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Question d’honoraires…

Claudine Beauchemin*, CRHA, est consultante en rémunération. Après avoir terminé un mandat qui s’est échelonné sur sept semaines, elle a envoyé son compte d’honoraires à sa cliente. Or, cette dernière trouve que le montant réclamé est injustifié et refuse de lui payer la somme due. Elle estime que Claudine a gonflé sa facture en y incluant son temps de déplacement au taux horaire. Claudine est étonnée, car le temps de déplacement constitue du temps de travail effectif et elle a clairement mentionné son tarif horaire. Quelles sont les pratiques à privilégier au moment de la facturation? Comment Claudine peut-elle obtenir le paiement de ses honoraires, tout en préservant sa réputation?

* Nom fictif

24 novembre 2009
Karine Pelletier, CRHA, et Jean-Marc Léveillé, CRIA

L’éclairage déontologique - Avant tout, bien renseigner son client…
Par Karine Pelletier, CRHA, coordonnatrice, Recherches, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

La question des honoraires est cruciale lorsqu’une relation professionnelle s’établit entre un consultant membre de l’Ordre et son client. Dès le départ, le CRHA ou CRIA doit renseigner son client sur l’ampleur du mandat et sur les coûts de sa réalisation.

En toutes circonstances, les honoraires réclamés doivent être « justes et raisonnables ». Claudine doit donc s’assurer que ses honoraires sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services rendus. La facturation de ses services ne doit pas consister uniquement en un exercice mathématique de multiplication d’un nombre d’heures travaillées à un taux horaire. Claudine doit exercer un certain jugement à cet égard.

En outre, pour bien encadrer la prestation de ses services, Claudine aurait dû signer une entente avec sa cliente précisant non seulement son tarif horaire, mais aussi les frais inclus ou non dans ce tarif, comme le temps de déplacement. Toutefois, lorsque les honoraires ne sont pas justes et raisonnables, le fait que la cliente ait signé ou non un contrat importe peu, puisque les règles déontologiques ont préséance à cet égard. Aussi, pour éviter une mauvaise surprise à sa cliente lors de la réception du compte, Claudine aurait pu lui envoyer des factures intermédiaires, ce qui lui aurait donné une idée plus précise de l’avancement des travaux et des dépenses engagées. Le défaut de paiement d’une facture intermédiaire par la cliente aurait alors permis à Claudine de mettre fin unilatéralement au mandat.

Précisons que le compte d’honoraires doit fournir au client toutes les explications nécessaires à sa compréhension ainsi que les modalités de paiement.

Cela dit, que peut faire Claudine pour obtenir le paiement de ses honoraires?

Avant d’entreprendre toute action, elle doit garder en tête que le Code de déontologie des membres de l’Ordre l’oblige à agir avec courtoisie, dignité, modération et objectivité. Elle doit aussi éviter toute attitude ou méthode susceptible de nuire à la réputation de la profession et à son aptitude à servir l’intérêt public.

En outre, le Code de déontologie prévoit que les CRHA et CRIA doivent épuiser les autres moyens dont ils disposent pour obtenir le paiement de leurs honoraires, avant de recourir à des procédures judiciaires. Et si Claudine confie à une autre personne la perception de ses honoraires, elle doit, dans la mesure du possible, s’assurer que celle-ci procède avec tact et mesure.

Notons en terminant que, malgré le retard dans le paiement de son compte d’honoraires, Claudine ne pourra percevoir des intérêts qu’après en avoir avisé sa cliente et que les intérêts exigés doivent être d’un taux raisonnable.

Le respect de ces quelques règles déontologiques permettra à Claudine d’éviter d’envenimer la situation actuelle et de susciter d’autres litiges…
 

À retenir

  • Demander des honoraires justes et raisonnables.
  • Indiquer clairement les prestations incluses ou non dans les honoraires.
  • Fournir les explications nécessaires à la compréhension du compte d’honoraires.
  • Épuiser tous les autres moyens à sa disposition avant de recourir à des procédures judiciaires pour obtenir le paiement de ses honoraires.

Pour aller plus loin… Des lectures en lien avec cette chronique, les extraits pertinents du Code de déontologie et divers compléments d’information se trouvent dans le portail de l’Ordre [Code de déontologie].

 

La déontologie en action - Établir un cadre financier clair
Par Jean-Marc Léveillé, CRIA, président, Dotemtex, Recherche de cadres inc.

Dès le départ, Claudine aurait dû établir pour son mandat un contrat de service fixant ses honoraires au taux horaire ou forfaitaire.

À titre de consultante, elle doit savoir que, si elle choisit de facturer ses services à l’heure, elle doit établir tout ce que son taux horaire inclut (frais de transport ou autres). Nous recommandons au consultant qui travaille au taux horaire d’établir, avant d’entreprendre le mandat, un cadre financier qui permettra à son client d’avoir un ordre de grandeur de la facture totale. Il faut identifier les autres facteurs de dépense et s’entendre sur un budget.

Si le projet s’échelonne sur une période de trente jours et plus, il est préférable de déterminer les étapes du travail à effectuer et d’établir une facture après la réalisation de chacune d’entre elles. Ainsi, si le client n’approuve pas les honoraires d’une étape, il sera facile de s’ajuster. D’ailleurs, après l’envoi du compte d’honoraires, il est approprié de faire un suivi auprès du client pour vérifier s’il est satisfait du déroulement du mandat et s’il a des questions.

Par ailleurs, quand le mandat est donné à forfait, l’offre de service doit inclure les éléments qui pourraient être variables. Le consultant doit discuter ouvertement avec son client de ses dépenses non incluses dans le forfait.

Un client peut avoir plusieurs raisons de retarder le paiement d’un compte : insatisfaction, contrainte de liquidité, délais administratifs. C’est pourquoi il faut s’assurer que l’offre de service délimite les modalités de paiement : sur réception, à 30 jours ou à 60 jours ainsi que le taux d’intérêt applicable en cas de retard.

Le consultant doit entretenir une communication ouverte avec son client. Si le client conteste le compte d’honoraires, il serait intéressant de planifier une rencontre afin d’identifier la portion litigieuse de la facture. Il n’est pas rare qu’une facture soit contestée pour moins de 1 % du total. Le consultant doit donc tenter de voir s’il y a possibilité de compromis et déterminer avant la rencontre les éléments qu’il serait prêt à modifier. Bref, il faut identifier une solution satisfaisante pour son client en se reportant au mandat de base et à son exécution.

Il est cependant important de maintenir son taux horaire intact. Réduire son tarif n’est pas une bonne idée, car lors d’un autre mandat, la tarification serait rapidement remise en question. Il faut aussi, à titre de professionnel, maintenir une équité de tarification sur le marché. Si on facture à taux différents, il est important d’établir une grille de tarification logique afin de transmettre un message cohérent à ses clients.

Source : Effectif, volume 12, numéro 5, novembre/décembre 2009.


Karine Pelletier, CRHA, et Jean-Marc Léveillé, CRIA