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Conflit d'intérêts : sachez chasser ce spectre

Aujourd'hui, éthique et professionnalisme sont devenus des essentiels de la bonne conduite des affaires. De plus en plus exposées sur la place publique, les organisations sont dorénavant conscientes de l'importance d'adopter une attitude responsable, à tous égards. Il suffit parfois de peu de chose pour ternir l'image d'un individu ou d'un groupe et laisser planer le souvenir d'une conduite douteuse.

9 octobre 2002
Jocelyne Parisella et Luc Lavoie

C'est pourquoi, plusieurs organisations des secteurs privés, ont jugé sage d'établir des politiques, des règles, des codes ou des notes d'orientation à ce propos. On balise ainsi les échanges de bons procédés qui pourraient placer les employés en conflit d'intérêts avec l'entreprise, que ce soit dans le cadre de leurs relations avec les clients, les concurrents ou les fournisseurs. Il importe, avant tout, d'aider chaque employé à éviter, dans l'intérêt de l'organisation, des situations qui risquent d'interférer avec son impartialité dans la prise de décision.

Cependant, certaines offres d'avantages ou de faveurs revêtent un caractère si subtil qu'il devient difficile d'en cerner l'aspect conflictuel. Des énoncés fondamentaux soigneusement élaborés permettent d'aborder les décisions d'affaires avec discernement.

L'échange de faveurs… toujours, peut-être, parfois, jamais…

L'élément le plus susceptible de placer une organisation dans l'embarras est l'échange de faveurs, de privilèges et de cadeaux. L'acceptation d'un cadeau doit reposer tant sur sa valeur symbolique que sur sa valeur financière. Ce cadeau risque-t-il de représenter pour quiconque une valeur telle qu'il viendrait influencer son jugement ? Ce cadeau a-t-il été sollicité ? Si on peut répondre non à ces questions, un cadeau de valeur modeste, remis dans le cadre normal des relations commerciales, peut être accepté. Les invitations à partager un repas, une activité culturelle, sociale ou sportive sont également acceptables, pourvu qu'elles demeurent occasionnelles et, dans la mesure du possible, réciproques.

Par contre, peu importe le contexte, certains cadeaux ou privilèges ne peuvent être ni acceptés, ni offerts, quand ils créent de façon évidente une forme d'obligation tacite envers le donateur. Citons, entre autres, l'argent comptant, les chèques-cadeaux, les titres, les services personnels, les escomptes sur des biens ou des services, les prêts, les objets d'art, les voyages coûteux, etc.

Aucun énoncé en matière d'éthique ne peut prévoir toutes les éventualités.

Il devient donc impératif d'établir des balises sous forme d'un questionnement rigoureux. Ces questions permettront, dans plusieurs cas, de dissiper les ambiguïtés reliées aux situations nouvelles, nébuleuses ou culturellement méconnues :

  • le cadeau offert est-il directement relié à la conduite des affaires ?
  • l'offre ou l'acceptation du cadeau, du privilège ou de la faveur créerait-elle un malaise à l'égard de clients, d'autres fournisseurs, des supérieurs hiérarchiques, d'autres employés ou des médias ?
  • l'acceptation du cadeau peut-elle créer un sentiment d'obligation ?
  • le cadeau, le privilège ou la faveur contreviennent-ils à une loi, une réglementation ou aux bonnes pratiques commerciales ?
  • risque-t-on d'influer sur une négociation en cours ?
  • le refus de la faveur, du privilège ou du cadeau pourrait-il aller à l'encontre des intérêts de l'organisation, d'us et de coutumes étrangères et nuire ainsi à l'établissement de bonnes relations d'affaires ?

L'employé fournisseur et les conflits d'intérêts

Lorsque vient le temps du choix d'un fournisseur de biens ou de services, il n'est pas souhaitable d'accepter qu'un employé agisse à ce titre auprès de l'entreprise. Bien qu'il soit possible que l'offre d'un employé comble les attentes de l'entreprise en matière de qualité et de prix, la dualité de la relation entraîne inévitablement des situations conflictuelles à court ou à long termes : d'une part, il devient pratiquement impossible d'assurer l'objectivité de la décision d'affaires lorsqu'un seul individu porte ces deux chapeaux; d'autre part, la position privilégiée de l'individu dans l'organisation lui donne accès à des informations confidentielles et/ou exclusives, créant ainsi une situation de concurrence déloyale envers les autres fournisseurs ou prestataires de services.

L'embauche et les conflits d'intérêts potentiels

Plusieurs organisations favorisent la proposition de candidats par des employés à qui elles accordent des primes en contrepartie des économies réalisées. Cette approche procure une assurance accrue quant aux antécédents du candidat et peut donner un bon départ à une relation de confiance de part et d'autre. Toutefois, dans de telles circonstances, il est primordial de suivre les règles suivantes :

  • l'employé qui a recommandé le candidat ne devrait pas prendre part au processus d'embauche;
  • un conjoint ou un membre de la famille qui a été recommandé et embauché ne devrait jamais évoluer dans la même ligne hiérarchique que l'intervenant qui l'a parrainé.

Code d'éthique ou énoncé ?

Certaines entreprises décident d'élaborer un code d'éthique rigoureux alors que d'autres optent pour la diffusion d'un énoncé visant à communiquer les grandes orientations et laissent le soin à leurs employés de juger des situations. Le bref exercice d'introspection proposé précédemment devrait parvenir à chasser les doutes ou à confirmer les appréhensions.

Cependant, en dépit de toutes ces considérations, les organisations devraient s'employer à connaître les échanges de courtoisie dans lesquels elles sont impliquées. Pour s'en assurer, il est approprié de créer une obligation de divulgation tant pour la réception que pour le don de cadeaux, faveurs ou privilèges, et ce, peu importe la relation d'affaires entretenue. Il pourra s'agir d'un rapport mensuel ou autre au service des ressources humaines ou d'une communication au supérieur hiérarchique qui exercera un rôle décisionnel sur ce plan. Il convient d'éviter les surprises embarrassantes tout en tenant compte de la culture de l'organisation.

Peu importe le contexte, il est possible d'exercer des activités commerciales, qu'elles soient locales ou internationales, tout en observant tant les lois et les règles que l'éthique des affaires. Il s'agit d'établir clairement la philosophie de l'entreprise, de mettre en place les ressources pour obtenir l'information juridique et culturelle relative aux pays où l'on fait affaire et de mettre en oeuvre les moyens pour s'assurer que tous sont bien informés, en tout temps. La réputation d'intégrité d'une organisation est un actif inestimable et chacun de ses membres doit assumer pleinement la responsabilité de la préserver et de la promouvoir.

Jocelyne Parisella est journaliste indépendante et Luc Lavoie est directeur de la vérification interne chez Microcell Telecommunication Inc.

Source : Effectif, volume 5, numéro 3, juin / juillet / août 2002


Jocelyne Parisella et Luc Lavoie