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Comment créer une culture de coaching et de mentorat?

Un grand nombre de gestionnaires pensent encore qu’un aspect clé de leur rôle est de connaître toutes les réponses et de dire aux autres quoi faire et parfois comment le faire. Cela leur vient de leur éducation, de certains modèles de direction qu’ils ont observés dans leur carrière, du type de reconnaissance qu’ils ont obtenue dans leur travail ainsi que de la culture de leur organisation.

30 novembre 2015
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow

Le coaching et le mentorat relèvent plutôt du domaine du dialogue, du questionnement, de la réflexion, du développement et de l’idée fondamentale que généralement, les gens possèdent déjà la réponse en eux. Le rôle du gestionnaire est alors de faire émerger les solutions, le sens des responsabilités, la mobilisation et l’engagement. De plus en plus d’entreprises considèrent aujourd’hui qu’il s’agit là d’un mode de fonctionnement non seulement plus adapté au monde actuel, mais aussi plus productif et permettant d’utiliser de manière optimale les forces vives de leur personnel.

Facile à dire, pas facile à faire...
Ce qui semble être une bonne idée  en principe n’est cependant pas facile à implanter. En effet,  toutes les organisations ont des systèmes immunitaires relativement forts et, si le coaching et le mentorat sont perçus comme des corps étrangers, il est probable qu’ils seront rejetés ou neutralisés. La résistance au coaching ou son acceptation dépendent de l’ADN culturel de l’organisation.

Donc, s’il est populaire de souhaiter implanter une culture de coaching et de mentorat dans son organisation – la recherche ayant déjà confirmé à maintes reprises son efficacité –,  il faut savoir que c’est  l’identité de son leadership collectif qu’on essaie alors de changer1. Et il n’y a pas de façon rapide et simple de modifier une identité collective; il faudra pour ce faire une multitude d’interventions à tous les niveaux de l’organisation et des changements majeurs dans les pratiques et les attitudes, en sachant que les obstacles seront importants.

L’obstacle des leaders
Ainsi, une étude récente, effectuée par Laurent Lapierre et Sylvia Bonaccio de l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa ainsi que Loren Naidoo du Baruch College à New-York, indique que les leaders qui se perçoivent comme plutôt orientés vers les relations avec les autres  sont davantage disposés à faire du mentorat2. Cependant, l’étude révèle aussi que les leaders relationnels vont faire du mentorat seulement avec les personnes qu’ils considèrent plus performantes que d’autres. On peut donc en déduire qu’un gestionnaire naturellement porté vers les autres n’offrira du mentorat ou du coaching que s’il en voit des bénéfices réels, pour lui et pour l’autre. Il est aussi facile d’imaginer que les leaders qui ont une identité relationnelle plutôt  faible ne songeront sans doute jamais à faire du mentorat ou du coaching.

Des leaders peuvent avoir l’ouverture comme valeur personnelle et même organisationnelle, mais jusqu’où sont-ils prêts à aller? Voilà une question fondamentale à se poser avant de penser à faire vivre le coaching et le mentorat comme fondements culturels.

L’obstacle des modèles
Quand on veut instaurer une culture de coaching et de mentorat, on se tourne la plupart du temps vers les modèles traditionnels de gestion du changement, qui sont généralement linéaires. Le problème avec ces modèles est qu’ils sont orientés du haut vers le bas, donc dirigistes, alors que le mentorat et le coaching sont essentiellement des conversations significatives entre employés et gestionnaires, qui peuvent prendre plusieurs directions. Comme il est impossible de diriger ces conversations, les changements qui en émergeront sont relativement imprévisibles, ce qui ne cadre pas avec les modèles linéaires de gestion du changement.

L’obstacle de la fonction RH
En ligne avec le point précédent, le coaching et le mentorat ne peuvent être un processus relevant uniquement de la fonction ressources humaines. Elle peut seulement y contribuer... De fait, en raison du grand nombre de processus qu’ils ont implantés au sein des organisations, les services RH font face à la résistance et à la méfiance des gestionnaires quand ils veulent instituer une culture de coaching et de mentorat.

L’année 2015 n’a d’ailleurs pas été très bonne pour la fonction RH dans la presse d’affaires. Forbes (« Why Human Resources is Dead »), Harvard Business Review (« Blow Up HR »), Fortune (« The future of work: Say goodbye to HR? »), McKinsey Quarterly (« Beyond the Bureaucracy in HR ») et même la revue Gestion de HEC Montréal (« La fonction RH : superflue ou essentielle? ») ont tour à tour posé un regard très critique sur la fonction RH. Pas étonnant de constater qu’un nombre de plus en plus grand d’entreprises donnent (ou redonnent) plus de pouvoir à leurs gestionnaires quand il est question d’évaluer et de guider leurs répondants directs.

La manière de faire...
La seule manière de développer graduellement une culture de coaching et de mentorat est d’entreprendre un dialogue collectif continu qui fait le lien entre les comportements et les résultats. Pour y arriver, les services RH peuvent jouer le rôle de catalyseur en soutenant la création de forums où les gens peuvent développer leurs habiletés de coaching, que ce soit sous la forme d’ateliers de formation et de partage, de groupes de codéveloppement structurés ou de groupes de discussion libre, et ce, à tous les niveaux de l’organisation.

Voici ce qu’il faut faire, selon David Clutterbuck, l’expert mondial en coaching et mentorat3 :

  • commencer à petites doses, avec des projets pilotes, pour démontrer des bénéfices visibles rapidement;
  • identifier ceux et celles qui peuvent devenir les champions de la culture de coaching et de mentorat et s’assurer que ce soit eux qui communiquent avec la haute direction et non pas le service RH;
  • au début, suggérer aux leaders des équipes d’orienter le coaching et le mentorat vers les employés performants qui ont le plus grand potentiel de développement;
  • ne surtout pas croire qu’un programme de formation est LA stratégie pour développer une culture de coaching et de mentorat;
  • le coaching et le mentorat ne sont pas des obligations ou des tâches additionnelles, mais une manière d’être avec ses collaborateurs et ses collègues.

Pour aller plus loin
How to create a coaching culture, Gillian Jones et Ro Gorell, Kogan Page, HR Fundamentals.
Humble Inquiry. The gentle art of asking instead of telling, Edgar H. Schein, Berrett-Koehler Publishers, Inc.
Leader as Coach, David B. Peterson et Mary Dee Hicks, Personnel Decisions International.
Les nouvelles stratégies de coaching. Comment devenir un meilleur gestionnaire, Pierre J. Gendron et Christiane Faucher, Les Éditions de l’Homme.
The Extraordinary Coach. How the best leaders help others grow, John H. Zenger et Kathleen Stinnett, McGrawHill.
The Weekly Coaching Conversation, Brian Souza, Productivity Drivers.

Références

  1. Lawrence, P. (2015). “Building a coaching culture in a small Australian multinational organization”, Coaching: An International Journal of Theory, Research and Practice, DOI: 10.1080/17521882.2015.1006649.
  2. Lapierre, L., L. Naidoo et S. Bonaccio (2012). “Leaders' Relational Self-Concept and Followers' Task Performance: Implications for Mentoring Provided to Followers”, Leadership Quarterly, 23(5): 766-774.
  3. Clutterbuck. D. et D. Megginson (2006). Making Coaching Work : Creating a coaching culture, London, Chartered Institute of Personnel and Development.

À propos de l’auteur
Yvon Chouinard, CRHA, ACC, est un coach exécutif associé au Groupe Pauzé. Il est aussi consultant en implantation et en évaluation de programmes de mentorat en plus de faire la formation des mentors et des mentorés. On peut le joindre par téléphone [514 861-0222] ou par courriel [ychouinard@groupepauze.com]. Twitter : @coachyvon


Author
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow