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Le mentorat : un acte de générativité

Comment préparer la relève alors que s’amorce une guerre des talents? Cet article vous explique pourquoi le recours au mentorat est une solution à privilégier, car il est à la fois flexible et profitable.
31 octobre 2011
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow

Ce texte est le premier de deux articles où nous examinerons comment le mentorat peut devenir une solution efficace pour aider les organisations à mieux préparer la relève dans un monde où la rareté de la main-d’œuvre et du talent présentera un défi de plus en plus grand. Ce premier article décrira les raisons qui supportent le recours au mentorat et ses conditions de succès dans les organisations alors que le second Mentorat, coaching et conseil : séparer les pommes des oranges  discutera de son implantation.

Le mot générativité ne fait pas partie de notre vocabulaire usuel, mais c’est celui qui représente le mieux le phénomène qui se manifeste dans une relation mentorale, soit l’acte conscient par le mentor de transférer des acquis aux générations suivantes (les mentorés) et de produire une trace qui s’inscrira dans l’avenir. Cela suppose donc de la générosité. Mais quand les mentors pratiquent activement la générativité, ils ressentent aussi une impression profonde d'utilité, le sentiment que la vie vaut la peine d'être vécue et qu’ils servent à quelque chose. Voilà bien la preuve que la générosité nous fait d'abord du bien à nous-mêmes! 

Une fois établis ces fondements philosophiques et altruistes du mentorat, nous comprenons aussi que les entreprises ont d’autres intérêts pour instituer et gérer des programmes de mentorat structurés. Ce pont entre les générations fait en effet partie de ce que nous appelons une stratégie de « gestion des talents », la gestion des talents étant devenue une priorité organisationnelle de premier plan à la lumière de la guerre des talents qui est amorcée (Fishman, 2007) et qui est principalement due à des facteurs démographiques.

En effet, d’ici environ 2025, il y aura graduellement 15 % moins de Nord-Américains dans le groupe d’âge 35 à 45 ans qu’en 2007. Si nous faisons l’hypothèse d’une économie qui continuera à croître au taux annuel de 2 % à 3%, cela veut dire que la demande pour les 35-45 ans va augmenter de 25 % alors que l’offre diminuera de 15 %, d’où la guerre annoncée. Déjà au Québec, il y a 10 entrants pour 11 personnes qui prennent leur retraite. En 2016, le nombre de sortants montera à 12 pour 10 entrants (Jacob, 2008). Les entreprises devront tenter de conserver et de mobiliser leur personnel avec des programmes de développement de carrière. Le mentorat, peu coûteux et utilisant des ressources internes, prendra alors sans doute une place très importante, en particulier pour préparer les jeunes employés talentueux à prendre la relève plus tôt dans des postes de responsabilités importantes, afin de combler les vides laissés par les départs et les promotions (Chambers, 1998). 

Du mentorat partout

Aujourd’hui, on retrouve des programmes de mentorat dans presque toutes les sphères d’activité de la société (fonction publique, santé, droit, entrepreneurs, organismes sans but lucratif, armée, éducation, organisations commerciales, etc.). La réalité courante et future du marché du travail indique que les modèles de carrière linéaire seront de moins en moins présents. Les carrières vont plutôt se profiler en fonction de changements fréquents d’employeur et de mouvements latéraux dans les organisations, un modèle qui exige une mise à jour continue de ses connaissances et de ses habiletés et un accompagnement à chaque étape. 

D’autre part, selon Simard (2008) qui s’intéresse à l’intégration de la génération Y (les 18-30 ans) dans les entreprises, l’approche d’accompagnement qui fonctionne le mieux avec les membres de la génération Y est le mentorat, car s’ils aiment avoir un bon gestionnaire, ils demeurent tout de même réfractaires à l’autorité, et c’est le mentor, qui n’est pas une figure d’autorité, qui peut les faire grandir le mieux dans leur vie professionnelle.  

Le mentorat : profitable

Finalement, le mentorat s’avère aussi profitable. Ainsi, Capital Analytics a déterminé que le rendement de l’investissement de la compagnie Sun Microsystems dans son programme de mentorat était de 1,000 % (Dickinson, Jankot & Gracon, 2009). Pas étonnant que 71 % des entreprises de la liste Fortune 500 déclaraient avoir un programme de mentorat dans un article publié par la Wharton School de l’Université de la Pennsylvanie (2007).  

L’importance d’une planification sérieuse

Malgré son caractère plutôt informel dans la pratique, il est important de bien planifier l’implantation d’un programme de mentorat dans une organisation. En effet, la stratégie adoptée dépendra largement de la culture organisationnelle. Dans certains cas, le mentorat peut même ne pas être approprié, car il n’y a pas de terreau fertile pour le faire prospérer. Que ce soit la promotion interne du programme, la sélection des mentors, la formation des mentors et des mentorés ou la coordination du programme, il est préférable de se faire accompagner par des experts dans le domaine afin d’éviter de lancer une initiative louable, mais qui risque de ne pas atteindre ses objectifs. Ce sera d’ailleurs l’objet de notre second article. 

Conclusion

Pour survivre et croître dans un monde en constant flux de changement, les entreprises doivent avoir un mécanisme afin de se régénérer de l’intérieur (Murray, 2001), et le mentorat est un moyen flexible et peu coûteux d’atteindre cet objectif.  

Si les entreprises utilisent bien le mentorat, elles pourront ainsi créer un environnement où chaque personne pourra atteindre son plein potentiel en bénéficiant du transfert du savoir, du savoir-faire et du savoir-être d’une génération à l’autre. 

Pour aller plus loin : quelques suggestions de lecture

Ouvrages

  • Houde Renée (2010). Des mentors pour la relève, Presses de l’Université du Québec.
  • Tammy D. Allen, Lisa M. Finkelstein et Mark L. Poteet (2009). Designing workplace mentoring programs. An Evidence-Based Approach, Wiley-Blackwell.
  • Margot Murray (2001). Beyond the Myths and Magic of Mentoring. How to facilitate an effective mentoring process, Jossey-Bass.
  • Belle Rose Ragins et Kathy E. Kram (2007). The Handbook of Mentoring at Work. Theory, Research, and Practice, Sage Publications, Inc.
  • Collection Mentorat – Éditions de la Fondation de l’entrepreneurship
  • Akela Peoples. Concevoir et implanter un programme de mentorat.
  • Debra McAdam et Carole Simpson. Former les mentors et les mentorés.
  • Charlotte Morneau. Coordonner un programme de mentorat.
  • Julie Fortin (avec la collaboration de Christine Cuerrier). Évaluer un programme de mentorat.

Sites Internet

Références

  • Chambers, E.G., M. Foulon, H. Handfield-Jones, S.M. Hankin et E.G. Michaels III (1998). « The War For Talent », The McKinsey Quarterly, N° 3.
  • Dickinson, K., T. Jankot et H. Gracon. (2009). Sun Mentoring: 1996-2009. Sun Microsystems.
  • Fishman, C. (2007). « The War for Talent », Fast Company.  
  • Houde, R. (2010). Des mentors pour la relève, Montréal, Presses de l’Université du Québec.
  • Jacob, R. (2008). Tendances démographiques : défis organisationnels. Conférence  prononcée devant l’Institut de la gestion financière, à Québec le 9 juin 2008.
  • Ministère des petites entreprises et de l’entrepreneuriat de l’Ontario. (2007). L’avantage du mentorat. Comment former des chefs et élargir les horizons de vos employés et de votre entreprise, série Les entreprises à croissance exceptionnelle, Rapport 15.
  • Murray, M. (2001). Beyond the Myths and Magic of Mentoring, San Francisco, CA: Jossey-Bass.
  • Simard, S. (2008). Génération Y. Attirer, motiver et conserver les jeunes talents, Boucherville, Viséo Solutions.
  • Wharton School of the University of Pennsylvania. Workplace Loyalties Change, But the Value of Mentoring Doesn’t. Article publié par Knowledge@Wharton, le 16 mai 2007. 

Yvon Chouinard, CRHA et coach certifié, est coach exécutif chez Pauzé Coaching et président d’Isotope Conseil inc. À titre de consultant, il soutient les organisations dans l’implantation de leurs programmes de mentorat ainsi que dans la formation des mentors et des mentorés et le coaching des mentors. Il est membre de Mentorat Québec. On peut le joindre par téléphone [514) 861-0222] ou par courriel [ychouinard@isotopeconseil.com ou ychouinard@groupepauze.com].


Author
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow Conseiller en mentorat Yvon Chouinard

Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow, est conseiller en mentorat. Il œuvre activement comme bénévole à Mentorat Québec au sein de son comité Veille et Recherche. Il est en particulier rédacteur en chef de La Sentinelle mentorale qui est publiée en janvier lors du Mois du mentorat.