ressources / developpement-competences-releve

Les neurosciences : vers des interactions humaines de haut niveau

Leadership-innovation-neurosciences. On ne se cachera pas que ce sont des mots en or lorsqu’il est question de développement des équipes, des organisations et des habiletés de gestion. C’est normal. Depuis plusieurs années déjà, on associe le leadership et l’innovation au succès. Et les neurosciences, c’est la nouvelle arme de son entreprise.

12 mars 2015
Guillaume Dulude

Comment utiliser son cerveau à son plein potentiel? Les neurosciences ont une espèce d’aura magique. Comme si elles renfermaient des secrets qui donneront à l’individu la clé pour se propulser là où il veut aller! Et en fait, il faut admettre que c’est vrai tant et aussi longtemps qu’on les considère comme une arme d’apprentissage et non pas comme un truc magique. Les neurosciences donnent accès à des mécanismes dont on est témoin sans le savoir, car tout va extrêmement vite dans une communication humaine.

Chacun est en interaction avec d’autres humains toute la journée et tous les jours. Cela paraît difficile à croire, mais chaque conversation a le potentiel de générer des retombées importantes. Créer quelque chose. Augmenter l’énergie, la motivation, la clarté, le sens, la précision, etc. L’objectif des interactions humaines est de se mettre en mouvement ensemble et de collaborer.

Voici la question la plus importante : que doit-on faire, à chaque instant, pour communiquer de façon à créer plus de collaboration, plus d’efficacité, plus de plaisir et plus de résultats concrets?

Peu importe les nouveautés technologiques, force est d’admettre qu’aucun appareil technologique ne peut remplacer un dialogue entre humains. Grâce à l’étude du cerveau et de ses processus cognitifs, on comprend maintenant que la communication interpersonnelle est très loin d’être ce que l’on croyait. Ces dernières années, des avancées importantes au niveau des connaissances sur le fonctionnement cérébral permettent de comprendre précisément pourquoi une personne dégage une confiance en elle, comment elle possède la capacité de convaincre, de créer des relations facilement et semble appréciée des autres, tout cela, de façon aisée et naturelle.

Certains diront : « C’est la personnalité. Nous ne sommes pas tous convaincants et assez extravertis pour créer des relations facilement. » Eh bien, c’est faux. La personnalité, l’introversion ou l’extraversion sont l’expression de multiples comportements qui sont perçus par l’externe. Mais ce sont bel et bien des comportements. Et voici la beauté de la neuropsychologie : enfin comprendre les vrais comportements d’interaction humaine qui mènent au leadership, aux relations positives et à l’innovation. La nature d’un humain n’est ni introvertie ni extravertie. La nature, c’est la nature. Ce qu’on en fait est ce qui compte. C’est ce qu’on appelle l’apprentissage. Et on peut maintenant apprendre de nouveaux comportements qui créent des effets complexes à la hauteur des défis rencontrés quotidiennement.

La bonne nouvelle est que la compréhension des mécanismes mentaux impliqués dans une communication de haute efficacité montre que chacun est fait pour être un leader et innover. La nature même du fonctionnement cognitif humain est destinée à développer ces capacités. Nous disons bien : développer. Comme un athlète, avec le bon type d’entraînement et avec le bon coaching, il est possible d’apprendre à utiliser son cerveau pour accéder à des effets complexes, tels que le leadership ou l’innovation. La communication vise donc à faire émerger des ressources qui existent déjà en tant que potentiel inhérent à l’humain. Et pour avoir accès à ces précieuses ressources, il y a quelques petites notions à connaître.

Système d’approche et d’évitement : Go/No-Go
En cognition, deux systèmes cérébraux gèrent la façon dont un humain interagit avec les éléments extérieurs qui l’entourent. Le système Go est celui qui le pousse vers ce qui génère des émotions positives. Il s’agit d’un système d’approche qui met l’humain en mouvement vers quelque chose qu’il évalue comme étant positif pour lui. Ce système cérébral est directement en lien avec la motivation, les objectifs positifs, le « goût de » et, ultimement, l’engagement et le leadership.

Parallèlement, le système No-Go permet de détecter et d’éviter les éléments qui sont considérés comme néfastes. Il fonctionne de pair avec les émotions négatives, particulièrement l’anxiété. Cette émotion est capitale, non seulement parce qu’elle est puissante, mais qu’elle est aussi la cause des résistances, des conflits, de la dégradation de la qualité des relations, de la dépression, etc.

Les deux systèmes sont toujours en action à chaque instant d’une communication et ils s’interinfluencent. En effet, l’engagement et l’anxiété sont inversement proportionnels. Si l’anxiété est élevée, l’engagement est automatiquement inhibé. Aujourd’hui, le travail d’un coach ou d’un leader consiste à convertir l’énergie consacrée à l’anxiété en énergie d’engagement, donc en mouvement. Un communicateur efficace sera en mesure de détecter quel système est activé à un moment précis de la conversation et d’adapter sa communication de manière à désactiver progressivement le No-Go et à stimuler le Go. Le résultat d’un tel processus est que la conversation créera simultanément une relation plus positive et avec une énergie disponible pour générer un mouvement vers un objectif. Plus cet impact est fort, plus on a tendance à l’appeler leadership. Mais comment faire?

La mathématique émotionnelle
Il ne s’agit pas de se demander : Que dois-je dire? De quelle façon? Avec quel ton? Quelle expression faciale? Ou de mémoriser une série d’étapes pour communiquer efficacement. Il s’agit plutôt d’apprendre les règles qui définissent l’interaction entre soi et son interlocuteur : la mathématique émotionnelle.

Les émotions sont toujours régulées en interaction avec l’autre de façon très précise. Elles sont principalement transmises par les mouvements oculaires. En d’autres mots, le comportement et les émotions ressenties par une personne ont des conséquences immédiates sur les émotions et les cognitions de l’autre. C’est ce qu’on appelle la mathématique émotionnelle, soit les règles universelles qui régissent les fluctuations émotionnelles chez les humains en inter­action. Lorsqu’une personne éprouve une émotion, des conséquences émotionnelles immédiates sont provoquées chez son interlocuteur. À force d’entraînement, il est possible de designer une communication de façon à obtenir différentes réponses émotionnelles chez soi et chez l’autre.

L’attention et la cohérence intermodale
Le contact est la fonction la plus importante à développer et à mettre en place dans une interaction qui donnera accès au leadership. Le contact entre deux personnes est une synchronisation cérébrale qui se produit au moment où l’attention des deux interlocuteurs est portée soit sur l’un, soit sur l’autre. Un contact efficace donne l’autorisation cérébrale aux deux personnes de dialoguer à propos d’un enjeu tout en augmentant leur qualité relationnelle. Lorsque le contact est établi entre deux humains, ils possèdent les conditions cognitives et émotionnelles pour augmenter simultanément leur relation, diminuer l’anxiété liée à leur sujet de conversation (diminution du No-Go) et créer une collaboration en fonction d’un enjeu (Go). Il s’agit de l’habileté la plus déterminante en efficacité de communication et c’est ce qui caractérise les meilleurs communicateurs, qu’ils en soient conscients ou non.

Le contact peut être rompu. Dans ce cas, l’attention est divisée et alterne rapidement entre soi et l’autre. Un bon contact est directement en lien avec la capacité de gérer l’attention. En général, les gens arrivent difficilement à garder leur attention sur un seul des deux interlocuteurs plus de quelques secondes. La plupart des gens communiquent en attention divisée. C’est-à-dire que leur attention alterne entre eux-mêmes et l’autre plus ou moins rapidement. Cette alternance attentionnelle est détectable grâce aux mouvements oculaires qui témoignent de la cible visée par l’attention. C’est ce qu’on appelle la manipulation cognitive.

L’attention est le processus cognitif exécutif sur lequel l’individu a le meilleur contrôle, puisqu’il s’agit de l’outil qui lui permet de faire des choix.

Par exemple, Jean est en train de parler à Nathalie d’un sujet sur lequel ils sont en désaccord. Jean prend la parole et alterne son attention entre ce qu’il veut dire et ce que Nathalie semble penser. Il s’agit d’un exemple d’une attention divisée ou alternée, ce qui rend le contact impossible. En effet, l’attention divisée est détectable par Nathalie en 14 millisecondes, beaucoup trop rapidement pour qu’elle s’en rende compte consciemment. Le système visuel de Nathalie perçoit l’attention divisée de Jean. Si ce n’est déjà fait, elle voudra mettre son attention sur lui, mais ne pourra à son tour s’empêcher d’avoir une partie de son attention sur elle, se demandant si elle est d’accord ou non avec lui. Le scénario typique survient : aussitôt que l’un des deux interlocuteurs est en attention divisée, le contact cesse immédiatement et la relation ne peut se développer. À ce moment, le sujet déjà épineux aura tendance à créer de plus en plus d’impuissance et à générer de plus en plus d’émotions négatives. C’est un système totalement No-Go.

La relation interpersonnelle est un moyen de défense et de survie pour les humains. À chaque seconde, le cerveau fait tout en son pouvoir pour que l’individu soit aimé et accepté des autres, donc pour créer des relations et parallèlement détecter le rejet de l’autre afin de l’éviter. Tous les résultats que l’on désire atteindre en communication (écouter de façon empathique, être en confiance, créer l’engagement, mettre l’autre en confiance, etc.) sont en lien avec un contact efficace, ce qui renvoie à une communication où les interlocuteurs ont une attention unifiée soit sur l’autre (écoute), soit sur soi (expression) et qui ne stimule pas le rejet.

Les organisations sont à l’étape où les humains passent à un autre niveau de développement. Trop souvent, l’enseignement des habiletés de savoir-être possède peu de structures, peu de spécificité conceptuelle, scientifiques et pédagogiques. Aujourd’hui, la communication de haut niveau peut s’apprendre de façon précise; comme elle est fondée sur des bases cognitives au cœur de l’humain, les apprentissages s’intègrent à la personnalité de chacun qui ne doit d’ailleurs pas changer. La nouvelle communication interpersonnelle est l’outil par lequel il est possible de se codévelopper, d’atteindre des objectifs ensemble et de créer des relations authentiques.

Guillaume Dulude, Ph. D (c), cofondateur, Psycom, formateur, conférencier et coach

Source : Effectif, volume 18, numéro 1, janvier/février/mars 2015.


Guillaume Dulude