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Gestion du développement des compétences - Coaching sans intrusion…

Marianne Labelle*, CRHA, consultante, a reçu le mandat d’accompagner Philippe, nouvellement promu gestionnaire de son équipe de travail. Elle doit notamment l’aider à développer son leadership. Mais voilà que, dans l’une de leurs rencontres, Philippe lui confie qu’il entretient secrètement une relation amoureuse avec une collègue et qu’il craint de perdre sa crédibilité auprès de son équipe, si cela venait à se savoir. Marianne se questionne sur son rôle… Une intervention de sa part relativement à ces révélations dépasserait-elle les limites de son mandat ? Serait-ce une intrusion dans la vie privée de son client?
* Nom fictif

5 juillet 2010
Karine Pelletier, CRHA, et Stéphane Hamel, CRHA

L’éclairage déontologique - Le rôle de l’accompagnateur et ses limites


Par Karine Pelletier, CRHA, coordonnatrice, recherches, ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Marianne doit clarifier dès le début son rôle et son mandat, tant auprès du client que de l’employeur. L’étendue de son intervention sera alors plus facile à définir et les attentes de chacun seront plus réalistes. N’oublions pas que la première responsabilité de Marianne est d’accompagner Philippe dans le développement des compétences professionnelles requises pour remplir ses nouvelles fonctions.

Dans un mandat de coaching professionnel, la frontière entre la vie personnelle et professionnelle du client est souvent très mince. Dans le cas de Philippe, il est clair que la situation peut avoir des conséquences sur le milieu de travail, conséquences d’autant plus importantes qu’il se trouve maintenant en position d’autorité. Si la collègue avec laquelle il entretient une relation amoureuse est sa subalterne, les risques d’incidence sur l’équipe sont élevés (jalousie des collègues, changement de la dynamique de groupe, perte d’emploi). Cette problématique s’inscrit donc dans le cadre de l’exercice de la profession. À cet égard, le Code de déontologie des CRHA et CRIA indique à Marianne les limites à ne pas franchir dans l’exercice de son mandat.

À titre de consultante, son rôle est d’aider Philippe à prendre une décision éclairée sur la meilleure façon de gérer la situation en suscitant sa réflexion. Une politique d’entreprise interdit-elle les relations amoureuses entre collègues ? L’une des personnes impliquées a-t-elle accès à des informations privilégiées ? Si Marianne constate que la question dépasse ses compétences, elle peut demander à Philippe de l’autoriser à consulter une personne compétente à cet égard ou l’adresser à un autre professionnel.

Bien sûr, le coaching obtiendra plus de succès si une relation de confiance s’établit entre Marianne et Philippe. Du coup, le risque que des informations privées lui soient confiées est élevé, ce qui s’est produit ici. Tout au long de son intervention, Marianne doit faire preuve de vigilance et se rappeler que son rôle est professionnel uniquement. C’est ainsi qu’elle doit éviter de s’immiscer dans les affaires personnelles de Philippe. Par exemple, si son client lui confie des problèmes matrimoniaux, elle ne doit pas se lancer dans un coaching matrimonial; si elle le fait, les conseils qu’elle donnera ne seront pas reconnus par l’assurance de la responsabilité des membres de l’Ordre, qui couvre uniquement les services professionnels reliés aux champs d’expertise de la profession. Marianne doit aussi veiller à ce que Philippe comprenne bien les limites de la confidentialité et du secret professionnel qu’elle doit observer et l’usage qu’elle pourra faire des renseignements qu’il lui fournit.

À retenir

  • Clarifier son rôle dès le début du mandat.
  • Éviter de s’immiscer dans les affaires personnelles du client.
  • Exercer sa profession dans les limites des activités couvertes par l’assurance de la responsabilité professionnelle.

L’éclairage d'un profesionnel - Le coaching dans le cadre de la profession
Par Stéphane Hamel, CRHA, formateur, coach et conseiller principal, Competencia inc.

Il est important de rappeler que le coaching professionnel vise à aider un individu à libérer son potentiel pour atteindre un niveau maximum de performance dans l’exercice de ses activités professionnelles. Plus spécifiquement, le coaching d’un gestionnaire permet :

  • de soutenir sa réflexion stratégique et sa prise de décision;
  • d’accroître ses compétences de gestion et son leadership;
  • de l’accompagner dans les changements organisationnels;
  • de réaligner certaines de ses pratiques de gestion.

Or, très souvent, le coach est confronté au fait que son client souhaite parler sans réserve de sa vie privée afin d’apporter un éclairage nouveau sur la situation qu’il vit. Bien que Philippe soit libre de le faire s’il en ressent le besoin, Marianne n’a pas à poser des questions supplémentaires sur le sujet. Elle doit simplement explorer, avec discrétion et discernement, les impacts potentiels de la situation sur le travail de Philippe :

  • En quoi cette situation pourrait-elle influencer son travail?
  • Quels pourraient être les impacts sur ses objectifs, son équipe, ses clients?
  • Comment pourrait-il éviter ces conséquences?

De plus, si Marianne se retrouve en possession de renseignements de nature personnelle ou stratégique, elle a toujours le devoir de protéger la confidentialité de l’information qui lui est fournie. Au-delà du Code de déontologie qu’elle a l’obligation de respecter, elle doit à tout prix maintenir la relation de confiance qui l’unit à Philippe.

D’autre part, que faire si les renseignements de nature personnelle qui lui sont confiés laissent entrevoir une situation particulière qui devrait être traitée par un autre professionnel? Il ne faut surtout pas improviser dans un domaine où son expertise n’est pas reconnue. Marianne doit donc chercher à diriger son client vers des ressources compétentes par l’entremise de questions ouvertes :

  • Quelles sont les ressources qui peuvent vous aider dans cette situation?
  • Parmi celles-ci, lesquelles vous semblent appropriées à votre situation?
  • Avec lesquelles êtes-vous le plus à l’aise?
  • Quand pensez-vous être en mesure de communiquer avec elles?

Toutefois, il se peut que Philippe éprouve certaines difficultés à identifier par lui-même des solutions concrètes. Or, Marianne doit éviter de tomber dans le piège de lui fournir des conseils ou des trucs. La raison d’être du coaching professionnel est d’aider une personne à trouver par elle-même la meilleure approche pour sa situation, et non de lui donner une recette à suivre.

En conclusion, le coaching professionnel est un excellent outil d’amélioration et de développement si la personne accompagnée se responsabilise face à sa situation et si l’accompagnateur maintient son intervention dans les limites de sa profession.

Source : Effectif, volume 13, numéro 3, juin/juillet/août 2010.


Pour aller plus loin… Des lectures en lien avec cette chronique, les extraits pertinents du Code de déontologie et divers compléments d’information sont disponibles, cliquez ici.


Karine Pelletier, CRHA, et Stéphane Hamel, CRHA