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Quelques étapes à suivre pour prendre une décision éthique

Les enjeux éthiques en ressources humaines sont grands et les professionnels RH, bien qu’encadrés par un code de déontologie, sont souvent aux prises avec des situations délicates à gérer concrètement.

Manon Perreault, CRHA

Comment le professionnel en ressources humaines doit-il réagir quand un gestionnaire d’expérience insiste fortement pour connaître le contenu médical d’un employé en congé de maladie, même s’il est interdit, voire illégal de le dévoiler?

En pareil cas, une réflexion éthique peut appuyer de façon significative la pratique du professionnel en ressources humaines. 

Voici quelques étapes à suivre

  1. Identifier le problème
    Afin d’identifier un problème éthique, encore faut-il avoir la capacité de déceler les situations à risques. Cette sensibilité génère diverses réactions telles que l’indignation, l’inconfort, le doute, qui font réaliser que quelque chose ne va pas. Mais il importe  de bien définir les tensions présentes. Tout problème n’est pas nécessairement éthique. S’agit-il d’un conflit de personnalités, d’un problème de communication ou bien spécifiquement d’un problème éthique? Le défi ici est d’identifier l’émotion qui permet de cibler la problématique et de s’assurer qu’elle n’est pas le reflet de croyances personnelles, mais bien de la situation elle-même.
  2. Déterminer s’il s’agit d’un problème, d’un dilemme ou d’un enjeu 
    On parle d’un problème éthique si le  risque est immédiat, et d’un dilemme éthique si deux valeurs importantes sont en opposition et qu’il est difficile de les prioriser. Il sera alors impossible de résoudre la problématique sans éviter des conséquences négatives pour soi ou pour autrui. Il s’agit d’un enjeu éthique lorsque le risque est à venir ou est probable en fonction des actions immédiates.
  3. Identifier les valeurs
    Quelles sont les valeurs en jeu qui concernent le professionnel RH, l’organisation ou les personnes impliquées? Dresser la liste des valeurs n’est pas une mince tâche. Pour ce faire, on peut s’inspirer des 56 valeurs de Schwartz et Lilach (1995). Cette étape est primordiale, car elle est souvent à la base de dilemmes et de problèmes éthiques.
  4. Considérer le contexte
    Par la suite, il importe de prendre en considération les différents contextes et d’en faire une analyse, car ils pourront influencer la décision.
    • Contexte légal (quelles sont les lois en vigueur dans cette situation?)
    • Contexte déontologique (quelle serait la bonne pratique dans cette situation?)
    • Contexte personnel des individus impliqués (vivent-ils des situations difficiles qui peuvent influencer la situation?)
    • Contexte organisationnel (l’entreprise connaît-elle des difficultés financières? Suis-je en autorité dans la situation?)
  5. Reconnaître les enjeux
    À cette étape, il faut dresser et analyser les enjeux, c’est-à-dire ce que l’une ou l’autre des parties peut perdre dans la problématique. C’est ici que tout se joue dans une réflexion éthique. L’être humain tente par réflexe de se protéger lui-même. Réfléchir aux conséquences pour les autres lui échappe trop souvent.
  6. Être sensible aux personnalités
    La personnalité des individus concernés entre en jeu dans cette délibération éthique. Tous n’ont pas le même regard sur autrui. Or, certains ont plus d’empathie que d’autres. L’empathie est la clé afin de bien réfléchir sur une problématique éthique. Si le professionnel RH a l’impression que ses interlocuteurs n’en ont pas (et ce n’est pas nécessairement un défaut), il risque de se heurter à un mur qui l’empêchera d’établir un dialogue constructif. Si l’interlocuteur a une  personnalité à tendance narcissique ou égocentrique, il y a fort à parier que les efforts du professionnel RH pour considérer les conséquences négatives sur autrui dans la problématique ne seront pas pris en compte.
  7. Prendre une décision
    Après avoir analysé tous les éléments, on doit prendre la meilleure décision possible. L’important dans une délibération éthique est de tenter de minimiser les conséquences sur autrui et de prendre une décision que les personnes concernées pourraient juger raisonnable. Afin de valider la qualité de la décision, voici trois questions à se poser :
    • Serais-je à l’aise pour défendre ma décision publiquement?
    • Ma décision pourrait-elle servir d’exemple dans une situation semblable?
    • Est-ce que je considérerais cette décision comme un bon choix, si c’était moi qui en subissais les conséquences.

Conclusion
Cette démarche semble lourde et compliquée? Pas si on prend conscience que toute personne a un jour ou l’autre fait une telle démarche soit avec elle-même, soit avec d’autres individus, et ce, sans s’en rendre compte. La réflexion éthique est à la portée de tous et peut venir appuyer considérablement les décisions. Rappelons que ce processus est nécessaire afin de réduire l’arbitraire, d’assurer l’équité et d’éviter les abus de pouvoir. Si la décision est fondée seulement sur les valeurs et les intérêts du décideur ou de la personne en autorité, ce n’est pas une décision éthique.

 

À propos de l’auteure

Manon Perreault, CRHA est consultante en ressources humaines et formatrice. Elle offre de la formation en entreprise sur la prise de décision éthique. On peut la joindre par téléphone [1 866-472-1601] ou par courriel [mperreault@perreaultassocies.com].


Author
Manon Perreault, CRHA Consultante en ressources humaines, formatrice, conférencière Perreault & Associés

Manon Perreault, M.A., CRHA, est formatrice en prévention de la violence organisationnelle qui inclut le harcèlement psychologique, l’intimidation et l’incivilité. Titulaire d’une maîtrise en éthique appliquée, elle aspire à ce que les organisations voient le harcèlement psychologique et sexuel d’un point de vue éthique plutôt que juridique. Fondatrice de Perreault & Associés, cabinet-conseil en RH, elle dirige une équipe de professionnelles depuis 20 ans et conseille les organisations dans leur réflexion stratégique en matière de gestion.


Source :

Pour aller plus loin : suggestions de lecture

  • Petit manuel d’éthique appliquée à la gestion publique, Yves Boisvert, Magalie Jutras, Georges A. Legault, Allison Marchildon avec la collaboration de Louis Côté, édition Liber, 2003.
  • Professionnalisme et délibération éthique, Legault, Georges A., 2010, Presses de l’Université du Québec.
  • Prise de décision en éthique clinique, Perspectives micro, méso et macro, sous la direction de Farmer, Yanick, Bouthillier, Marie-Ève, Roigt, Delphine, 2013, Presses de l’Université du Québec. 

Cet article est paru dans la rubrique Coin de l'expert le 21 octobre 2014