ressources / deontologie-et-ethique

Une situation exceptionnelle...

Consultant en ressources humaines, Éric Jomphe*, CRHA a fondé son cabinet avec Jacinthe qui est également CRHA. Comme Jacinthe est actuellement en congé de maladie prolongé, Éric a gentiment accepté de s’occuper de ses dossiers durant son absence. Certains de ces dossiers le laissent perplexe, car les mandats à effectuer ne lui sont pas familiers. Il travaille donc de longues heures, mais il commence à avoir de la difficulté à effectuer les tâches nécessaires, à rappeler les clients et à faire un suivi auprès d’eux. Il veut bien satisfaire tous les clients, mais il se sent dépassé par la situation.

* Nom fictif

12 juin 2015
Me Édith Rondeau et Manon Daigneault, CRHA

L'ÉCLAIRAGE DÉONTOLOGIQUE

L’intérêt des clients doit primer!

Me Édith Rondeau, directrice, admission et qualité de la pratique, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Éric se retrouve dans une situation délicate et il doit réagir. Le Code de déontologie prévoit qu’il doit fournir des services professionnels de qualité à ses clients. Il doit donc s’abstenir d’exercer sa profession ou de faire certains actes professionnels dans des conditions susceptibles de compromettre la qualité des services qu’il fournit à ses clients.

De plus, Éric doit se rappeler qu’il est tenu d’agir dans l’intérêt de ses clients. Il doit donc faire les suivis nécessaires et répondre à leurs messages téléphoniques. Il s’agit de son devoir de professionnel. Le Code est clair : Éric doit faire preuve d’une diligence et d’une disponibilité raisonnables. Il ne peut en aucun cas négliger un client, même dans cette situation exceptionnelle où il doit remplacer sa collègue Jacinthe.

Éric doit également s’assurer que ses connaissances et ses aptitudes le rendent apte à réaliser les mandats de Jacinthe. Il doit aussi veiller à disposer des moyens nécessaires pour ce faire. Cela signifie qu’il doit éviter d’entreprendre des mandats pour lesquels il n’est pas suffisamment préparé sans obtenir l’assistance ou les informations nécessaires. Le Code de déontologie spécifie formellement qu’Éric ne peut accepter un mandat pour lequel il n’a pas déjà acquis la compétence requise ou qu’il n’est pas en mesure de l'acquérir.

Par conséquent, Éric doit s’abstenir d’accepter un nombre de mandats qui dépasse sa capacité à respecter l’intérêt de ses clients ou ses obligations professionnelles. Il devra donc sans aucun doute refuser certains mandats pour s’assurer de remplir ses autres devoirs. Il est clair que, dans cette situation, il ne pourra pas accepter d’assumer tous les dossiers de Jacinthe.

Enfin, Éric doit toujours être conscient que ses devoirs déontologiques s’appliquent à toutes les situations qu’il peut rencontrer dans sa vie de professionnel. Il doit réagir pour se conformer à son Code de déontologie.

À retenir

  • Le membre doit fournir des services professionnels de qualité (article 2 du Code de déontologie).
  • Le membre doit tenir compte des limites de ses aptitudes, de ses connaissances ainsi que des moyens dont il dispose (article 4 du Code).
  • Le membre ne doit pas accepter un mandat pour lequel il n’a pas acquis en temps utile la compétence requise (article 4 par. 2 du Code).
  • Le membre doit s’abstenir d’exercer sa profession dans des conditions ou des états susceptibles de compromettre la qualité des services professionnels qu’il fournit (article 5 du Code).
  • Le membre ne doit pas accepter un nombre de mandats supérieur à ce que peut exiger de lui l’intérêt des clients ou le respect de ses obligations professionnelles (article 18 al. 2 du Code).
  • Le membre doit faire preuve d’une diligence et d’une disponibilité raisonnables (article 22 du Code).

L’ÉCLAIRAGE DU PROFESSIONNEL

Et qu’en est-il en pratique?

Manon Daigneault, CRHA, présidente-directrice générale, Réseau DOF

Entre la théorie et la pratique, il peut parfois y avoir un écart important, ou plutôt… une pile de dossiers et de clients! Et qui peut se targuer de ne jamais s’être senti dans la situation d’Éric, dépassé par les demandes et les exigences, que ce soit en nombre ou en complexité?

Retenons tout d’abord que nous sommes tous en mesure d’offrir la meilleure qualité de produit ou de service lorsque nous nous sentons en confiance. Confiance en nos capacités et en nos compétences. La confiance exige une bonne connaissance de soi et une bonne reconnaissance de ses acquis, de ses forces et aussi de ses limites ou contraintes. C’est un facteur important pour atteindre ce que l’auteur Mihaly Csikszentmihalyi appelle « l’état de flow », qui se traduit par l’équilibre ressenti entre les défis à relever et les compétences pour y parvenir. Alors, oui aux défis qui nous rendent fiers de notre performance ou nous font dépasser nos limites (passer d’un 5 km de course à un 10 km, par exemple); mais non aux défis qui risquent de générer de l’anxiété ou un sentiment de non-performance (passer d’un 5 km de course à un Ironman!).

Cela dit, comment dire non si on croit qu’on ne pourra pas bien servir le client et l’organisation en acceptant des tâches particulières? Un auteur, William Ulry, explique que dire non, c’est aussi dire trois fois oui! Et c’est très sérieux.

Le premier oui est un oui à soi-même, à ses besoins (de réalisation, d’équilibre, de professionnalisme, etc.).

Le second oui est un oui aux besoins de l’autre, mais pas nécessairement à sa demande. La demande ici est de prendre les dossiers de Jacinthe. En se basant sur ses compétences, ses disponibilités et ses capacités, Éric aurait pu être tenté de dire non. Mais quel est le besoin derrière la demande? Trouver une façon de gérer les dossiers d’une collègue absente. À cela, tout professionnel digne de ce nom répondrait oui.

Le troisième oui est un oui à la recherche de solutions alternatives. « Je veux me sentir à la hauteur et apporter ma contribution pendant l’absence de notre collègue Jacinthe. Je suis toutefois préoccupé par ma méconnaissance de certains dossiers et par ma capacité à offrir la qualité de service attendue. Peut-on dans ce contexte chercher ensemble d’autres options? »

Plus facile à dire qu’à faire, dira-t-on? Assurément. Mais c’est une technique qui s’apprend et qui fonctionne! Oui, oui, oui!

Source : Effectif, volume 18, numéro 5, novembre/décembre 2015.


Me Édith Rondeau et Manon Daigneault, CRHA