ressources / developpement-organisationnel

Succès de l'organisation et communication interne : étroitement liés...

Philippe est l'un des nombreux superviseurs de son organisation. Assidu à son travail, proactif, bon communicateur, à l'écoute de ses collègues et de ses subalternes, excellent leader, il y travaille depuis de nombreuses années et en a gravi peu à peu les échelons. Un bon matin, l'un des employés de son équipe lui mentionne que le service qu'il dirige sera bientôt vendu à une autre entreprise. Philippe n'en croit pas ses oreilles. « Es-tu certain? » demande-t-il. La réponse ne se fait pas attendre : « Oui, je l'ai appris hier soir ».

1 novembre 2003
Pierre Duguay, CRHA et Farès Schmait

Cette situation se répète dans d'innombrables entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d'activité. Elle se reproduit de multiples manières: un collègue informe un autre employé qu'untel sera congédié, qu'une nouvelle machine sera achetée, que tel superviseur sera remplacé, que les commandes sont à la baisse, qu'un contrat d'envergure est sur le point d'être signé, qu'il n'y aura pas de tournoi de golf cette année, que tel service de l'entreprise sera sous-traité… Ou même, encore plus grave, l'employé n'est pas au courant de son apport au succès de l'organisation! La rumeur est toujours un canal de communication d'une rapidité vraiment surprenante, efficace et non sans conséquences fâcheuses.

Ces exemples sont le symptôme clair d'un malaise: plusieurs canaux de communication sont déficients ou même inexistants et peu d'importance est accordée à la communication interne. Pourtant, à l'occasion, selon l'urgence du moment, certains canaux sont activés temporairement de façon très intense, chacun en a déjà fait l'expérience. Mais à aucun moment, la direction de l'entreprise n'a pris le temps d'analyser la situation globale et de se doter d'une stratégie de communication formelle ainsi que d'objectifs de communication interne, question de priorités!

Pourquoi ces événements se produisent-ils?
Plusieurs raisons expliquent cette situation. Comme ces canaux ne sont en général pas visibles, on a tendance à penser qu'ils n'existent pas et qu'ils ne sont pas nécessaires. Souvent, il existe bien des tableaux d'affichage, un journal interne, un manuel de l'employé, différentes politiques, des activités sociales… Ces différents éléments visibles véhiculent des messages, mais répondent-ils aux besoins des employés et sont-ils des canaux de communication interactifs? En fait, ils ne sont qu'une petite partie de la communication interne.

Réaction bien humaine, chacun pense que «ce qu'il a dans la tête, les autres l'ont automatiquement et que ce qui est important pour l'un est aussi important pour l'autre». Une analyse rapide démontre pourtant que la direction peut avoir une vision de l'entreprise bien différente de celle de ses salariés. Cette vision est en fait une perception et une interprétation des faits et événements survenus dans l'organisation. Comme l'écrit Pierre Labasse dans L'intelligence des autres : «Contrairement à ce que l'on pense un peu vite, les salariés ont une culture économique. Ils ont une façon qui leur est propre de saisir et de comprendre le fonctionnement de l'organisation, une façon d'en parler et de l'expliquer. Le problème est qu'elle ne coïncide pas forcément avec celle des dirigeants. Elle ne repose pas sur les mêmes concepts, elle n'a pas recours aux mêmes mots ou ne les emploie pas dans le même sens.»

Il arrive que l'on juge que la communication est une perte de temps et/ ou qu'elle exige trop de ressources humaines et financières. N'ayant aucune idée des besoins, on est porté à penser que les montants d'argent à investir représentent des sommes considérables. Pourtant, après analyse, plusieurs entreprises constatent que la stratégie à établir est la plupart du temps une question d'attitude et non pas de moyens matériels. Souvent, les canaux de communication existent déjà, sauf qu'ils ne sont pas utilisés efficacement.

Enfin, on pense que l'impact de la communication sur la productivité et la performance n'est pas simple à établir. Il est pourtant bien connu que les coûts de l'absence de communication sont majeurs: mécontentement, ressentiment, perte de confiance, manque de cohésion, absentéisme, roulement de main-d'œuvre, erreurs, défauts de fabrication, pertes financières, pertes de temps, non-respect des délais de livraison...

Importante, la communication interne ?
La communication interne a un impact direct sur la performance et la productivité de l'organisation. Ainsi, 96 % des chefs d'entreprise interrogés lors d'un sondage sur la communication interne n'ont pas hésité à répondre que la communication interne est l'un des éléments essentiels au succès d'une organisation.

Pour illustrer l'impact de la communication interne, on peut utiliser l'image d'un coureur de marathon. Celui-ci, pour se rendre à destination, doit connaître son objectif, avoir une idée claire du trajet à parcourir et connaître continuellement l'état de ses réserves d'énergie. S'il hésite continuellement sur le trajet, il peut commettre des erreurs coûteuses et perdre du temps inutilement. S'il n'a pas une vision claire de ses réserves d'énergie et du trajet qui reste à parcourir, il est même possible qu'il ne puisse pas se rendre à destination. Et tout ceci, même si son entraînement et sa condition physique sont excellents. Il en est de même des employés dans une organisation. Chacun doit connaître et comprendre la mission, les valeurs, les objectifs, la stratégie, les politiques et les résultats de son entreprise. Les employés doivent également «avoir en permanence une parfaite vision de leur univers de travail, de l'espace dans lequel ils agissent quotidiennement».

Autant les membres d'un conseil d'administration ont besoin de tableaux de bord pour prendre des décisions appropriées, autant tous les salariés de l'entreprise ont besoin de leurs propres informations pertinentes pour réagir correctement aux diverses situations qui se présentent dans leur environnement de travail. Dans un même ordre d'idées, si les responsables du marketing d'une organisation investissent des montants considérables pour connaître les besoins de la clientèle et s'y ajuster, en est-il de même pour la clientèle interne?

Lorsque les véritables canaux de communication sont inexistants, la rumeur prend la place. La communication a, en effet, horreur du vide. «Lorsqu'il a le champ libre, le canal informel au lieu de n'occuper, comme il est légitime, que le terrain communautaire, tend à envahir le terrain organisationnel.» Et les messages de la rumeur sont rapides, incomplets, déformés, empreints de préjugés, entachés d'erreurs et sources de faussetés.

Détecter les besoins de communication !
La première étape pour établir les objectifs de communication et établir une stratégie efficace est de déterminer les besoins des employés. Il existe plusieurs outils d'analyse des canaux de communication de l'entreprise ainsi que de leur qualité. L'un de ces moyens est bien simple, il consiste à s'adresser directement aux employés et à leur demander quelles informations ils désirent recevoir. Un sondage écrit rapide d'une ou de deux pages peut être administré très facilement et rapidement.

Chaque entreprise ayant sa propre personnalité, un tel projet apportera à la direction des informations de la plus haute importance. Il sera alors possible de constater, entre autres:

  • l'état des besoins de communication de l'ensemble de l'organisation;
  • l'état des canaux de communications;
  • les différences entre les services, les divisions ou les départements de l'organisation;
  • les différences entre les niveaux hiérarchiques, les superviseurs ayant, par exemple, des besoins d'information bien différents des employés qu'ils dirigent.

À titre de balise, un rapport de recherche intitulé Le point sur la communication interne au Québec, qui a été réalisé par le Groupe Innovation en collaboration avec l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec en 1992, révélait les besoins d'information suivants, par ordre d'importance:

  • la mission et les valeurs de l'organisation;
  • la planification stratégique (objectifs à moyen et à long termes);
  • la planification opérationnelle (objectifs à court terme);
  • la définition des tâches (attentes, marge de manœuvre, responsabilités);
  • la satisfaction de la clientèle par rapport aux services ou aux produits;
  • le rôle de l'employé dans l'organisation;
  • l'information nécessaire à l'accomplissement du travail;
  • les normes de qualité;
  • les politiques et règles de fonctionnement de l'organisation;
  • les réalisations de l'organisation;
  • l'évaluation du rendement de l'employé;
  • la situation financière de l'organisation.

On remarquera que ces besoins d'information sont toujours d'actualité. Cependant, nous l'avons déjà mentionné, chaque entreprise étant unique, les besoins de communication interne d'une entreprise de même que leur ordre d'importance peuvent varier.

Et les objectifs de communication !
Les précieux renseignements obtenus à la suite de cette opération constituent les éléments de base pour déterminer les objectifs de communication. Une analyse approfondie de ces éléments s'impose. En général, ce projet cause des surprises à la direction qui réalise cette activité pour la première fois. Il lui fait prendre conscience de lacunes et de différences surprenantes entre les services.

La direction a alors en mains tous les éléments pour établir ses propres objectifs de communication. Ces derniers feront partie d'une stratégie qui comprendra également les points suivants: Qui communiquera? Par quel moyen? À quel moment? Et à quel public?

La communication interne deviendra alors «un effort permanent de pédagogie de l'entreprise aux différents niveaux de sa structure, tendant à expliquer aux salariés des objectifs et des contraintes qu'ils subissent trop souvent sans en percevoir le sens».

Qualité totale, amélioration continue, reconfiguration des processus, intelligence émotionnelle, apprentissage en ligne, communauté virtuelle, gestion des connaissances... ont tous en commun un repositionnement de la communication entre les personnes. De l'objectif de communiquer au personnel les directives de l'entreprise, la communication interne est devenue le développement de la «capacité qu'ont des personnes concernées par des projets communs de s'ajuster, d'échanger pour trouver le meilleur mode de fonctionnement collectif».

Pierre Duguay, CRHA est président de Com-Inter Communications, et Farès Schmait est président de Impact-Pro

Source : Effectif, volume 6, numéro 5, novembre / décembre 2003


Pierre Duguay, CRHA et Farès Schmait