Carole Lalonde, Ph. D., AdmA

Il est remarquable de constater que ce bouillonnement dans lequel baignent les organisations est de plus en plus vécu, depuis les années 1990 tout au moins, comme étant imposé par des forces exogènes plutôt que choisi ou désiré de l'interne. Les organisations semblent constamment en train de réagir à ces forces comme si l'innovation et la proactivité avaient soudainement disparu! Un discours déterministe est d'ailleurs venu légitimer cette nécessité de changement dans les organisations – les organisations n'ont pas le choix, elles doivent s'adapter si elles veulent survivre, elles doivent suivre le mouvement, le courant, etc. –, si bien que quiconque s'oppose au changement est considéré comme dépassé, en dehors de son temps. Pourtant, tout changement n'est pas en lui-même foncièrement bon! L'issue des changements est incertaine et son succès ne peut être garanti avec certitude; d'ailleurs, plusieurs auteurs évaluent entre 50% et 80% le taux d'échec des changements. L'historique de changements mal gérés conduit à la suspicion, voire au cynisme. Enfin, tout changement comporte à la fois des gains et des pertes pour les individus à différents égards. Il ne faut donc pas se raconter d'histoires!

De plus, bon nombre de projets de transformation aujourd'hui se superposent et doivent être gérés «en cascade»; ainsi, alors même que les membres d'une organisation sont en voie d'implanter un projet de changement, un autre changement tend à s'imposer et se superpose au précédent dont on sort à peine. Bref, le rythme et la cadence des changements sont souvent perçus comme insoutenables et cela crée un état de confusion, de désordre, de chaos. Les responsables des ressources humaines doivent être sensibilisés au fait que ce contexte de changements multiples crée une fatigue physique et émotionnelle pouvant rendre les employés moins réceptifs. Pour reprendre une expression d'Eric Abrahamson dans un numéro de la Harvard Business Review: «To change successfully, companies should stop changing all the time».

Les dimensions à considérer dans la gestion du changement

Le postulat de base de notre analyse est que le changement organisationnel ne peut être appréhendé de façon linéaire, mais nécessite une approche systémique. Ainsi, le changement active de façon singulière un ensemble de dimensions de la vie organisationnelle qui sont toutes interreliées de façon dynamique et itérative. Ces dimensions sont: l'envi- ronnement d'affaires ou le contexte dans lequel évolue l'entreprise et dont elle doit tenir compte dans ses choix stratégiques; les dimensions psychosociologiques qui sont provoquées par l'annonce de changements et qui entraînent souvent pour l'individu de l'insécurité et une réflexion sur son avenir au sein de l'organisation; les dimensions socioculturelles qui consistent en une remise en question plus ou moins profonde des missions et des façons de faire qui constituaient jusque-là le ciment organisationnel; les dimensions politiques à partir desquelles des groupes d'intérêt et des coalitions émergent pour faire obstacle ou pour négocier la mise en œuvre des changements.

Les dirigeants doivent acquérir des compétences managériales à chacun de ces niveaux dans le pilotage de projets de changement à portée stratégique. La mission ou la raison d'être de l'organisation est au cœur des changements à portée stratégique; celle-ci est alors remise en question, évaluée du point de vue de sa pertinence ou de sa performance, ou les deux. Les dirigeants appelés à gérer des changements ne doivent jamais perdre cela de vue, en particulier lorsque vient le temps de passer à l'action, alors même que l'on risque de s'empêtrer dans un ensemble de considérations opératoires qui peuvent éloigner de la finalité poursuivie.

La réflexion stratégique sur le changement

L'idée de changement est généralement provoquée par un questionnement de nature stratégique, qui concerne la mission même de l'organisation, sa raison d'être, et qui se traduit par un écart entre ce que l'organisation est en mesure d'offrir et les demandes, courants, tendances qui se font jour dans l'environnement externe. La réflexion stratégique prend alors forme au niveau de la haute direction de l'entreprise. Celle-ci se questionne sur son positionnement et sur la performance de ses centres d'activité. Un projet de changement émane de cette réflexion; parfois, les buts ou visées de ce projet sont encore assez flous, mais la nécessité d'opérer des changements finit par s'imposer.

Or, si la nécessité de changer finit par s'imposer comme une évidence pour ceux qui participent à la réflexion stratégique, cela ne va pas automatiquement de soi pour les autres acteurs de l'organisation qui n'ont pas été associés à cette réflexion stratégique et qui, par conséquent, n'ont pas suivi le même cheminement mental. De plus, le langage employé par les dirigeants et qui emprunte au vocabulaire du management stratégique n'est pas toujours bien compris des autres membres de l'organisation.

Enfin, les objectifs des changements proposés sont souvent énoncés dans des termes si généraux que l'on ne voit pas concrètement où ils vont mener. Les dirigeants ont ainsi un travail important de transmission d'information, de partage de vision et de vulgarisation afin que les autres acteurs, qui devront éventuellement être associés à la réalisation des projets de transformation, puissent d'abord comprendre le raisonnement stratégique de la direction, puis, possiblement, y adhérer.

En même temps, si une réflexion stratégique sérieuse a été menée et que les dirigeants n'entendent pas négocier la finalité des changements proposés, il faudrait le dire clairement. Par ailleurs, si la finalité des changements est non négociable, les moyens ou processus mis en place pour y arriver ont avantage à l'être chaque fois que cela est possible. C'est avec cette perspective d'ouverture sur les processus et les moyens que le présent article a été conçu. Or, le problème, c'est que les gestionnaires invoquent souvent le sentiment d'urgence et le risque de difficultés financières majeures pour imposer les changements et faire pression sur les autres membres de l'organisation. Or, nos recherches montrent que la gestion d'une crise, tout comme la gestion du changement, ne s'improvise pas, qu'elle doit être mobilisatrice et soigneusement pensée. Mettre les gens sous pression sous prétexte qu'il y a crise et se lancer tête baissée dans l'action peut précipiter une organisation encore saine et viable dans le néant.

Les dimensions psychosociologiques

Les dirigeants sont souvent étonnés des réactions des membres de leur organisation face aux projets de changement qu'ils véhiculent. Pourtant, il n'y a qu'à suivre un tant soit peu l'actualité des affaires pour comprendre que les entreprises modernes évoluent dans un environnement turbulent et instable et que les projets de changement prennent encore trop souvent la forme de douloureuses restructurations conduisant au licenciement des employés, à une perte de prestige ou de pouvoir dans la hiérarchie organisationnelle avec tout le cortège de problèmes psychosociaux que ces changements induisent. Alors, quand les dirigeants arrivent avec leurs projets de changement dans les entreprises, les employés tendent à être méfiants et à vivre de l'insécurité. Que m'arrivera-t-il? Vais-je conserver mon poste? Qu'adviendra-t-il de mes collègues? Qui sera mon nouveau patron? Serai-je compétent dans les nouvelles fonctions qui me seront confiées? M'aidera-t-on à mettre à jour mes compétences et connaissances? Plus vite des réponses concrètes seront données à ces interrogations, plus vite le sentiment d'insécurité, de méfiance et d'incompétence tendra à diminuer. Les responsables des ressources humaines ont ici un rôle important à jouer et devraient être associés à la mise en œuvre des changements. Ils doivent tenir compte de l'inévitable transition que sous-tend la gestion du changement chez les individus et en tenir compte dans le plan d'implantation.

Le changement provoque des réactions émotionnelles comme la peur de l'échec, le sentiment de remise en cause personnelle, l'espoir d'un plus grand épanouissement au travail, et ce, tant chez les destinataires que chez ceux qui sont appelés à gérer le changement. Le phénomène de résistance au changement est généralement associé aux destinataires, notamment parce qu'ils ne contrôlent pas l'«agenda» de la gestion du changement; mais les gestionnaires aussi traversent des moments où ils se remettent en cause et sont anxieux face au processus et aux résultats. En fait, remettre le changement en question peut permettre d'en bonifier le contenu, d'en préciser les objectifs ainsi que les meilleurs moyens pour y arriver. Or, il arrive que l'agent de changement n'arrive pas à convaincre les destinataires de la justesse des changements, qu'il ne soit pas suffisamment crédible à leurs yeux, qu'il n'arrive pas à fournir de réponses satisfaisantes aux questions légitimes des employés ou encore qu'il manque de perspective à long terme. Ces facteurs ne font qu'alimenter la suspicion et il est normal de voir les membres de l'organisation manifester une certaine résistance. Suivrions-nous quelqu'un qui ne sait pas où il s'en va ou en qui nous n'avons pas confiance? Les réactions des employés sont souvent vues négativement par les dirigeants et tout cela est traité pêle-mêle sous le vocable de «résistance au changement». Les responsables des ressources humaines peuvent jouer ici un rôle déterminant en menant une analyse fine des diverses réactions et interrogations soulevées et départager ainsi ce qui est de l'ordre du questionnement légitime et ce qui ressemble davantage à une opposition farouche et viscérale.

En outre, l'urgence ou le manque de temps sont souvent invoqués pour imposer les changements. Pourtant, sauter des étapes en voulant faire vite ne fait que reporter les problèmes d'intégration et d'acceptation à plus tard et nuit le plus souvent à l'atteinte des objectifs visés par le changement. Des effets pervers tels que la passivité, le développement de ressentiments et divers phénomènes de retrait et de démotivation sont généralement associés aux approches d'imposition et d'épreuve de force. Aussi, les gestionnaires ont tout intérêt à acquérir des compétences de communication, de persuasion et de sensibilisation avant de recourir aux méthodes fortes telles que l'imposition qui donneront l'illusion d'aller plus vite. Car, en bout de piste, ils ont besoin de la collaboration des membres de l'organisation pour atteindre les objectifs stratégiques devant bonifier la situation concurrentielle de l'entreprise; pour cela, ils ne doivent pas s'aliéner les meilleurs éléments de l'entreprise qui pourraient alors être tentés de quitter l'entreprise devant le manque de considération de leurs employeurs à l'égard de leurs inquiétudes légitimes.

En définitive, prendre en compte les réactions des employés face aux changements est presque toujours bénéfique; les individus sentent qu'on les écoute et que leurs points de vue sont pris en considération. Ceci peut donner une impulsion incroyable par la suite à la mise en œuvre effective des changements mis de l'avant. À l'opposé, le fait pour les gestionnaires de négliger ces étapes de transition peut amener les employés à former des coalitions pour s'opposer aux changements proposés et à cristalliser les positions de part et d'autre, ce qui risque non seulement d'être paralysant, mais aussi de laisser des séquelles affectant la qualité des relations entre les membres, ce dont l'organisation peut souffrir pendant longtemps.

Les dimensions politiques et socioculturelles

Concevoir la mise en œuvre des changements dans les organisations à partir des dimensions individuelles ou psychosociologiques seulement est, par ailleurs, bien limitatif. Une organisation est, en effet, plus que la somme des individus qui la composent. Au sein des organisations, les gens se parlent, discutent de leurs perceptions respectives; des leaders d'opinion émergent et agissent comme porte-parole de leur groupe. Les syndicats ont également leur mot à dire. Des coalitions peuvent se former et forcer les dirigeants à négocier la mise en œuvre des changements. De plus, les changements organisationnels à portée stratégique ont pour effet de remettre en cause, souvent fondamentalement, ce en quoi croyaient les membres d'une entreprise, ce qui faisait jusque-là sa force, son unité, sa cohésion. Certains sous-groupes opéraient de façon très étroite selon un code non écrit mais très efficace; un phénomène que le sociologue français Renaud Sainsaulieu a d'ailleurs bien mis en évidence dans ses travaux sur les formes identitaires au travail. Des communautés de pratique se sont constituées au fil du temps et se sont donné un modus operandi qui, même imparfait, est rarement remis en question sauf peut-être lors du départ ou de l'arrivée d'employés.

Or, le changement vient introduire une brèche dans cette dynamique collective. Les cadres de référence habituels sont ébranlés et, avec eux, les relations d'interdépendance au sein d'une équipe, d'un service, d'une unité. Malheureusement, les effets de groupe sont souvent négligés par les gestionnaires de changement au profit des dimensions individuelles et psychosociologiques. Même les leaders d'opinion dans lesquels plusieurs membres se reconnaissent une voix sont perçus comme des empêcheurs de tourner en rond, en particulier lorsqu'ils expriment des réserves et des objections à l'égard du changement. Ils ne sont pas perçus comme des acteurs clés du changement, des relais sur lesquels les dirigeants pourraient s'appuyer pour influencer les cadres de référence collectifs.

Le dirigeant est, bien sûr, légitimé dans la structure d'autorité formelle, mais il ne l'est pas automatiquement dans le système des relations d'influence informelle qui se tisse à l'intérieur de l'organisation. Ce n'est pas tout d'avoir le pouvoir formel; encore faut-il que les actions menées en faveur des changements soient perçues comme légitimes (critère minimal) et inspirantes (critère optimal) par le plus grand nombre. En outre, si le dirigeant maîtrise généralement bien la réflexion stratégique globale, il ne possède pas toujours la pleine connaissance de la conduite des opérations quotidiennes, ce qui fait le pain et le beurre de la majorité des employés. À cet égard, les responsables des ressources humaines peuvent jouer un rôle de relais très utile dans les liens à faire entre les niveaux stratégique, tactique et opérationnel des projets de changement.

Dans tous les cas de gestion de changement, les dirigeants ont tout intérêt à se constituer une masse critique de supporteurs, ou ce que d'autres appellent les champions ou encore les agents multiplicateurs, s'ils veulent voir leurs projets de changement s'implanter et s'enraciner véritablement. La plupart des projets de changement sont aujourd'hui trop complexes pour être gérés seulement à partir de la haute direction d'une entreprise. D'ailleurs, bon nombre d'organisations choisissent, avec raison, de former des comités de pilotage, composés de représentants des diverses unités ou services de l'organisation, dont le mandat est essentiellement celui de vigie, de veille stratégique ou de monitorage en vue de s'assurer de l'atteinte des objectifs visés par les projets de changement.

Les compétences managériales

Si le thème du leadership est en soi très vaste et très complexe et a fait l'objet de bien des débats, force est de constater que les auteurs et chercheurs qui ont tenté de mettre en parallèle «leadership et changement» sont somme toute peu nombreux. Pour certains auteurs classiques en management tels que Selznick, le leader est le garant d'une certaine pérennité des valeurs et de la culture d'une organisation, donc garant d'une certaine continuité, tandis que, pour d'autres comme Barnard, le leader doit trouver un équilibre relatif entre continuité et changement et être attentif aux signes qui risquent de compromettre cet équilibre et de mettre alors en péril la survie de son organisation.

Une recension des recherches semble indiquer que les leaders habitués à vivre personnellement des changements au cours de leur carrière et de leur vie sont généralement plus à l'aise dans la gestion du changement. Les individus «mobiles» socialement, géographiquement ou professionnellement auraient une propension plus grande à accepter les changements et démontreraient plus d'habileté à les gérer dans les organisations qu'ils dirigent. Bref, un dirigeant ou un leader qui a été «mobile» dans sa carrière, qui a traversé personnellement et professionnellement des changements, aura une propension plus grande à le vivre naturellement et à comprendre l'état des troupes face à des situations de changement.

La notion de leadership transformationnel a été introduite au cours des dernières années et est utile pour cerner quelques compétences essentielles que doivent posséder les leaders pour gérer avec succès les changements organisationnels. Ces compétences ou qualités sont le charisme, l'inspiration, la stimulation intellectuelle et la considération individualisée. Selon les chercheurs, le charisme entraîne un processus d'identification chez les autres membres de l'organisation, suscite leur confiance et leur donne le goût du dépassement. Les leaders transformationnels peuvent amener les gens à surmonter les obstacles et à voir des opportunités dans les changements. Ils sont une source d'inspiration et encouragent leurs employés à utiliser pleinement leur potentiel. Ils ont de la considération pour chaque personne et peuvent représenter un fort stimulant intellectuel par l'expression de leurs idées et leur façon de communiquer.

Malheureusement, ces leaders ne courent pas les rues comme on dit souvent et certains courants en management tendent à promulguer peut-être exagérément le culte du leader héroïque sans qui rien n'est possible! De plus, la complexité des organisations et des changements stratégiques qu'il convient de mettre en œuvre aujourd'hui est telle qu'elle commande un pilotage d'équipe et ne peut reposer sur les épaules d'une seule personne, aussi charismatique et transformationnelle soit-elle. Aussi, dans la gestion du changement, il ne faut pas négliger le rôle des équipes de direction. Déjà en 1954, Peter Drucker mentionne dans son très célèbre et très cité ouvrage La pratique de la direction des entreprises l'importance de s'attarder aux caractéristiques des équipes de direction plutôt qu'au seul dirigeant. Pour Drucker, la direction des entreprises, en particulier les plus grandes et les plus complexes ne peut reposer sur un seul homme, mais doit reposer sur un esprit de corps créé par la synergie des styles individuels. Cet esprit de corps est plus qu'une simple entente entre les individus; elle suppose une attitude où les efforts individuels sont réunis en un effort commun où chacun «est gouverné par des objectifs à atteindre plutôt que par son patron». Bref, la gestion du changement exige un leadership collectif.

De nouvelles perspectives

En définitive, les gestionnaires et les responsables des ressources humaines dans les organisations d'aujourd'hui doivent vraiment développer des habiletés spécifiques en gestion du changement s'ils veulent faire face à la concurrence mondiale. Depuis quelques années, plusieurs chercheurs se sont intéressés à la notion d'organisations apprenantes. Ce concept s'appuie sur l'idée de l'«apprentissage dans l'action» et d'un processus continu d'amélioration et d'innovation. Dans une économie du savoir comme celle qui se fait jour dans le monde post-industriel contemporain, les gestionnaires doivent revoir leurs schèmes mentaux comme dirait Peter Senge, auteur de La Cinquième Discipline, développer la pensée systémique, construire une vision partagée et apprendre à travailler en équipe.

Sans vouloir énoncer ici une « recette », voici quelques points clés à retenir lorsqu'une organisation se prépare à annoncer et à mettre en œuvre un changement significatif.
  • Susciter un élan vers le changement en mettant bien en évidence sa nécessité: cette étape est particulièrement importante, car le lancement d'un nouveau projet exige la coopération active d'un maximum de gens. Faute d'un travail de conviction efficace au point de départ, la motivation et l'intérêt demeureront très bas et s'avèreront insuffisants pour donner l'impulsion voulue au projet.
  • Mettre en valeur les bénéfices ou avantages que le changement introduit sans nier les pertes (réelles ou symboliques). Dire comment on prévoit gérer ses pertes aux niveaux individuel, collectif et organisationnel.
  • Créer une masse critique de supporteurs. Pour cela, il faut qu'un leader crédible aille au-devant des gens, leur fasse partager les mêmes constats de départ, suscite la confiance par des efforts de communication constants.
  • Les dirigeants et ceux qui véhiculent le message devraient être les premiers à bouger. L'organisation généralement ne bouge pas si elle ne perçoit pas que son dirigeant est résolu. Tant que celui-ci n'a pas donné des preuves tangibles de sa motivation, rien ne se passe.
  • Être ferme sur la finalité, souple sur les moyens et le processus : si on croit foncièrement au projet, sa finalité ne peut être diluée et sa réalisation ne peut être retardée indéfiniment. Par contre, les moyens pour y parvenir sont négociables et un horizon de temps devrait être défini au bout duquel les résultats seront mesurés.
  • Suivre de près la mise en œuvre des efforts pour éviter les dérapages et se donner des points de repère dans le temps et dans l'espace pour réajuster le tir au besoin.
  • Ne pas crier trop vite victoire : la plupart des changements prennent du temps à s'enraciner dans les mentalités et les nouvelles approches demeurent fragiles et sujettes à régression.
  • Communiquer oui, mais communiquer bien : le contact face à face avec de petits groupes est préférable aux voies écrites.
  • Développer le potentiel et soutenir l'acquisition de nouveaux comportements, de nouvelles façons de faire : donner aux gens la permission de faire quelque chose de différent ne leur rend pas service s'ils ne savent pas comment s'y prendre.

Il n'y a pas de bonnes stratégies ou approches en gestion du changement, mais certaines sont davantage adaptées aux circonstances, d'autres ne le sont pas ou le sont moins. Les gestionnaires sont souvent à la recherche de recettes ou du one best way universel qu'ils pourraient appliquer en toutes circonstances. Or, à cela, il faut substituer le put it all together comme dit Mintzberg et garder une vue d'ensemble sur toutes les dimensions de la vie organisationnelle qui sont activées en temps de changement. Ceci a plus de chances de donner de meilleurs résultats.

Carole Lalonde, Ph. D., AdmA, professeure au Département de management, Université Laval

Source : Effectif, volume 7, numéro 5, novembre / décembre 2004


Carole Lalonde, Ph. D., AdmA