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Le mentorat comme moyen d'apprentissage

Le mentorat, et les autres formes d’apprentissage informel doivent être intégrés dans un ensemble cohérent et certainement plus complexe que de la simple formation.
14 janvier 2020
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow

Le mentorat a toujours fait partie des milieux de travail. Si l’on remonte dans le temps, les artisans apprentis apprenaient tout de personnes plus âgées et plus expérimentées — des maîtres — pour devenir boulangers, cordonniers ou forgerons. De nos jours, Terri Scandura, professeure en gestion et doyenne de la faculté d’administration à l’Université de Miami et qui fait de la recherche sur le mentorat depuis plus de 20 ans, constate que le mentorat est la manière la plus efficace et la moins coûteuse pour former les employés dans une organisation.

L’organisation apprenante du 21e siècle

Pour répondre au défi continu de renouveler les connaissances et développer des compétences adaptées et innovantes, les organisations doivent être « apprenantes ». Ce besoin d’avoir des organisations apprenantes n’est pas nouveau. Peter Senge en a fait sa marque de commerce dès 1990, mais jamais n’ont-elles eu besoin de s’adapter aussi rapidement à un monde de plus en plus complexe et changeant.  Et pour apprendre, le mentorat se révèle être un dispositif tout à fait approprié.

Il l’a toujours été, mais depuis des décennies, les professionnels de ressources humaines ont surtout concentré leur énergie sur la création de cours formels et d’universités corporatives. Or, selon le modèle 70-20-10 de l’apprentissage — parfois contesté dans ses ratios, mais vérifiable dans son concept général — la formation formelle ne constitue que 10 % de la manière dont les gens apprennent en général. Pour le reste, 70 % de ce que les individus apprennent se fait en accomplissant leur travail et 20 % par le biais des interactions sociales avec les autres, ce qui comprend le mentorat.

La force du mentorat : utiliser les talents existants dans l’organisation

Un avantage clé du mentorat est la capacité d’utiliser des talents qui existent déjà dans l’organisation, ce qui permet non seulement de favoriser le transfert presque naturel des compétences, mais aussi d’augmenter la satisfaction au travail. De plus, la recherche est éloquente à propos du fait qu’autant les mentors, les mentorés et bien sûr, l’organisation, en retirent des bienfaits significatifs. De plus, le mentorat fait partie de l’air du temps.

L’apprentissage par la voie du dialogue

En effet, récemment, le Training Industry Magazine a consacré tout un numéro à l’apprentissage informel, dont le mentorat, et au défi d’encadrement qu’il pose aux professionnels de ressources humaines. En effet, comme l’apprentissage informel se produit essentiellement par le biais de conversations, il est difficile de formaliser le processus du dialogue entre un mentor et un mentoré. Toutefois, la recherche a réussi à articuler les principales raisons pour lesquelles le mentorat donne des résultats probants d’apprentissage dans un mode de dialogue :

  1. Les échanges dans les conversations sont ouverts, variés et faits de manière responsable, le mentor et le mentoré se découvrant l’un et l’autre au fur et à mesure de leurs discussions dans un but déclaré de développement. C’est une expérience humaine où les émotions favorisent l’imprégnation des apprentissages dans le cerveau.
  2. La construction des connaissances se fait de manière productive et réciproque en abordant des sujets concrets liés aux réalités pertinentes et concrètes des deux personnes. Ainsi, pour le mentor, expliquer quelque chose à son mentoré, exige qu’il solidifie sa propre compréhension d’un sujet alors que le mentoré développe une nouvelle perspective par rapport à ses préoccupations.
  3. Durant les conversations, le mentor et le mentoré s’engagent dans un processus où l’apprentissage se fait de manière cumulative et intégrative à chaque interaction en fonction du contexte du mentoré et en prenant le temps qu’il faut pour que l’apprentissage soit assimilé.
  4. Les conversations créent un terrain participatif d’échange d’information qui contribue à réduire les écarts de perception dans l’organisation que ce soit au niveau des spécialités, des groupes d’âge ou de l’origine. Le mentoré peut poser au mentor des questions qui l’incitent à développer des perspectives qu’il n’avait pas envisagées jusqu’à ce moment. Inversement, le mentor découvre l’univers du mentoré. Fondamentalement, les deux sont dans une position d’apprendre à donner et à recevoir.

Formaliser sans trop formaliser

Le défi des ressources humaines pour s’assurer que le mentorat soit un dispositif qui favorise les apprentissages est d’encadrer les relations mentorales sans les étouffer. Les caractéristiques de dialogue décrites précédemment doivent se manifester en toute liberté. Mais, nous savons que toute activité humaine, dont on souhaite obtenir un effet, a besoin de structure et d’un contexte facilitant.

C’est pourquoi le mentorat, et les autres formes d’apprentissage informel doivent être intégrés dans un ensemble cohérent et certainement plus complexe que de la simple formation. Cette perspective doit en effet embrasser tous les aspects de l’expérience d’apprentissage des individus dans l’organisation, que ce soit de manière formelle ou informelle.

À propos de l’auteur

Yvon Chouinard, CRHA, est un conseiller en mentorat qui accompagne les organisations dans la mise en œuvre de leur programme de mentorat en plus de former les mentors et les mentorés. Il est le coauteur, avec Nicole Simard, de l’ouvrage Impact. Agir en leader. Il est administrateur de Mentorat Québec en plus d’être membre du Comité veille et recherche de l’Association québécoise du codéveloppement professionnel. On peut le joindre par téléphone [514-861-0222] ou par courriel [ychouinard@isotopeconseil.com].
Twitter : @coachyvon


Pour aller plus loin

  • Peter Senge (1990). The fifth discipline : the art and practice of the learning organization. Michigan : Doubleday/Currency.
  • Formalizing Informal Learning. Training Industry Magazine. Septembre-Octobre 2019
  • Marie-Ève Marchand (2019). Vivre en dialogue à l’ère du texto. Québec : Presses de l’Université Laval
  • Harm Tillema, Gert J. van der Westhuzen et Kari Smith (Eds.). (2015). Mentoring for Learning. Climbing the Mountain. Rotterdam/Boston/Taipei : Sense Publishers

Author
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow Conseiller en mentorat Yvon Chouinard

Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow, est conseiller en mentorat. Il œuvre activement comme bénévole à Mentorat Québec au sein de son comité Veille et Recherche. Il est en particulier rédacteur en chef de La Sentinelle mentorale qui est publiée en janvier lors du Mois du mentorat.