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La formation : si la tendance se maintient…

Où en sommes-nous à l'heure actuelle en formation en entreprise ? Si la tendance se maintient, à quoi devrons-nous faire face après-demain.

1 juin 2003
Danièle Ricard

L'objectif clé de ce dossier n'est pas de remettre en cause toutes les nouveautés en formation: loin de là. On n'y trouvera ni recettes, ni guide pratique, ni prescriptions gagnantes. En formation, peu de garanties existent. Le meilleur gage de succès est sans doute la capacité de prendre un certain recul et de porter un regard critique sur les pratiques actuelles. Voici donc un regard sur un univers en mouvement…

Afin d'éclairer cette perspective, nous suggérons un modèle intégrateur du rôle de la formation en entreprise. À l'aide de ce modèle, nous reviendrons sur certains principes clés de toute approche intégrée de formation et analyserons la situation actuelle en nous basant sur la tendance dominante actuelle, celle de la gestion des compétences.

Dans un premier temps, remettons la formation au cœur de nos préoccupations.

Le modèle met en relief la trilogie entreprise-employé-poste. Tout serait si simple si ce n'était que ça. Toutefois, ce modèle se situe dans un contexte socioéconomique donné qui sert autant de toile de fond que de soutien à ce modèle. En quoi consiste cette toile de fond en 2003?

Contexte socioéconomique

On s'entend pour considérer l'entreprise comme une partie intégrante du tissu d'une société. Toutefois, certains scandales récents ont mis en lumière quelques pratiques de gestion douteuses et ont fait ressortir la nécessité de revoir les responsabilités des entreprises dans la société. Cette notion de responsabilité dépasse l'enrichissement économique des cadres et des actionnaires et touche directement la formation et le développement des employés.

Ce contexte n'est pas sans exercer une pression sur les entreprises. À cet égard, deux points sont à prendre en compte: la mondialisation des marchés et une compétitivité accrue ainsi que la situation démographique.

La formation dans un contexte de mondialisation soulève certaines questions, entre autres: l'entreprise développe-t-elle les compétences de ses employés ou recrute-t-elle plutôt, ici ou ailleurs, des travailleurs possédant déjà les compétences souhaitées?

Compte tenu de la situation démographique actuelle, à savoir le vieillissement de la population qui laisse prévoir qu'environ 30% de la population active prendra sa retraite dans moins de cinq ans, quelques autres questions s'ajoutent, la principale étant sans doute: comment l'entreprise peut-elle s'assurer d'obtenir et de conserver la main-d'œuvre qualifiée nécessaire pour implanter ses stratégies de développement?

C'est dans ce contexte que les entreprises conçoivent les stratégies de formation et de développement de leur main-d'œuvre. Que font la plupart d'entre elles? Quel est le discours dominant en formation à l'heure actuelle? Qui n'a pas entendu ou prononcé le terme «gestion des compétences?» Gérer les compétences fait en effet partie du vocabulaire courant depuis quelques années. Cette pratique, comme plusieurs autres, n'est ni bonne ni mauvaise en soi, mais elle mérite qu'on s'y attarde et qu'on regarde de plus près son utilisation actuelle.

Gérer des compétences

Impossible de parler de formation sans parler de gestion des compétences. Or, gérer les compétences n'est pas en soi développer les compétences; et développer les compétences n'est pas non plus synonyme de formation et encore moins d'apprentissage.

Commençons par définir une compétence. Il existe une multitude de définitions et la notion de compétence fait appel à plusieurs dimensions de l'individu, à savoir ses connaissances, ses habiletés et ses attitudes. Selon Roland Foucher (2002), professeur à la chaire de Gestion des compétences de l'Université du Québec à Montréal, «une compétence constitue une prédisposition à agir, ses caractéristiques sont durables et elles peuvent se manifester dans des situations variées. Les compétences influencent le rendement. C'est même le rendement qui détermine si une compétence est maîtrisée». Foucher note toutefois qu'il n'y a pas unanimité sur les dimensions constitutives d'une compétence ni sur la façon d'établir les liens entre la compétence et le rendement.

Pourquoi alors cet engouement pour la gestion des compétences? Justement parce qu'on voit apparaître le lien entre la compétence et le rendement dans un contexte de compétitivité.

On peut saisir pourquoi les gestionnaires friands de mesure et d'évaluation adoptent la gestion des compétences. Les chartes de compétences, tout en rappelant certains aspects du taylorisme, permettent de définir et d'isoler toutes les compétences nécessaires à la performance optimale d'un employé dans un poste spécifique, dans un secteur donné. En termes de précision et de découpage, on ne peut faire mieux. Cette façon d'isoler toutes les compétences nécessaires à un poste permet de cibler l'essentiel, de le différencier de l'accessoire et de mieux pondérer les niveaux de maîtrise souhaitée pour chacune des compétences. Une fois ce découpage effectué, l'aspect «gestion» en est facilité: on peut rémunérer, recruter et planifier la relève en fonction des compétences. Une grande valeur ajoutée de la gestion des compétences est sa «relative» facilité d'intégration aux autres composantes des ressources humaines. Est-ce utile? Oui, mais rien n'est gratuit.

Cette capacité d'intégration se paye par la lourdeur du maintien du système. Plus le système de gestion des compétences est sophistiqué, plus il manque de souplesse et plus le temps de réaction requis à l'arrimage de toutes ses composantes s'étire.

Les limites de la gestion des compétences

En plus des difficultés d'utilisation que peut comporter un système de gestion des compétences, le problème principal réside ailleurs. Il ne relève pas de l'utilisation du système, mais bien de la conception même d'un tel système: il est en effet réactif et il est basé sur le maillon le plus faible du triangle des tensions, le poste.

D'abord, tout le système de gestion des compétences repose sur des analyses a posteriori des compétences nécessaires pour effectuer un travail précis dans un contexte donné. Essentiellement, le système de gestion des compétences s'applique à reproduire le passé. Or, au-delà du besoin d'être compétent dans l'exécution d'une tâche donnée, une des plus grandes difficultés actuelles est sans doute de faire face aux changements multiples et constants. On doit constamment inventer des nouvelles façons de faire, rester ouvert à ce que l'on ne connaît pas encore. On doit innover, créer de nouveaux savoirs. C'est ça le développement. La personne la plus compétente est sans doute celle qui sait agir dans une situation non prévue pour laquelle aucune compétence spécifique n'a été identifiée.

Par ailleurs, plus une compétence est pointue, plus elle se précarise rapidement. Le poste est tributaire des compétences, la notion même de poste durable se fragilise, chaque année des postes sont créés et d'autres disparaissent. La durée de vie des compétences diminue de jour en jour. C'est ainsi que, trois ans après l'obtention de son diplôme, la moitié des connaissances acquises par un ingénieur sont désuètes.

Une compétence, c'est vivant et, comme l'a si bien dit monsieur Alain Dumont, directeur Enseignement et Formation au Mouvement des Entreprises de France, au premier Symposium de la chaire de Gestion des compétences de l'UQÀM, en mai 2003: «Une compétence meurt».

Quand une compétence meurt ou qu'une nouvelle naît, le système de gestion des compétences s'alourdit. Or, l'efficacité de gestion d'un tel système est tributaire de sa réactivité rapide. Plus le système s'alourdit, plus sa réactivité s'affaiblit et plus son efficacité de gestion diminue. Cette équation est lourde de conséquence. Que faire si le temps de réactivité du système s'allonge et que la longévité des compétences diminue?

Ce n'est pas en découpant en plus petits morceaux et en définissant tout en termes de compétences que l'on parviendra à saisir la complexité des organisations actuelles. En analysant, en découpant et en disséquant jusqu'à la plus petite compétence identifiable, on ne fait que donner l'illusion de simplicité et masquer la complexité inhérente à tout ce qui est dynamique, systémique et vivant.

Remettons les choses en perspective. Si la gestion de la formation relève de la gestion des ressources humaines, l'essence de cette formation en matière d'apprentissage est on ne peut plus humaine.

Une personne compétente est bien plus qu'un individu possédant une série de compétences «transversales» et «spécifiques» données. Faire reposer la formation sur une série de compétences identifiées de façon claire et précise comporte des risques sérieux. Outre les risques associés à l'effet de silo — néologisme utilisé couramment pour décrire le découpage plus ou moins artificiel de certaines composantes qui devraient par ailleurs être unies —, le risque principal est probablement de passer sous silence l'une des plus grandes habiletés des êtres humains, soit celle d'apprendre en faisant des liens…

L'être humain est doté de raison, bien sûr. Mais il est aussi pourvu d'émotions, de passions, de dégoûts qui lui sont propres. L'être humain est un «individu», il a sa propre personnalité, son propre système de valeurs, ses propres motivations.

Qu'est-ce qui fait que l'on apprend? Qu'est-ce qui fait que l'on se souvient? Qu'est-ce qui fait que l'on oublie? Qu'est-ce qui fait que l'on utilise ses compétences?

La quête de sens

La réponse ne se trouve ni dans l'élaboration de chartes de compétences parfaites, ni dans l'élaboration d'un programme de formation utilisant les technologies les plus élaborées, ni dans un système de gestion des compétences intégrant compétences et rémunération. Bien que ces réponses puissent avoir un effet favorable sur l'acquisition, la rétention et l'utilisation des compétences, le facteur clé réside dans l'habileté de «faire du sens» pour l'humain apprenant.

Le sens ne réside pas dans la capacité de dissocier, mais dans la capacité de faire des liens. L'apprentissage est tout sauf statique. Et la personne la plus compétente est celle qui est en mesure de donner un sens à ce qu'elle fait. Or, la capacité de donner un sens passe par la capacité de faire des liens. Et nous affirmons que l'apprentissage est le lien entre les compétences.

Le chaînon manquant

Reprenons maintenant un à un les trois éléments clés du triangle des tensions, l'entreprise, le poste et l'employé, et voyons comment ils sont reliés les uns aux autres.

L'entreprise : son rôle

Gérer les compétences

Gérer les compétences et permettre aux employés d'atteindre la qualification nécessaire à leur poste, c'est fondamental, mais ce n'est plus suffisant. Si l'entreprise souhaite rester compétitive, elle doit continuer à se développer elle-même et ce développement stratégique passe avant tout par le l'avancement de ses ressources humaines.

Dans certains métiers, la relève sera aussi difficile à trouver qu'à conserver. Si l'entreprise souhaite demeurer compétitive, elle doit penser autant (sinon plus) à des stratégies de développement continu de ses employés qu'à des approches axées principalement sur l'acquisition de compétences pointues. Ces deux stratégies devraient cohabiter et la première, à savoir le développement continu de ses ressources, devrait englober la seconde, le développement de compétences pointues.

Il est vrai qu'un système de gestion des compétences aide à gérer. Toutefois, une saine gestion des compétences devrait s'insérer dans une vision de développement des ressources humaines au sens large… La vision en développement/formation, c'est essentiellement de prévoir où l'entreprise s'en va, pourquoi elle y va, avant de se demander comment elle va s'y rendre. (Au Québec Alcan est sans doute un des modèles dans sa façon d'arrimer le développement des compétences à sa stratégie de développement de l'entreprise.) Or, il semble parfois que l'ordre soit inversé: on se demande quel type de contenu on donnera, comment on le fera passer, avant de faire le lien en termes de développement stratégique et de développement des ressources humaines. Pour qu'un système de développement des compétences fonctionne, le pourquoi ou la raison d'être rattachant la compétence recherchée à la mission de l'organisation doit être explicite. De cet arrimage de la raison d'être des compétences recherchées à la mission fondamentale de l'organisation découle la notion de «sens», notion essentielle à la mobilisation des apprenants. Une fois ce lien compris, il sera plus facile de découvrir comment favoriser l'acquisition de cette compétence. Cet arrimage à une vision stratégique donne un sens à l'apprentissage. Et si l'entreprise partage avec l'employé les démarches de planification de carrière, elle reste est cependant la seule à détenir le pouvoir de donner du sens au poste.

Donner un sens

Une des responsabilités des entreprises en ce qui a trait au développement de leurs employés est de donner un sens à l'apprentissage. Sans doute conscientes de cette préoccupation, de plus en plus de grandes entreprises mettent sur pied une «université d'entreprise».

Donner du sens passe par la capacité de faire des liens, d'arrimer les apprentissages à quelque chose de plus grand qu'une compétence à acquérir. Essentiellement, le rôle clé des universités d'entreprise est de donner un sens aux apprentissages, de répondre au «pourquoi apprendre». Il s'agit de donner un sens rattaché directement à la raison d'être de l'entreprise, à son rôle social et au développement continu de ses employés, rien de moins.

Dans ce contexte, l'université d'entreprise devient un cadre idéal pour faire le lien entre la stratégie et les valeurs de l'entreprise et le développement continu. Elle permet aussi de développer une «communauté de pratiques» où les employés partagent leurs connaissances tacites, favorisant ainsi la création d'un bassin de nouveaux savoirs. C'est là, à notre sens, leur rôle le plus prometteur.

Sans déroger à leur rôle fondamental, certaines universités d'entreprise décident parfois d'inclure un système de gestion des connaissances (knowledge management) à leurs responsabilités.

Le poste : compétences nécessaires

Le lien entre l'entreprise et l'employé passe par le poste occupé. En effet, le poste est souvent à l'origine des chartes de compétences. Baser un système de développement des compétences sur la définition d'un poste équivaut à faire reposer toute une stratégie de formation sur le maillon le plus faible de la chaîne, à savoir le poste. Agir ainsi, c'est se positionner dans une logique de recyclage perpétuel, où les compétences de l'employé ne restent pas compatibles longtemps avec les exigences du poste. L'employé ne se perçoit pas en développement, mais continuellement soumis à un recyclage pour satisfaire les exigences de son poste.

En faisant le tour de cette chaîne «entreprise – employé – poste», on constate que, si le maillon le plus faible en est le poste, le maillon le plus fort est l'employé. C'est aussi le plus complexe et le plus souple. C'est dans cette complexité et dans cette souplesse que réside toute la force de l'être humain. Dans cette perspective, seul le développement continu (plus que la formation) assure la flexibilité et l'adaptabilité nécessaires pour faire face à l'avenir.

L'employé : le point d'ancrage

La durée moyenne d'une vie active au travail est environ de trente-cinq ans. Compte tenu de la longévité réduite des entreprises et du caractère éphémère des compétences, l'employé est de loin le pôle le plus stable de ce modèle.

L'apprentissage est un acte volontaire; pour apprendre, l'employé doit se mobiliser. Cette mobilisation passe souvent par son développement professionnel et personnel. L'employé est responsable avec l'entreprise de veiller à sa planification de carrière et c'est par le développement et l'utilisation de ses compétences qu'il le fait.

Les études sur la mobilisation abondent et, sans élaborer sur le sujet, précisons toutefois que les voies menant l'individu au développement de son plein potentiel demeurent une grande source de motivation. Pour plusieurs, développer son plein potentiel est autrement plus mobilisant que d'acquérir la compétence pointue X ou Y. Pourquoi l'employé mobilisé à apprendre et à continuer à se développer quitterait-il l'entreprise? Cette question est fondamentale dans un contexte démographique où la planification de la relève s'impose.

Ce problème de relève n'est pas seulement associé à la diminution du nombre de travailleurs disponibles. Les travailleurs de demain seront moins nombreux et plusieurs auront des valeurs différentes de celles de leurs prédécesseurs. Cette relève se révèle de plus en plus scolarisée et, pour elle, le travail est de plus en plus perçu comme une des dimensions d'une vie réussie. En contexte de rareté de main-d'œuvre, les employés de demain auront le choix de rester ou de quitter l'entreprise: leur zone de pouvoir augmentera.

Notre société change sur plusieurs plans et rapidement. Sommes-nous prêts à vivre ces changements imminents? Que faisons-nous pour conserver notre main-d'œuvre compétente?

Allons maintenant au cœur du modèle Stratégie formation/apprentissage et voyons les éléments souvent les plus visibles, soit les moyens, les méthodes et les pratiques de formation.

Moyens, méthodes et pratiques de formation

La tendance actuelle peut être décrite en un seul mot: diversité. Diversité des moyens, des contenus, des apprenants.

Jadis, les approches choisies variaient souvent en fonction des types de savoirs à acquérir. C'est toujours vrai, mais au-delà de ça, le bassin de connaissances croît à une vitesse vertigineuse. Les compétences nécessaires à l'emploi d'après-demain sont souvent inconnues aujourd'hui.

Une multitude de nouveaux contenus font leur apparition. La relève arrive avec un bagage de connaissances explicites et tacites fort diversifiées. Ces individus partent de bases différentes et devront donc développer des apprentissages différents pour un même poste. Les approches individualisées refont surface. De plus en plus, on voit cohabiter une multitude de contenus variés pour le même poste. À la variété de contenus s'ajoute une multitude de moyens d'apprentissage. «Il y a plus qu'une bonne façon de bien faire les choses.» Cet adage n'aura jamais été aussi vrai.

En 2003, quels sont les moyens qui s'offrent à nous?

Le fond et la forme…

Prenons un classique de la formation, Models of Teaching de Joyce et Wells. Si on compare le contenu de la seconde édition de 1980 avec la toute dernière édition de 2002, il en ressort que, si certaines pratiques sont plus élaborées (principalement à l'aide de la technologie), les grands courants de pensée ont peu changé en vingt ans. On classe toujours les approches de formation selon les mêmes courants théoriques: béhavioriste, cognitiviste, développement personnel, etc. Que l'on parle de co-développement, d'apprentissage par problèmes, de coaching, de mentorat ou d'apprentissage en ligne, leur origine reste la même. Parfois, la terminologie est nouvelle, mais l'essence ne l'est pas.

Évolution des modèles

Joyce et Wells classent essentiellement les modèles en quatre catégories principales: influence sociale, traitement d'information, modèles axés sur le développement personnel et modèles d'ordre comportemental.

Les modèles qui font partie de la catégorie «Influence sociale» regroupent entre autres les approches utilisant les résolutions de problèmes en groupes ou les jeux de rôles, etc. On sent parfois des variantes dans les sous-catégories; par exemple, les T-Groups qui avaient droit au chapitre en 1972 et 1980 ont été remplacés en 2002 par les notions de styles d'apprentissage.

En trente ans, ce sont les modèles associés aux approches béhavioristes qui ont le plus changé, surtout en ce qui a trait à leur terminologie. Si la philosophie qui s'y rattache ne change pas, ces modèles visent une modification du comportement. Les méthodes qui y sont associées ont parfois changé de nom.

Sous ce chapitre, on retrouvait en 1980 des approches associées à la contingence et au lien de causalité, axées sur le contrôle de soi et de son environnement. En 2002, on y retrouve l'instruction programmée, l'instruction directe, les simulations et même l'auto-formation.

Diversité

Les approches de formation sont de plus en plus diversifiées: nous n'en verrons que quelques exemples. À une extrême, se situent toutes les approches dites présentielles, qui mettent l'emphase sur la dimension du lien humain en matière d'apprentissage. À l'autre extrême, on trouve les approches utilisant d'autres moyens pour favoriser l'apprentissage: l'apprentissage en ligne, les simulateurs, la lecture, etc. Les dernières années ont vu surgir des approches aux deux extrêmes de ce spectre. Les moyens technologiques accrus au sein des entreprises ont sans doute créé une opportunité à leur utilisation en formation.

Les approches utilisant la technologie (apprentissage en ligne)

Bien sûr, ces approches à moyen et à long termes peuvent présenter des avantages en matière de réduction de coûts et de flexibilité accrue. Si on combine adéquatement un système de développement des compétences avec des approches d'apprentissage en ligne, la souplesse est accrue puisque les apprenants peuvent déterminer en partie le contenu et le rythme de leur formation. Pour certains contenus cognitifs et techniques, la souplesse de cette méthode peut être appréciée. Mais la possibilité d'échanger les connaissances acquises en présence d'autres individus manquera à certains.

Dans un cahier spécial consacré à la formation, publié par le journal La Presse le 5 février dernier, Mathieu Perreault, disait: «Voilà quelques années, les spécialistes pensaient que la formation électronique révolutionnerait le domaine. Maintenant, ils déchantent: le taux d'abandon de la formation à distance frise les 80% à 90%, à cause du manque d'encadrement et de contact humain.»

On voit depuis quelques années ressortir des pratiques d'apprentissage mettant l'accent sur la relation entre les personnes. Certaines de ces pratiques sont vieilles comme le monde.

Le mentorat et le coaching

On parle de plus en plus de mentorat en entreprise. Est-ce pour pallier ce manque de liens humains? L'hypothèse semble valable. Mais au-delà de cette dimension, une des grandes valeurs ajoutées de ces approches est de jumeler autant l'intégration de l'individu à l'organisation et son développement professionnel et personnel.

Approches mixtes

Plusieurs entreprises misent sur la diversité des approches disponibles et utilisent des approches mixtes (blended approaches). Une fois de plus, la notion de diversité fait ressortir la nécessité d'établir des liens. Ce n'est pas parce qu'on utilise des approches mixtes qu'elles se complètent et se renforcent les unes les autres. En effet, plus grande est la diversité des approches, plus étroit et plus explicite devrait être le lien avec la raison d'être de ces apprentissages.

En conclusion

Où en sommes nous en formation en 2003?

À revisiter la raison d'être même de tout le système de formation/apprentissage. À prendre le recul nécessaire pour positionner adéquatement le lien stratégique entre le développement des employés et le développement économique et social des entreprises. C'est avec ces préoccupations en toile de fond que l'on pourra choisir les contenus et les approches qui favoriseront la mobilisation nécessaire à l'apprentissage.

Cette mobilisation passe en grande partie par le sens que le travailleur donne à sa présence actuelle et future dans l'organisation. Cette compréhension dépasse le quotidien de l'exécution d'une tâche. Seule une vision globale permet de saisir toute la puissance qui unit la formation, le développement personnel à la stratégie d'entreprise. Cette vision globale est primordiale à la capacité de faire les liens nécessaires tant à la diffusion qu'à la création de nouveaux savoirs.

Danièle Ricard est professeure à l' école des sciences de la gestion, UQAM

Source : Effectif, volume 6, numéro 3, juin / juillet / août 2003


Danièle Ricard