Vous lisez : Jusqu’où va la solidarité?

Marc est acheteur pour la même entreprise depuis trois ans. Il apprécie beaucoup son travail et le prend très au sérieux. Soucieux du travail bien fait, il aime partir le soir avec la satisfaction du devoir accompli. Mais depuis quelque temps, il remarque que son collègue François, avec qui il travaille depuis deux ans, n’est plus le même. Le travail de François laisse à désirer et cela a des répercussions sur celui de Marc. Malgré tout, Marc reste un joueur d’équipe et ne veut pas mettre François dans l’embarras. Il essaie même d’en faire un peu plus, le temps que François règle ses problèmes; mais la situation semble s’éterniser et il ne voit aucune amélioration. Voilà qu’un jour, Marc est appelé par son supérieur qui n’est pas du tout content de son travail. Plusieurs erreurs ont été notées, les commandes sont mal faites; cet état de choses commence à retarder les autres services qui n’ont plus les outils ni les pièces nécessaires pour bien faire leur travail. En tant que professionnel de la gestion des ressources humaines, que conseillez-vous à Marc de faire?

La solidarité, oui… mais pas à n’importe quel prix!
Par Michèle Tassé, CRHA, consultante en ressources humaines, MTRH Conseil

Quel type de problème a François? Marc a-t-il déjà discuté de la situation et des répercussions sur son travail avec lui? La situation dure depuis combien de temps? Toutes ces réponses orienteront nos conseils.

Il est tentant de garder secret ce qu’un collègue nous confie, par solidarité, pour ne pas briser le lien de confiance ou pour être un bon joueur d’équipe. Malheureusement, tôt ou tard, la vérité finit par éclater au grand jour. Il ne faut cependant pas attendre que ce silence compromette notre rendement ou même notre emploi. Il faut prendre la situation en main le plus tôt possible et ne pas avoir peur de fixer nos limites. Dès le départ, Marc aurait dû suggérer à François de demander de l’aide, de consulter un psychologue, d’avoir recours au PAE, et d’en aviser son supérieur immédiat au lieu de le cacher. Ce dernier serait peut-être beaucoup plus compréhensif et tolérant qu’il ne le pense et verrait sûrement à le conseiller ou à lui faire voir la situation d’une autre façon.

Si le cas perdure depuis longtemps, il faut se demander à quel style de personne on a affaire. En effet, plusieurs éléments tels son humeur, son assiduité ou son rendement permettent de déterminer s’il y a quelque chose qui ne va pas chez un individu, et ce, bien avant que la situation produise un effet domino sur les autres membres de l’équipe.

Il n’est cependant jamais trop tard pour prendre la situation en main et c’est ce que Marc devra faire, avant même de rencontrer son supérieur. S’il en a le temps, il devra faire clairement comprendre à François que la situation lui crée des ennuis et le convaincre qu’il est maintenant temps d’avouer ses problèmes au patron. Il peut l’accompagner s’il le faut. Même si Marc devra se justifier à son patron concernant sa baisse de rendement, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas à lui de déclarer la situation. S’il n’a pu discuter avec François avant sa rencontre, voici quelles sont ses options : il pourrait garder le silence et vivre avec les conséquences, expliquer lui-même la situation ou encore demander à François de l’accompagner à la rencontre.

Cette mise en situation est une réalité quotidienne. Faire preuve d’empathie ne signifie pas qu’on est personnellement impliqué, mais bien mieux qu’on comprend la situation afin de la recentrer sur la réalité de vie au travail. Rien ne remplace une discussion franche et transparente.

On dit souvent que parler, c’est grandir!


Une solidarité d’un autre ordre!
Par Louise Charette, CRHA, présidente, Multi Aspects Groupe Inc. – D.O. et Formation

Marc se sent pris entre sa « solidarité » avec François et sa loyauté envers l’entreprise, ce qui en fait un cas moral pour lui, puisqu’il aime que les tâches soit bien faites et qu’il se sent valorisé par la satisfaction du travail accompli.

En fait, Marc doit faire passer sa loyauté envers l’entreprise avant sa solidarité avec François. D’abord, couvrir son compagnon en faisant le travail de deux personnes ne peut que lui nuire au sens où il finit par payer à sa place. Ensuite, Marc doit loyauté à son employeur au regard du travail effectué. Facile à dire, pas nécessairement facile à faire!

La situation est délicate. S’il ne veut pas gâcher sa relation avec François, Marc doit aborder la question dans la perspective non pas de dénoncer son compagnon, mais de l’aider à se sortir de sa situation qui semble se prolonger. Sa solidarité sera plus utile s’il se confie à son patron (si ce dernier sait écouter et être empathique).

Les responsabilités
Dans un premier temps, Marc doit aller en parler à son patron. L’objectif de la rencontre sera de le mettre au courant de la situation et de voir s’il n’y a pas moyen de venir en aide à son compagnon. Marc doit ensuite parler à François et lui dire ce qu’il a observé, ce qu’il a fait pour le couvrir et les conséquences que cela a sur lui sans l’accuser ou faire pression, mais bien pour lui faire prendre conscience qu’il a besoin d’aide.

La meilleure avenue est que Marc suggère à François d’en parler lui aussi au patron en faisant valoir qu’il est une personne compréhensive (si c’est vrai). L’objectif est de venir en aide à François pour qu’il redevienne lui-même et soit en mesure de faire son travail. Mais il ne faut surtout pas que Marc tombe dans le piège de devenir son confident et qu’il se fasse lier les mains par un serment de confidentialité.

D’autre part, le rôle du patron est de rencontrer François pour lui fournir une aide adéquate si cela est pertinent ou l’adresser à des ressources spécialisées, le cas échéant.

Une fois que son compagnon est en bonnes mains, Marc pourra le soutenir en continuant de lui fournir un accueil chaleureux et en faisant son propre travail.

Source : Effectif, Volume 9, numéro 2, avril/mai 2006

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