ressources / developpement-competences-releve

La gestion de la confidentialité, un enjeu de taille dans le traitement des plaintes alléguant la présence de harcèlement

En assurant la gestion de la confidentialité dans le cadre d’une plainte alléguant la présence de harcèlement, la personne responsable du dossier aux RH rend la gestion de la procédure d’enquête plus efficiente.
5 novembre 2019
Marie-Josée Douville, CRHA, ECH, Médiatrice accréditée

Quiconque ayant eu à traiter une plainte de harcèlement comprend l’enjeu considérable que représente la gestion de la confidentialité tout au long du processus. Trop souvent, les ragots et les rumeurs viennent miner la crédibilité et la réputation des personnes concernées. À cet égard, Mark Twain a écrit avec justesse que « Ce n’est pas tant ce que les gens ignorent qui cause des problèmes, c’est tout ce qu’ils savent et qui n’est pas vrai. » Il s’agit là du réel fléau à contrer.

Pourquoi est-ce si important de préserver la confidentialité?

Encore aujourd’hui, les statistiques recueillies par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) révèlent qu’au terme d’une enquête, une plainte sur cinq constituera du harcèlement. Il est donc essentiel que l’organisation se préoccupe des répercussions que les allégations formulées pourraient entraîner dans le milieu de travail, notamment lorsque des collègues partagent entre eux leurs perceptions de la situation.

Il va sans dire que la responsabilité du maintien de la confidentialité incombe tout d’abord aux parties plaignante et mise en cause. Si d’emblée l’une d’elles prenait l’initiative de partager haut et fort ses états d’âme, nous convenons qu’elle lève alors le voile sur la discrétion attendue.

Ajoutons que les collègues de travail peuvent ne pas avoir une impression similaire quant aux gestes ou aux comportements préjudiciables reprochés qui sont portés à leur attention. Les collègues peuvent aussi condamner hâtivement la personne mise en cause au regard des actes répréhensibles allégués, et ce, même s’ils n’ont pas pu être démontrés à la fin de l’enquête. N’oublions pas qu’en raison de sa nature, le harcèlement est le plus souvent occulte et insidieux. Ce constat nous amène à considérer qu’il est possible que les personnes informées alimentent des interprétations différentes d’une même situation, ce qui influe sur le partage d’opinions qui en résultera.

C’est précisément de telles situations que l’employeur est encouragé à nuancer par la sensibilisation de son personnel sur les effets que leurs propos peuvent avoir sur le climat ainsi que sur la gestion du processus de traitement d’une plainte pour harcèlement.

Instaurer des modes de communication ouverts et authentiques

Considérant que le bris de la confidentialité génère la propagation de rumeurs et de ragots dans le milieu de travail, cela vous oblige à remettre en question les mécanismes de communication préconisés. Quoi que vous choisissiez de faire, vous serez encouragé à prôner une communication franche et ouverte, notamment en ce qui à trait à vos attentes en matière de savoir-être en rappelant à tous à la nécessité d’adopter en tout temps des comportements respectueux. Votre responsabilité en matière de confidentialité en est assurément une de discrétion.

Quoi qu’il en soit, s’engager à maintenir la confidentialité c’est bien plus qu’un engagement pris en signant un formulaire qui, et il importe de le rappeler, ne limite pas les personnes qui s’y engagent à l’exercice de toute forme de droit naturel, tel d’être conseillé. Il s’agit plutôt de permettre de saisir l’importance du pouvoir individuel que chacun détient de faire de son environnement de travail un milieu exempt de préjudices et de représailles en sélectionnant judicieusement ce qu’il choisira de rapporter.

La grande majorité des politiques organisationnelles pour contrer le harcèlement au travail énoncent expressément l’importance de préserver la confidentialité dans le traitement de toute forme de dénonciation, et cette précision est essentielle. Ce qui implique qu’elle lie chaque membre de l’organisation à son obligation de respecter un tel engagement par le choix de sa conduite.

Un travail de prévention en continu

C’est en ce sens que tout employeur, eu égard à ses obligations, a un devoir certain d’agir afin d’assainir son climat de travail durant ces moments de tourment. Il n’y a pas de recette secrète pour arriver à cette fin. Toutefois, il importe d’insuffler à l’organisation la reconnaissance de la nécessité d’accorder du temps et de l’énergie dans la planification de la stratégie d’intervention visant à minimiser les effets éventuels que pourrait entraîner toute entrave à la confidentialité.

Il est assurément de la responsabilité de chaque employeur de veiller à minimiser les effets négatifs que peut entraîner le non-respect du maintien de la confidentialité, et ce, tant avant, pendant ou après que le traitement de la plainte soit complété. Il faut demeurer vigilant!

Applications pratiques

Comportements à privilégier par le gestionnaire

Rien n’indique que le droit de gestion ait disparu avec l’obligation de discrétion attendue. Trop souvent, il arrive qu’on entende un gestionnaire se défiler derrière son devoir de confidentialité en invoquant qu’un processus d’enquête est en cours afin de justifier qu’il ne soit pas intervenu auprès d’une personne ayant une conduite inappropriée. Par souci de cohérence, s’il s’avérait que le gestionnaire était au fait d’une telle conduite, il aurait été de son devoir de poser des gestes proactifs afin qu’elle cesse.

La mise en place d’un processus d’enquête n’est pas un appel à la tolérance. C’est pourquoi, lorsqu’on constate que la confidentialité est enfreinte, il serait nécessaire d’intervenir rapidement afin de donner tout son sens au principe de tolérance zéro.

Comportements à privilégier par la personne responsable RH

En assurant la gestion de la confidentialité dans le cadre d’une plainte alléguant la présence de harcèlement, la personne responsable du dossier aux ressources humaines rend la gestion de la procédure d’enquête efficiente et efficace. Elle facilite ainsi l’accessibilité des informations à recueillir et évite leur contamination. De plus, en maintenant une vigilance assidue de l’évolution du climat durant la tenue de l’enquête, elle se donne l’opportunité d’intervenir au moment propice et de rectifier, au besoin, les informations véhiculées.

Pour aller plus loin

Guide d’encadrement sur la « Pratique professionnelle en matière d’enquête à la suite d’une plainte pour harcèlement au travail », Ordre des CRHA, mai 2019

Au sujet de l’auteur

Marie-Josée Douville, CRHA, présidente de Drolet Douville et Associés inc., y occupe aussi les fonctions d’enquêtrice et de médiatrice accréditée. Elle possède une expertise de pointe dans le traitement des plaintes de harcèlement ainsi qu’en matière de prévention et d’intervention dans le domaine des conflits au travail. On peut la joindre au 418-681-6007 ou au 1-800-966-1611 ou par courriel à l’adresse mjdouville@drolet-douville.com.


Author
Marie-Josée Douville, CRHA, ECH, Médiatrice accréditée Présidente et associée - Enquêtrice certifiée et médiatrice accréditée Drolet Douville et Associés inc.

Marie-Josée Douville, CRHA, ECH, est enquêtrice certifiée en matière de harcèlement et médiatrice accréditée au sein de la firme Drolet Douville et Associés. Ses champs de compétence concernent le règlement de différends, le harcèlement psychologique au travail, le coaching de gestion, les diagnostics de climat et la gestion des conflits au travail. Bref, tout ce qui gravite autour du conflit et de l’accompagnement offert auprès des divers intervenants, tant patronaux que syndicaux. Elle est aussi coauteure du livre Comment gérer un employé difficile, paru aux Éditions Transcontinental inc., collection Entreprendre, en février 2004. Cet ouvrage à succès sera réédité par le même éditeur en 2023, dans la collection Les Affaires, avec l’ajout notamment d’un chapitre sur le courage managérial.