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Le leadership transformationnel est sur toutes les lèvres, mais pourquoi?

L’auteure présente les différences entre le leadership transformationnel et le leadership transactionnel, deux approches à adopter selon les situations. Elle explique pourquoi ce mode de gestion est plus pertinent en contexte de rareté de main-d’œuvre.
11 juin 2019
Sonia D'Anjou, CRIA

Êtes-vous récemment tombé sur une offre d’emploi où on demandait que le gestionnaire recherché maîtrise le style de leadership transformationnel? La direction de l’entreprise vous a-t-elle mandaté pour amener les gestionnaires à adopter le style de leadership transformationnel? Ce court texte a pour but de comprendre ce qu’est ce style de leadership et pourquoi il bénéficie d’une vague de popularité.

Commençons par expliquer son opposé, soit le style de leadership avec lequel nous sommes le plus familiers, c’est-à-dire le leadership transactionnel. Comme son nom l’indique, ce style de leadership se concentre sur les échanges entre les leaders et leurs suiveurs[1] (Judge, 2004). Le leader transactionnel donne donc au suiveur quelque chose en échange de ce qu’il veut obtenir (Judge, 2004). Il porte une attention particulière aux erreurs (Bradley, 2004), mais aussi aux méthodes, techniques et mécanismes (Kanungo, 2001), plutôt qu’aux buts et objectifs plus larges (Burns, 1978). Ce leader manie avec grâce le bâton et la carotte pour obtenir la collaboration de ses subordonnés (Bradley, 2004).

Dans le style de leadership transformationnel, le leader transcende ses propres intérêts au profit de ceux du groupe et de ses suiveurs ou subordonnés (Kanungo, 2001). Plutôt que le bâton et la carotte, c’est une baguette qu’il manie, un peu comme le chef d’orchestre (Boerner, 2007; Judy, 1996) qui apprend aux musiciens et aux divers ensembles, tels que les cordes avec les vents et les percussions, à jouer en harmonie. Selon Northouse (2013), « l’approche transformationnelle est l’une des approches les plus populaires du leadership qui a fait l’objet de nombreuses recherches depuis le début des années 1980 ». D’après Bass et Riggio (2006), « sa popularité serait due à l’importance accordée à[L1]  la motivation intrinsèque et au développement des suiveurs qui correspondent aux besoins actuels des groupes de travail qui veulent être inspirés ». Des recherches, dont certaines menées dans l’armée (Bradley, 2004), démontrent que le leadership transformationnel procure des rendements supérieurs et augmente la satisfaction au travail (Kelloway, 2000).

En 1978, le chercheur Burns a jeté les bases de la théorie, puis en 1985, Bass est venu élargir les concepts. Ce dernier a défini quatre types de comportements transformationnels (Bradley, 2004; Judge, 2004) : l’influence idéalisée (le leader prêche par l’exemple et suscite une émotion positive chez les suiveurs), la motivation inspirante ou stimulante (le leader communique une vision et un but qui rejoignent les valeurs des suiveurs et les inspirent), la stimulation intellectuelle (il prend des risques, sollicite les idées et la collaboration de ses suiveurs) et l’appréciation individualisée (il suit et s’intéresse à la progression et s’adapte à chacun).

Vous êtes séduit? Eh bien, des études démontrent que les deux approches ont leur place et que les leaders performants savent les manier selon les situations et la qualité de la relation qu’ils réussissent à établir avec leurs suiveurs (Bradley, 2004). Il faut être réaliste, les bienfaits du leadership transformationnel sont indéniables, mais dans certaines situations, un gestionnaire n’a pas d’autre choix que d’agir de manière plus directive. Ce qui importe, c’est que le style de leadership transformationnel soit celui que le gestionnaire place en priorité. Une bonne nouvelle, selon Bass et Avolio (1992) et de nombreux chercheurs, les comportements du leader transformationnel s’apprennent.

Le style de leadership transformationnel devient de plus en plus actuel dans un contexte de rareté de main-d’œuvre et où l’on doit développer ses employés et éviter le roulement de personnel trop souvent causé par une mauvaise relation avec le patron. Ce style de leadership empêche aussi le micromanagement qui mène souvent au dépôt de plaintes pour harcèlement psychologique. Il privilégie l’empathie, une composante importante dans la résolution de conflits, contribuant aussi à prévenir ces plaintes.

Le style de leadership transformationnel s’adaptant mieux à chacun des suiveurs, il est donc aussi plus inclusif. Il s’accorde bien avec la gestion des quatre générations qui se côtoient au travail et qui ne sont pas toujours au diapason[2]. Plus inclusif, il facilite également la collaboration entre divers profils neuropsychologiques. Par exemple, il devient possible d’inclure et de diriger un hyperactif ayant de la difficulté à se concentrer, mais qui, en retour, a beaucoup d’énergie à donner. Ce type de leadership plus souple, moins attaché aux règles et aux processus et qui responsabilise les employés permet d’instaurer avec confiance un programme de télétravail[3].

Peu de tests psychométriques reconnus existent pour sonder les gestionnaires et savoir s’ils ont les comportements du leadership transformationnel. Il y a le MLQ[4], mais il implique une formule de sondage 360 où le patron, les pairs, les subordonnés et le gestionnaire sondés s’autoévaluent aussi. Il y a également la formule qui consiste à assembler divers tests psychométriques reconnus, tels que panier de gestion (simulateur) et le test d’indice de personnalité au travail éprouvé[5], et à mettre ensemble les compétences reconnues dans la littérature pour pouvoir évaluer si le candidat pour un poste ou un gestionnaire déjà en poste possède ou non le style de gestion transformationnel. Cet exercice d’évaluation permet aussi de connaître les forces et faiblesses d’un gestionnaire pour bâtir un programme de formation ou de coaching sur mesure.

En conclusion, à défaut d’être vous-même un leader transformationnel, vous savez du moins pourquoi ce style de leadership croît en popularité.

À propos de l’auteure

Sonia d’Anjou, CRIA, 3e cycle en administration à l’Université de Sherbrooke (DESS)[6], maîtrise en analyse et développement organisationnel (ADO), B. Sc. en relations industrielles.

Travailleuse autonome et consultante indépendante pour la firme DNA RH Évaluation détenant de nombreuses licences, certifications et plateformes chez plusieurs fournisseurs en tests psychométriques éprouvés et pour le groupe Dialogue spécialisé en règlement de conflits. Elle effectue surtout des mandats à titre de consultante et conseillère en développement organisationnel, RI/RH et psychométrie. Vous pouvez la joindre au 514 567-3038 ou à sonia_danjou@hotmail.com.

Site web : www.dnarhevaluation.com


Références

  • Bass, B. M. (1985). Leadership and Performance Beyond Expectations. New York. Free Press.
  • Bass, B. M. et Avolio, B. J. (1992). “Developing Transformational Leadership: 1992 and Beyond”. Journal of European Industrial Training, vol. 14, no 5, p. 21-27.
  • Bass, B. M. et Riggio, R. E. (2006). Transformationnal Leadership (2nd ed.). Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum.
  • Boerner, S. et Freiherr Von Streit, C. (2007). “Promoting Orchestral Performance: the Interplay Between Musician’s Mood and a Conductor’s Leadership Style”. Psychology of Music, vol. 13, no 1, p. 135-146.
  • Bradley, J. P. et Charbonneau, D. (2004). Le leadership transformationnel : au carrefour de l’ancien et du nouveau. Collège militaire royal du Canada. Toronto.
  • Bradley, J. P., Johnston, P. J., Charbonneau, D. et Campbell, S. K. (2002). The Army Culture and Climate Survey. Communication présentée à l’Inter-University Seminar on Armed Forces and Society, Ontario, 26 octobre 2002.
  • Burns, J. M. (1978). Leadership. New York: Harper & Row.
  • Judge, T. A. et Piccolo, R. F. (2004). “Transformational and Transactional Leadership: A Meta-Analytic Test of Their Relative Validity”. Journal of Applied Psychologie, University of Florida, vol. 89, no 5, p. 755-768.
  • Judy, P. R. (1996). Life and Work in Symphony Orchestras: An Interview with J. Richard Hackman. Symphony Orchestra Institute.
  • Kanungo, R. N. (2001). “Ethical Values of Transactional and Transformational Leaders”. Canadian Journal of Administrative Sciences. McGill University, 18 (4), p. 257-265.
  • Kelloway, K. W. et Barling, J. (2000). “What We Have Learned about Developing Transformational Leaders”. Leadership and Organizational Development Journal, vol. 21, no 7, p. 355-362.
  • Northouse, P. G. (2013). Leadership: Theory and Practice. Chapter 9: Transformal Leadership, Sage Publications, p. 185-217.

Sonia D'Anjou, CRIA Conseillère CAAPIDM
Titulaire d'un baccalauréat en relations industrielles et d'une maîtrise de l’ÉNAP en analyse et développement des organisations, Sonia D'Anjou s'intéresse tout particulièrement au télétravail et aux équipes virtuelles, mode de travail qu'elle a elle-même expérimenté au cours de sa carrière. Elle a en effet travaillé plus de douze ans comme recruteur senior et responsable d’équipes de recrutement en informatique et ingénierie. Réputée en tant que communicatrice, elle possède aussi diverses expériences en tant que formatrice et elle a réalisé plusieurs mandats et interventions en développement organisationnel et gestion du changement.

Source :
  1. Le terme suiveur utilisé en français fait un peu grincer des dents, car il n’est pas tout à fait l’égal du terme anglais « followers ».
  2. Les 4 générations au travail sont dans l’ordre : baby-boomers, X, Y et Z.
  3. Le télétravail peut s’établir sous plusieurs formes : occasionnel, en télécentre ou basé à la maison.
  4. Multifactor Leadership Questionnaire.
  5. Basé sur la théorie robuste des « Big Five ».
  6. Recherche au DESS effectuée sur le télétravail.